LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Excipit tous les matins du monde

Commentaire de texte : Excipit tous les matins du monde. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  15 Septembre 2016  •  Commentaire de texte  •  1 887 Mots (8 Pages)  •  2 038 Vues

Page 1 sur 8

L’ excipit constitue les dernières lignes d'une œuvre. Il s'oppose ainsi à l’incipit qui désigne le tout début du roman : il est fondamental puisqu ’il clôt le roman sur une scène révélatrice mais non conclusive.

Ainsi, cette fin constitue la dernière et première leçon de Marin Marais, la seule vraie rencontre des musiciens avec la tension d’une intimité douloureuse, la gravité d’une transmission…

Au lieu de clore le récit, elle révèle les secrets de l’artiste et constitue l'ultime étape de l'initiation de Marin Marais…

Axe de lecture : de la clôture du récit vers un renouveau, une ouverture et un silence…

1. Une clôture en apparence traditionnelle : les circonstances adéquates

• Le temps perdu, le temps retrouvé

La datation précise le nombre d’années écoulées entre l’incipit et l’excipit, comme proposant le bilan du temps écoulé et sans retour. L’adverbe temporel « enfin » traduit l’aboutissement de l’attente patiente de Marais (trois années d’espionnage - pèlerinage pour accéder à ce soir initiatique) qui décompte le 23e jour du mois étrangement non précisé pour mieux suggérerla symbolique du monde gelé (immobilité de la « terre prise » et en suspens) ; la violence du froid (l’air agresse et saisit « vif-piquant les yeux et les oreilles») ; la lumière franche de la lune (la notion de pureté est latente « aucun nuage »).

Le romancier utilise le discours direct pour témoigner de la sensibilité de Marais face à cet instant retouvé (le verbe pronominal « se dit » témoigne de son intériorisation contrastant avec sa non perception des mêmes leçons mystérieuses proposées par le maître lorsqu’il décrypte l’univers, dans la campagne parisienne gelée aux chapitres 11 et 12) : il saisit les signes de l’univers, la pureté de l’instant (lexique de la pureté « pure-cru ») qu’il assimile à l’immortalité (conscience d’un hors temps suspendu « plus éternel ») ou la perfection ronde de l’astre lunaire, le claquement net des sabots que Sainte Colombe aurait invité à entendre comme « la technique de l’archet » ; « le détaché des ornements »…

Il y a comme élection de l’instant parfait : « ce soir ».

• La difficulté d’une initiation

Les circonstances semblent être idéales selon la sensibilité de Marais, pourtant les difficultés s’accumulent : la gêne physique (« froid aux fesses ; sexe…tout petit et gelé » = suggérant l’inconfort et la régression presque castratrice) et la douleur (« l’oreille lui faisait mal » = la douleur initie à la persévérance) sont des obstacles à la scène d’espionnage. L’élève lutte pour entendre ce que le maître avait exigé durant sa première leçon (« Il avait saisi son élève par le bras et il posait son doigt sur ses lèvres en signe de se taire. », chapitre XI, page 58). Marais a enfin intégré cette posture soumise nécessaire à la transmission : un silence dans l’écoute et l’observation bien éloignés de la théorie. Ainsi, la posture recroquevillée de Marais s’accompagne d’un repli sur soi symbolique (« serrant sur lui sa cape »).

• Le mystère du maître

La scène baigne dans une atmosphère étrange de communication tronquée, dans un clair obscur étrange qui permet d’entendre, enfin, mais de manière décalée… Il y a comme une perception étouffée de ce qui se passe à l’intérieur de la cabane représentant la matrice utérine, le ventre originel…

- Le désœuvrement incohérent est traduit par le verbe « s’amuser à », comme en attestent les actions musicales contradictoires « sonner à vide » (la résonance est lancée sans émotion ni mélodie) puis « quelques traits mélancoliques à l’archet » (l’émotion est toute relative à cause de l’indéfini « quelques ») ou encore les compléments de temps « par moments-par instants» montrant l’inconstance du musicien. Les trois adjectifs attributs (« négligent, sénile, désolé ») qualifiant son jeu sont sans appel et caractérisent en trois temps solennels le désintérêt et la dispersion.

- Un comportement majoritairement étrange : la conjonctive à l’imparfait itératif avec un adverbe d’habitude « comme il lui arrivait si souvent de le faire » décrit un personnage qui perd la raison et ressasse des souvenirs liés à la perte de sa fille (les « pêches écrasées » avec lesquelles il la nourrissait) et la disparition de sa femme (près de l’« embarcation »). En apparence, le vieillard renonce à la musique, envahi par des souvenirs liés au passé révolu qui le dispersent.

2. De l'espionnage à la rencontre vraie

• L’appel

Le soupir et la plainte de Sainte Colombe arrivent après l’interprétation d’une pièce partagée avec ses filles. Si elle s’achève « majestueuse » c’est grâce aux soupirs et aux pleurs, d’où le moment idéal pour exprimer le regret.

Le maître réalise qu’il en appelle à la mort pour un partage de sa musique. Il s’adresse à lui-même et sans doute à l’élève qu’il a sans cesse espéré, en lançant un appel virtuel à la vie (la condition au passé exprime un irréel du présent d’où l’emploi de conditionnels et de subjonctifs fortement marqués par le regret et le doute d’une réalisation potentielle), au langage (la communication qui vaut communions puisqu’on passe du verbe de langage à celui de transmission « confier » est sous la modalisation de l’incertitude, au conditionnel) et à l’élu de la quête. Le verbe « confier » a ici toute sa valeur même sur le mode virtuel du conditionnel : il s’agit de passer le relai d’une musique dans toute sa crudité.

• La rencontre dans le silence

Avant les retrouvailles, il y a déjà communion dans le partage de soupirs, symboles du regret. Il y a avant même la reconnaissance, formulation d’une quête initiatique suggérée par la reprise du verbe « chercher » et de ses composés. Les compléments d’objet du verbe sont autant de prédicats interchangeables : la quête

...

Télécharger au format  txt (12 Kb)   pdf (49.6 Kb)   docx (13.2 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com