Extrait de l'oeuvre le crime au père Boniface de Guy de Maupassant
Analyse sectorielle : Extrait de l'oeuvre le crime au père Boniface de Guy de Maupassant. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar meroy90 • 12 Juin 2014 • Analyse sectorielle • 1 061 Mots (5 Pages) • 1 016 Vues
LE CRIME AU PÈRE BONIFACE
Ce jour-là le facteur Boniface, en sortant de la maison de poste, constata
que sa tournée serait moins longue que de coutume, et il en ressentit une
joie vive. Il était chargé de la campagne autour du bourg de Vireville, et,
quand il revenait, le soir, de son long pas fatigué, il avait parfois plus de
quarante kilomètres dans les jambes.
Donc la distribution serait vite faite ; il pourrait même flaner un peu en
route et rentrer chez lui vers trois heures de relevée. Quelle chance !
Il sortit du bourg par le chemin de Sennemare et commença sa besogne.
On était en juin, dans le mois vert et fleuri, le vrai mois des plaines.
L'homme, vêtu de sa blouse bleue et coiffé d'un képi noir à galon rouge,
traversait par des sentiers étroits les champs de colza, d'avoine ou de blé,
enseveli jusqu'aux épaules dans les récoltes ; et sa tête, passant au-dessus
des épis, semblait flotter sur une mer calme et verdoyante qu'une brise
légère faisait mollement onduler.
Il entrait dans les fermes par la barrière de bois plantée dans les talus
qu'ombrageaient deux rangées de hêtres, et saluant par son nom le paysan :
«Bonjour, maît' Chicot,» il lui tendait son journal le Petit Normand. Le
fermier essuyait sa main à son fond de culotte, recevait la feuille de papier
et la glissait dans sa poche pour la lire à son aise après le repas de midi. Le
chien, logé dans un baril, au pied d'un pommier penchant, jappait avec
fureur en tirant sur sa chaîne ; et le piéton, sans se retourner, repartait de
son allure militaire, en allongeant ses grandes jambes, le bras gauche sur sa
sacoche, et le droit manœuvrant sur sa canne qui marchait comme lui d'une
façon continue et pressée. Il distribua ses imprimés et ses lettres dans le
hameau de Sennemare, puis il se remit en route à travers champs pour
porter le courrier du percepteur qui habitait une petite maison isolée à un
kilomètre du bourg.
C'était un nouveau percepteur, M. Chapatis, arrivé la semaine dernière, et
marié depuis peu.
Il recevait un journal de Paris, et, parfois, le facteur Boniface, quand il
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avait le temps, jetait un coup d'œil sur l'imprimé, avant de le remettre au
destinataire.
Donc, il ouvrit sa sacoche, prit la feuille, la fit glisser hors de sa bande, la
déplia, et se mit à lire tout en marchant. La première page ne l'intéressait
guère ; la politique le laissait froid ; il passait toujours la finance, mais les
faits-divers le passionnaient.
Ils étaient très nourris ce jour-là. Il s'émut même si vivement au récit d'un
crime accompli dans le logis d'un garde-chasse, qu'il s'arrêta au milieu
d'une pièce de trèfle, pour le relire lentement. Les détails étaient affreux.
Un bûcheron, en passant au matin auprès de la maison forestière, avait
remarqué un peu de sang sur le seuil, comme si on avait saigné du nez. «Le
garde aura tué quelque lapin cette nuit,» pensa-t-il ; mais en approchant il
s'aperçut que la porte demeurait entr'ouverte et que la serrure avait été
brisée.
Alors, saisi de peur, il courut au village prévenir le maire, celui-ci prit
comme renfort le garde champêtre et l'instituteur ; et les quatre hommes
revinrent ensemble. Ils trouvèrent le forestier égorgé devant la cheminée,
sa femme étranglée sous le lit, et leur petite fille, âgée de six ans, étouffée
entre deux matelas. Le facteur Boniface demeura tellement ému à la
pensée de cet assassinat dont toutes les horribles circonstances lui
apparaissaient
...