En quoi le personnage de roman peut-il constituer pour l'écrivain un moyen d'instruire son lecteur sur le monde?

Le roman, récit narratif en prose, est un genre caméléon, qui peut aborder des sujets très variés, sous de multiples formes. L’auteur recrée à travers son récit une société d’hommes, avec ses qualites et ses vices. Bien qu’il soit parfois déformé, exagéré ou même utopique, l’univers du roman est souvent un reflet du monde réel. Ainsi, le lecteur fait instinctivement des comparaisons entre le monde romanesque et son propre monde. Les personnages de romans, par leur personnalité et leurs actions sont les principaux outils du romancier pour nous faire ressentir sa propre vision de la société et du monde en général. Nous verrons en premier lieu comment l’auteur peut faire découvrir un autre aspect du monde au lecteur grâce à un personnage éloigné dans le temps ou dans l’espace, puis nous nous intéresserons aux personnages types qui symbolisent une communauté, une idée ou un combat, enfin nous verrons que les auteurs dénoncent souvent la société à travers leur personnage mais qu’ils peuvent également donner des pistes pour un monde meilleur.

En premier lieu, le personnage de roman peut être inscrit dans une époque ou un lieu très différent de celui du lecteur et ainsi peut lui faire découvrir un milieu, un événement, ou une culture différente de la sienne, pour lui révéler une autre facette de l’histoire, d’une communauté et donc du monde.

Les romans en effet, ont parfois pour but d’instruire le lecteur sur un événement précis d’un contexte historique. Le lecteur peut ainsi mieux comprendre et se représenter l'événement à travers les yeux du personnage. Celine, dans “Voyage au bout de la nuit” relate sa propre expérience en tant que soldat lors de la première guerre mondiale. Le héros, le narrateur, et l'écrivain ne font ici plus qu’un, et le réalisme en est augmenté. Dans l’extrait proposé, le héros, un soldat parmi tant d’autres est complètement abasourdi par l'atrocité de la bataille à laquelle il assiste. Par les yeux du héros, le lecteur peut revivre une bataille lors de la première guerre mondiale et comprendre l'absurdité de celle-ci, lignes 13 et 14: “On lui disait pas d’en haut qu’il y avait méprise? Abominable erreur? Maldonne? [...] Mais non ! “Continuez, colonel, vous êtes sur la bonne voie”. Ici, alors que les soldats se font massacrer, le colonel refuse d'arrêter cette boucherie et préfère laisser mourir ses hommes. Le but de Celine est donc de faire revivre au lecteur la première guerre mondiale tout en dénonçant celle ci.

Les personnages de roman peuvent aussi être des hommes et femmes venant d’un autre pays et le lecteur peut à travers eux mieux comprendre leur culture. Dans “Désert” de Le Clézio, le lecteur découvre un peuple particulier, celui des hommes bleus qui sont des nomades du désert. Les personnages quoique pauvres, sont nobles et justes, et inspirent le respect puis la compassion lorsqu'ils sont battus par les Français durant la guerre coloniale. Ce sont des hommes en harmonie avec la nature qui arrivent à vivre avec l'hostilité du désert, pourtant rude pour les hommes. Ils parlent peu, sont pieux, et vivent une vie simple sans extravagances, ils portent la pureté et la lumière du désert en eux, les mêmes que portera leur descendante Lalla. Ils contrastent ainsi avec tout ce que représente la culture occidentale où les hommes sont mauvais, pressés, et indifférents, obnubilés par leurs intérêts personnels. Le Clézio met ici en contraste la société de consommation, trop rapide et brutale, qui oublie l’essentiel en décrivant une toute autre communauté dans la culture est très éloignée de celle de l’Occident.

Pour finir, le personnage de roman peut aussi être amené à réfléchir sur la question de l'Altérité lors de ses rencontres et voyages. Des hommes de cultures distinctes, avec différentes moeurs, religions ou philosophie ont un point de vue neuf et critique sur les populations et le monde qu’ils découvrent. Ainsi, il est intéressant pour l’auteur de confronter des hommes ayant des principes et moeurs différents pour ainsi mieux les remettre en question et les critiquer. Dans le roman épistolaire du philosophe des Lumières Montesquieu “Les Lettres Persanes”, deux seigneurs persans vont visiter la France et décrivent par des lettres à leurs amis restés en Perse, la politique, la morale, la religion, l'économie ou la sociologie du pays qu’ils découvrent. Montesquieu peut donc, à travers ses personnages remettre en question la société française et faire passer ses propres idées philosophiques à travers celles de ses personnages . De la même façon, Nicolas Bouvier, dans son roman utopiste ou le héros arrive sur la Lune met en évidence que les Sélénites tout autant que le Terrien pensent être les véritables humains par rapport à l’autre, et pensent être supérieurs à ceux qu’ils viennent de rencontrer. Ce renversement des perspectives permet au lecteur d’avoir une véritable réflexion sur l’ethnocentrisme et donc la société.

Le personnage de roman peut donc être un moyen pour l’auteur de faire découvrir un événement historique tel que la guerre, une autre communauté ayant une culture éloignée, et par conséquent de nous faire réfléchir sur l'altérité. Par ailleurs, certains personnages de romans, par leurs traits moraux, sociaux, intellectuels ou affectifs s’apparentent souvent à un “type” de héros.

Tout d’abord, les romanciers réalistes, s’attachent parfois à montrer et faire parler une classe sociale souvent oubliée, ainsi ils utilisent des personnages types pour représenter l'intégralité d’une communauté. Par exemple, Maheu dans “Germinal” de Zola est le personnage type représentant les mineurs. Sa colère et sa frustration sur les injustices auxquelles ils sont confrontés nous font ouvrir les yeux sur les difficultés auxquelles les mineurs faisaient face à l'époque. Ainsi, le lecteur est pris d’empathie pour les personnages du roman mais aussi pour les vrais mineurs du monde réel car il peut comprendre la rudesse de leur travail, et l’infinie pauvreté dans laquelle ils vivent. De la même façon, le courageux Gavroche dans “Les Misérables” d’Hugo est l'allégorie du petit peuple et de la liberté. L’enfant est en effet au premier rang lors de la révolution étudiante de 1832, et meurt sous une balle d’un homme de la garde nationale. Victor Hugo, auteur ayant toujours défendu les plus démunis, prend le parti des révolutionnaires dans son roman, et l’on peut ainsi deviner qu’il est en accord avec les idées des révolutionnaires et par conséquent de leur envie de changer la société. Ainsi les auteurs réalistes et naturalistes

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