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Extrait des Fleurs du mal, section «Spleen et Idéal» de Baudelaire

Fiche de lecture : Extrait des Fleurs du mal, section «Spleen et Idéal» de Baudelaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Novembre 2014  •  Fiche de lecture  •  3 105 Mots (13 Pages)  •  1 660 Vues

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Extrait des Fleurs du mal, section « Spleen et Idéal »

Si le titre du recueil baudelairien, Les Fleurs du Mal, fonde une analogie entre fleur et poème, il semble induire que l’activité poétique naît d’une conscience sombre et pervertie, pour faire connaître au lecteur une sorte de mort par contamination. Pourtant « Harmonie du soir », poème qui figure dans la première section intitulée « Spleen et Idéal », laisse paraître le motif de la fleur-poème, mais de façon à lui conférer une valeur positive. La forme codifiée du pantoum, d’origine indienne, organise le retour des alexandrins d’une strophe à l’autre, et purifie la fleur-poème de ses attraits sensuels (première et deuxième strophes) en la métamorphosant, par le douloureux travail du poète (troisième strophe), en vecteur spirituel du souvenir éternel (strophe finale. Dès lors, comment la rigidité du pantoum, et le retour du même, permettent-ils de fonder une dynamique propre à constituer la poésie comme moyen de solidifier le souvenir contre les assauts de la mort et de l’oubli ?

Baudelaire fait l’expérience d’un envoûtement sensuel (première partie), à la manière d’un impressionniste, à travers la présence charnelle et fluide du matériau sonore. Mais la nostalgie de l’Idéal invite le poète à chercher un sens sacré (deuxième partie) derrière les signes de la nature. Ce désir, ce manque alimentent une foi dans le travail poétique (troisième partie), qui répond au délitement du réel par le rituel de résurrection qu’opère la mémoire.

Le poète s’abandonne au « vertige » du rythme poétique, qui seul peut rendre compte d’une connaissance profonde et totale de la nature dans la mesure où elle s’empare de tous les sens, de toutes les dynamiques, pour mieux imposer sa fugacité L’atmosphère orchestre un ballet d’impressions, autant de présences auxquelles le poète qui occupe le cœur de l’espace ne peut se soustraire. Aussi témoigne-t-il d’une expérience synesthésique, à travers la mention des sons et des parfums qui, mêlés, semblent renforcer leur puissance labile les uns des autres : de toutes les sensations, le poète est envahi avant tout par les plus fuyantes et les plus ténues. Elles sont rappelées métonymiquement par la référence à leur origine (la fleur, le violon), et leur conséquence (la valse), et des allitérations en labiales (« fleurs », « mélancolique », « langoureux », « afflige ») et en fricatives (« voici », « venir », « vibrant », « s’évapore », « valse », « vertige », « violon ») dans les deux premières strophes, comme pour prolonger leur présence. Malgré la douceur d’un demi-jour, les facultés visuelles sont éprouvées par les couleurs du couchant, qu’évoquent les termes « noir », « sang », « soleil », « lumineux », « luit », tons contrastés qui, conjoints à la technique de parataxe à l’œuvre pour égrener chacune des impressions, ne sont pas sans rappeler le courant pictural impressionniste de l’époque. La nature constitue cependant un tout organisé où chaque fragment a sa place. Ainsi sont évoqués les quatre éléments : sons et parfums remplissent l’air, mentionné précisément au vers 3, tige et fleur font référence à la terre, le soleil est symbole et incarnation du feu, et le ciel de l’eau, comme en atteste l’image de la noyade. Si cette sensualité profuse prend place dans un espace organisé, elle n’en demeure pas moins dynamisée par des échanges entre les objets, qui en assurent la force d’envoûtement. L’étude des mouvements évoqués par le texte permet de dégager la charge invocatoire du poème, et de cerner la fonction paradoxalement vivifiante du ressassement. La première strophe met en lumière l’envoûtement qu’opère le paysage, animé par des mouvements très légèrement modulés. Le poète commence par évoquer un balancement dans le terme « vibrant », puis une effusion dans « s’évapore », le tournoiement dans « tournent », toutes ces manifestations s’incarnant dans le substantif « valse » qui récupère l’ensemble des sens égrenés auparavant. Le rythme des vers 3 et 4, en 2-4-2-4, est mimétique de la claudication de la danse. Les substantifs « valse » et « vertige », disposés en chiasme aux deux extrémités du vers 4, aimantent l’attention du lecteur vers les pôles, et ce mouvement centrifuge restitue la violence du tourbillon. Pourtant, ces secousses de gaieté se muent en une forme pathologique, d’où le verbe « frémit » au vers 6, avant d’aboutir à l’immobilité, symbole de mort (le verbe « être » au vers 8 fonctionne à la fois comme verbe d’état, support de la description, et comme indication spatiale qui réfère à la fixité) confirmé par la noyade (« se fige »). Cependant, cette mort s’avère n’être qu’un repli temporaire, voire stratégique : le poète « recueille » pour mieux faire ressurgir, l’engloutissement est le préalable nécessaire à l’apothéose rayonnante que signale le verbe « luit » à la fin du poème.

Le mouvement de spirale ne mène à l’horizontalité du reposoir que pour mieux plonger et rejaillir, suivant une dialectique positive de la verticalité, de même que le silence des points de suspension (vers 15) ouvre à la tonicité victorieuse de l’exclamative. Le temps propre aux mouvements de danse, présent en perpétuelle recomposition, offre cependant le vertige de l’inconsistance, qui ne garantit en rien, d’emblée, la réussite finale.

Si l’absorption dans la délectation sensuelle est vécue comme une extase, elle contient en creux la menace de sa disparition, puisqu’un de ses attraits réside dans le caractère ultime de l’instant : le soir. L’évolution du sens des présents et les rapports du poète à l’instant manifestent cette ambiguïté angoissante. Le présentatif « voici venir » joue le rôle d’embrayeur, dans la mesure où il ouvre une dynamique temporelle dans laquelle se profile l’ensemble du poème, et la tonalité prophétique signale la singularité de ce moment. Le participe présent « vibrant » actualise immédiatement le procès, en concentrant les valeurs duratives et itératives du signifiant. Les présents des vers deux et trois, placés sous l’égide de la formule d’attaque, conservent cependant une charge de futur. La deuxième strophe reprend deux de ces vers, mais ils sont libérés de la prophétie, et s’actualisent pleinement comme des présents descriptifs. Aussi les présents réitérés dans la troisième strophe sont-ils plus menaçants : déjà réalisés auparavant, peuvent-ils se prolonger plus longtemps ? La menace de dissolution s’achève par l’usage du passé composé qui marque l’accompli du présent : dans le « s’est noyé

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