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Excipit Un amour de Swann, Proust

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Par   •  15 Octobre 2019  •  Commentaire de texte  •  2 540 Mots (11 Pages)  •  1 548 Vues

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Commentaire composé

excipit d'Un amour de Swann

        « Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre ! » ; ainsi s'achève le deuxième volume du deuxième tome de La Recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, publié en 1913. Ce volume, Un amour de Swann, constitue le récit de l'amour de Charles Swann pour une demie-mondaine, Odette de Crécy, et des affres ressenties suite aux infidélités, mensonges et plus généralement à la conduite de la jeune femme. L'extrait proposé à l'étude constitue l'excipit de l'oeuvre, au cours duquel s'affaiblit progressivement l'amour de Swann — et conjointement sa jalousie — jusqu'à son extinction complète, en une progression tripartite : tout d'abord un éloignement physique au cours duquel le lecteur fait une plongée dans l'intériorité de Swann, puis un rêve durant lequel sont convoqués Odette et ses amants symboliques, et le réveil, le rappel à la réalité, la fin définitive de l'amour.

La structure de la saga reprend les codes du roman de formation, néanmoins cette fin polémique nous amène à les réinterroger : de fait, en quoi l'extrait soumis à l'étude étend-t-il la désillusion amoureuse de la diégèse à la macrostructure romanesque, en faisant ainsi un roman de la désillusion ?

Nous verrons en un premier temps en quoi l'excipit est apparemment conclusif, puis pourquoi la reddition raisonnée opérée par Swann est en fait torturée et, sous cet angle, subversive, et enfin montrerons que l'excipit est en fait un excipit constatatif et fait du récit un roman d'une révolution désillusoire.

I — Un excipit apparemment conclusif

        a) Respect des codes de l'excipit

Passage placé juste après la rencontre avec Mme Cottard (paradigme parodique du messager de l'obscène, cf tragédie grecque, = annonce la mort, ici de l'amour de Swann). Phrases et unités syntaxiques longues = retour au calme, = résolution. L'action se recentre sur Swann, 0 intervention annexe si ce n'est son valet, qui appartient au personnel de maison et donc fait partie de son intériorité.

Temporalité déliée et imprécise : on rencontre des adverbes comme « parfois » + système traditionnel des temps de la narration avec beaucoup d'imparfaits = retour à des actions de second plan, à une routine, associé à des phrases constatatives comme « {…} cette Odette qu'il ne reverrait jamais » : jamais + conditionnel (ici à valeur de futur dans le passé) = certitude

De plus, Swann prévoit un voyage « il avait écrit à mon grand-père qu'il irait dans l'après-midi à Combray » : topos du voyage, le héros sort lui-même du cadre spatio-temporel instauré par la diégèse, sorte de clin d'oeil métalittéraire.

→ le lecteur dispose d'indices concordants permettant de penser que l'excipit est bien un excipit traditionnel.

        b) Une plongée dans l'intériorité de Swann

Jeu de focalisation interne : verbes de réflexion « il pensait », « il se rappelait », « il se disait » : le héros établit une conclusion au travers une sorte de soliloque, de manière raisonnée il se souvient de l'amour qui l'a fait souffrir, ex : « quand Swann ramassa par hasard la preuve que Forcheville avait été l'amant d'Odette, il s'aperçut qu'il ne ressentait aucune douleur, que l'amour était loin maintenant, et regretta de n'avoir pas été averti du moment où il le quittait pour toujours »

Donc conformément au paradigme du roman de formation le héro fait le bilan, atteint la tranquillité de l'âme, l'ataraxie c'est-à-dire le bonheur stoïque qui se définit comme l'absence de douleur. L'épreuve devrait donc l'avoir grandi.

  1. Une conclusion donnée par le héros lui-même

Plonger dans l'intériorité de Swann permet de faire entendre sa voix propre. Discours direct quand Swann dit « dire que j'ai gâché des années de ma vie {...} » = autonomie du personnage dans la conclusion, réponse à une sorte de quête autotélique qui se pose en clausule du volume  au sein d'un cadre trivial et réaliste : il est en train de se faire coiffer = la vie continue néanmoins avec la prise de conscience de Swann sur la réalité de son amour pour Odette, (insertion d'un passé composé, « j'ai eu », qui signifie qu'il n'y a pas de permanence dans le présent, que c'est bien fini).

Le personnage a donc bel et bien suivi une évolution positive puisqu'il retrouve la paix après avoir souffert, et en est très conscient puisqu'il tire lui-même la conclusion du volume.

II — Une reddition torturée

        a) De la servitude volontaire

Pythagore, in Les vers d'or, Ive siècle avant notre ère : « Tu sauras encore que les homes choisissent eux-mêmes librement leurs maux »


Swann se rend sa liberté à contre-coeur : il s'accroche à son amour pour Odette alors même qu'il le sent le quitter : « jadis ayant souvent pensé avec terreur qu'un jour il cesserait d'être épris d'Odette, il s'était promis d'être vigilant et, dès qu'il sentirait que son amour commencerait à le quitter, de s'accrocher à lui, de le retenir. » Cf Kant, passion définie comme « maladie de l'âme » : Kant dit qu'il est d'autant plus difficile le malade que celui-ci ne désire pas guérir. L'amour de Swann pour Odette est fait de « sentiments maladifs ». Il est jaloux : « parfois le nom, aperçu dans un journal, d'un des hommes qu'il supposait avoir pu être les amants d'Odette, lui redonnait de la jalousie » mais il renonce à se dégager de son trouble peut-être parce qu'il lui rappelle un temps où « il avait connu une manière de sentir si voluptueuse » qui fait que « cette jalousie lui procurait plutôt une excitation agréable ». Aussi Swann s'est empêtré dans sa passion, donc dans une sorte de servitude volontaire (cf E. de La Boétie,
Discours de la servitude volontaire,1576) qui jure avec l'émancipation propre à l'excipit du roman de formation : « il est difficile d'être double et de se donner le spectacle véridique d'un sentiment qu'on a cessé de posséder » = marqueur de la volonté de Swann de rester « aliéné » (au sens étymologique).

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