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Extrait de la comédie Le Bourgeois gentilhomme de Molière

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Par   •  31 Mai 2015  •  2 050 Mots (9 Pages)  •  1 113 Vues

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MAÎTRE DE MUSIQUE, MAÎTRE À DANSER, TROIS MUSICIENS, DEUX VIOLONS, QUATRE DANSEURS.

MAÎTRE DE MUSIQUE, parlant à ses Musiciens.- Venez, entrez dans cette salle, et vous reposez là, en attendant qu’il vienne.

MAÎTRE À DANSER, parlant aux Danseurs.- Et vous aussi, de ce côté.

MAÎTRE DE MUSIQUE,à l’Élève.- Est-ce fait ?

L’ÉLÈVE.- Oui.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Voyons... Voilà qui est bien.

MAÎTRE À DANSER.- Est-ce quelque chose de nouveau ?

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Oui, c’est un air pour une sérénade, que je lui ai fait composer ici, en attendant que notre homme fût éveillé.

MAÎTRE À DANSER.- Peut-on voir ce que c’est ?

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Vous l’allez entendre, avec le dialogue, quand il viendra. Il ne tardera guère.

MAÎTRE À DANSER.- Nos occupations, à vous, et à moi, ne sont pas petites maintenant.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Il est vrai. Nous avons trouvé ici un homme comme il nous le faut à tous deux. Ce nous est une douce rente que ce Monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu’il est allé se mettre en tête. Et votre danse, et ma musique, auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât.

MAÎTRE À DANSER.- Non pas entièrement ; et je voudrais pour lui, qu’il se connût mieux qu’il ne fait aux choses que nous lui donnons.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Il est vrai qu’il les connaît mal, mais il les paye bien ; et c’est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin, que de toute autre chose.

MAÎTRE À DANSER.- Pour moi, je vous l’avoue, je me repais un peu de gloire. Les applaudissements me touchent ; et je tiens que dans tous les beaux arts, c’est un supplice assez fâcheux, que de se produire à des sots ; que d’essuyer sur des compositions, la barbarie d’un stupide. Il y a plaisir, ne m’en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d’un art ; qui sachent faire un doux accueil aux beautés d’un ouvrage ; et par de chatouillantes approbations, vous régaler [1] de votre travail. Oui, la récompense la plus agréable qu’on puisse recevoir des choses que l’on fait, c’est de les voir connues ; de les voir caressées d’un applaudissement qui vous honore. Il n’y a rien, à mon avis, qui nous paye mieux que cela de toutes nos fatigues ; et ce sont des douceurs exquises, que des louanges éclairées.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- J’en demeure d’accord, et je les goûte comme vous. Il n’y a rien assurément qui chatouille davantage que les applaudissements que vous dites ; mais cet encens ne fait pas vivre. Des louanges toutes pures, ne mettent point un homme à son aise : il y faut mêler du solide ; et la meilleure façon de louer, c’est de louer avec les mains [2] . C’est un homme à la vérité dont les lumières sont petites, qui parle à tort et à travers de toutes choses, et n’applaudit qu’à contre-sens ; mais son argent redresse les jugements de son esprit. Il a du discernement dans sa bourse. Ses louanges sont monnayées ; et ce bourgeois ignorant, nous vaut mieux, comme vous voyez, que le grand seigneur éclairé qui nous a introduits ici.

MAÎTRE À DANSER.- Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites ; mais je trouve que vous appuyez un peu trop sur l’argent ; et l’intérêt est quelque chose de si bas, qu’il ne faut jamais qu’un honnête homme montre pour lui de l’attachement.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Vous recevez fort bien pourtant l’argent que notre homme vous donne.

MAÎTRE À DANSER.- Assurément ; mais je n’en fais pas tout mon bonheur, et je voudrais qu’avec son bien, il eût encore quelque bon goût des choses.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Je le voudrais aussi, et c’est à quoi nous travaillons tous deux autant que nous pouvons. Mais en tout cas il nous donne moyen de nous faire connaître dans le monde ; et il payera pour les autres, ce que les autres loueront pour lui.

MAÎTRE À DANSER.- Le voilà qui vient.

SCÈNE II

MONSIEUR JOURDAIN, DEUX LAQUAIS, MAÎTRE DE MUSIQUE, MAÎTRE À DANSER, VIOLONS, MUSICIENS ET DANSEURS.

MONSIEUR JOURDAIN.- Hé bien, Messieurs ? Qu’est-ce ? Me ferez-vous voir votre petite drôlerie ?

MAÎTRE À DANSER.- Comment ? Quelle petite drôlerie ?

MONSIEUR JOURDAIN.- Eh la... comment appelez-vous cela ? Votre prologue, ou dialogue de chansons et de danse.

MAÎTRE À DANSER.- Ah, ah.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Vous nous y voyez préparés.

MONSIEUR JOURDAIN.- Je vous ai fait un peu attendre, mais c’est que je me fais habiller aujourd’hui comme les gens de qualité ; et mon tailleur m’a envoyé des bas de soie [3] que j’ai pensé ne mettre jamais.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Nous ne sommes ici que pour attendre votre loisir.

MONSIEUR JOURDAIN.- Je vous prie tous deux de ne vous point en aller, qu’on ne m’ait apporté mon habit, afin que vous me puissiez voir.

MAÎTRE À DANSER.- Tout ce qu’il vous plaira.

MONSIEUR JOURDAIN.- Vous me verrez équipé comme il faut, depuis les pieds jusqu’à la tête.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Nous n’en doutons point.

MONSIEUR JOURDAIN.- Je me suis fait faire cette indienne-ci [4] .

MAÎTRE À DANSER.- Elle est fort belle.

MONSIEUR JOURDAIN.- Mon tailleur m’a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin.

MAÎTRE DE MUSIQUE.- Cela vous sied à merveille.

MONSIEUR JOURDAIN.- Laquais, holà, mes deux laquais.

PREMIER LAQUAIS.- Que voulez-vous, Monsieur ?

MONSIEUR JOURDAIN.- Rien. C’est pour voir si vous m’entendez bien. Aux deux Maîtres. Que dites-vous de mes livrées ?

MAÎTRE À DANSER.- Elles sont magnifiques.

MONSIEUR JOURDAIN. Il entr’ouvre sa robe, et fait voir un haut-de-chausses étroit de velours rouge,

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