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Extrait de "Le neveu de Rameau" - Diderot.

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Par   •  1 Mars 2013  •  1 187 Mots (5 Pages)  •  1 565 Vues

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LUI. Mais je crois que vous vous moquez de moi ; monsieur le philosophe, vous ne savez pas à qui vous vous jouez ; vous ne vous doutez pas que dans ce moment je représente la partie la plus importante de la ville et de la cour. Nos opulents dans tous les états ou se sont dit à eux-mêmes ou ne sont pas dit les mêmes choses que je vous ai confiées ; mais le fait est que la vie que je mènerais à leur place est exactement la leur. Voilà où vous en êtes, vous autres. Vous croyez que le même bonheur est fait pour tous. Quelle étrange vision ! Le vôtre suppose un certain tour d'esprit romanesque que nous n'avons pas ; une âme singulière, un goût particulier. Vous décorez cette bizarrerie du nom de vertu ; vous l'appelez philosophie. Mais la vertu, la philosophie sont-elles faites pour tout le monde. En a qui peut. En conserve qui peut. Imaginez l'univers sage et philosophe ; convenez qu'il serait diablement triste. Tenez, vive la philosophie ; vive la sagesse de Salomon : boire de bon vin, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes, se reposer dans des lits bien mollets. Excepté cela, le reste n'est que vanité.

MOI. Quoi, défendre sa patrie ?

LUI. Vanité. Il n'y a plus de patrie. Je ne vois d'un pôle à l'autre que des tyrans et des esclaves.

MOI. Servir ses amis ?

LUI. Vanité. Est-ce qu'on a des amis ? Quand on en aurait, faudrait-il en faire des ingrats ? Regardez-y bien, et vous verrez que c'est presque toujours là ce qu'on recueille des services rendus. La reconnaissance est un fardeau ; et tout fardeau est fait pour être secoué.

MOI. Avoir un état dans la société et en remplir les devoirs ?

LUI. Vanité. Qu'importe qu'on ait un état, ou non ; pourvu qu'on soit riche ; puisqu'on ne prend un état que pour le devenir. Remplir ses devoirs, à quoi cela mène-t-il ? A la jalousie, au trouble, à la persécution. Est-ce ainsi qu'on s'avance ? Faire sa cour, morbleu ; faire sa cour ; voir les grands ; étudier leurs goûts ; se prêter à leurs fantaisies ; servir leurs vices ; approuver leurs injustices. Voilà le secret.

MOI. Veiller à l'éducation de ses enfants ?

LUI. Vanité. C'est l'affaire d'un précepteur.

MOI. Mais si ce précepteur, pénétré de vos principes, néglige ses devoirs ; qui est-ce qui en sera châtié ?

LUI. Ma foi, ce ne sera pas moi ; mais peut-être un jour, le mari de ma fille, ou la femme de mon fils.

MOI. Mais si l'un et l'autre se précipitent dans la débauche et les vices.

LUI. Cela est de leur état.

MOI. S'ils se déshonorent.

LUI. Quoi qu'on fasse, on ne peut se déshonorer, quand on est riche.

MOI. S'ils se ruinent.

LUI. Tant pis pour eux.

MOI. Je vois que, si vous vous dispensez de veiller à la conduite de votre femme, de vos enfants, de vos domestiques, vous pourriez aisément négliger vos affaires.

LUI. Pardonnez-moi ; il est quelquefois difficile de trouver de l'argent ; et il est prudent de s'y prendre de loin.

MOI. Vous donnerez peu de soins à votre femme.

LUI. Aucun, s'il vous plaît. Le meilleur procédé, je crois, qu'on puisse avoir avec sa chère moitié, c'est de faire ce qui lui convient. A votre avis, la société ne serait-elle pas fort amusante, si chacun y était à sa chose ?

MOI. Pourquoi pas ? La soirée n'est jamais plus

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