Extrait de Lambeaux de Juliet

Lambeaux de Charles Juliet

p. 75 : "Durant la semaine" à la fin

Question : Plan et réseaux lexicaux

Dans Lambeaux, Charles Juliet a voulu célébrer ses deux mères : « l’esseulée et la vaillante, l’étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée ».

La première, celle qui lui a donné le jour, une paysanne, à la suite d’un amour malheureux, d’un mariage qui l’a déçue, puis de quatre maternités rapprochées, a sombré dans une profonde dépression. Hospitalisée un mois après la naissance de son dernier enfant, elle est morte huit ans plus tard dans d’atroces conditions.

La seconde, mère d’une famille nombreuse, elle aussi paysanne, a recueilli cet enfant et l’a élevé comme s’il avait été son fils.

Après avoir évoqué ces deux émouvantes figures, dans la deuxième partie de son ouvrage, l’auteur relate succinctement son parcours et nous raconte la naissance à soi-même d’un homme qui est parvenu à triompher de la « détresse impensable » dont il était prisonnier.

Ce passage est tiré de la première partie de l’œuvre, la mère de l’auteur a environs 28 ans, elle s’est mariée et a déjà eu deux enfants. Cependant son mariage s’est dégradé et elle est confrontée à la solitude et à la fatigue. Cet extrait est centré sur sa vie intérieure, on y voit l’analyse de ses aspirations et de ses difficultés morales.

A / Biographie intérieure

Juliet ne raconte ici aucun événement biographique, seulement des états de conscience.

1) Le Tutoiement

Très étonnant pour une biographie.

Volonté de proximité avec le lecteur qui a l'impression de dialoguer avec elle  impact très fort.

Volonté de proximité avec l'auteur : connaissance de la mère pour se connaître lui-même, dialoguer avec celle qu'il n'a pas connue.

Empathie : faculté de s'identifier à quelqu'un, de ressentir ce qu'il ressent.

2) Evocation de la vie intérieure

- ce qui désigne l'intériorité : vie intérieure, conscience, rêves et divagations

- les sentiments : désir, peur, angoisse, honte, mélancolie, désespérance.

- verbes évoquant l'activité intérieure :souffrir, refouler, ressens (x2), voudrais, interdit, préfères, connaître, penses.

Beaucoup de verbes évoquant des mouvements psychiques qu'elle ne contrôle pas :fermente, s'empare, traverse, s'écouler.

 au fur et à mesure du texte, sa vie intérieure semble lui échapper, elle n'est plus sujet des verbes.

B / Aspirations

1) Plan du texte

 8 : réalité

 11 : aspirations

 15 : "mais" retour à la réalité

 23 : aspirations

 30 : "mais" retour à la réalité

Alternance d'évasion et de retours brutaux à la réalité, et c'est elle qui a le dessus.

Chutes successives, pour un enfoncement de plus en plus profond.

2) Contenu des aspirations

- rapport à soi-même : "joie, bonheur, félicité" ≠ "peur, angoisse, honte"

- rapport aux autres : "concorde, respect, attention, bonté"

- désir de fuite : "quitter, t'échapper, t'enfuir, marcher (2x)"

Image de la route (17), réelle et métaphorique (récurrente dans l'œuvre cf p.9, le colporteur).

Image de l'ailleurs, lieu utopique : "là où" (anaphore 5 x)

- aspirations s'élargissent au fur et à mesure du texte : au début base réelle et concrète (cuisine et campagne), puis dans dernier § elle part d'elle pour passer aux "humains" puis "la vie".

Désire échapper à sa condition puis à la condition humaine "le temps ni la mort n'existeraient plus" (22). Désir d'un monde autre "recommencer".

3) Expression de l'aspiration

- changement de mode : conditionnel

- passage à une écriture quasi poétique :

points de suspension = blanc typographique, espace de silence

phrases suspensives

rythme anaphorique très marqué

connotation et type d'expression bibliques (cf prophéties d'Isaïe)

 volonté de marquer encore plus l'écart avec la réalité prosaique.

dire l'indicible, le plus intime.

C / La Réalité

1)

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