En quoi le mariage de Figaro est-il une tragédie domestique (tragi-comédie) ?

Dissertation de français : En quoi le mariage de Figaro est-il une tragédie domestique (tragi-comédie) ?

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), figure importante du siècle des lumières, est surtout reconnu pour ses talents d'écrivain, dans les genres littéraires du roman, de la poésie et du théâtre, et considéré comme l'un des dramaturges français les plus importants. Sa pièce célèbre « Le mariage de Figaro » (1784), est l'élément central de la trilogie de Figaro avec « le Barbier de Séville », et « « La mère coupable », qui forme un ensemble cohérent, dans laquelle on retrouve les personnages. 

Au moment de l'écriture du « Mariage de Figaro », le théâtre a évolué. Si les tragédies classiques, nées au XVIIe siècle, sont encore jouées, on trouve également des comédies de caractères, comme celle de Molière et des tragédies néo-classiques. Néanmoins, l'invention théâtrale importante du XVIIIe, le drame, dont les fondements esthétiques et moraux sont posés par Denis Diderot, va offrir une alternative à la comédie et à la tragédie et donner naissance à la comédie domestique, en empruntant les situations et les effets des deux genres. Les pièces peuvent, alors, divertir et émouvoir, en restant au plus proche de la réalité d'une scène quotidienne, par la distance instaurée entre la scène et le public, et la création de décors plus réalistes. D'ailleurs, dans sa préface, Beaumarchais qui s'est inspiré de évoque « l'interchangeabilité des genres[…], un fond dont on aurait pu faire avec un égal succès une tragédie, une comédie, un drame, un opéra ».

Plus que les caractères, ce sont les conditions sociales qui intéressent la comédie domestique. Comment « Le mariage de Figaro » répond à cette nouvelle caractéristique  à travers le titre, les relations entre les personnages et les contraintes sociales qui deviennent le malheur des personnages ?

C'est, également, la mise en scène et le jeu des acteurs qui va être renouvelé.

Comment « Le mariage de Figaro » met en scène ses acteurs pour divertir et émouvoir les spectateurs à travers le refus du lieu unique, le réalisme des émotions?

Plus que les caractères, ce sont les conditions sociales qui intéressent la comédie domestique.

Dès le titre, Beaumarchais inscrit sa pièce dans le genre comédie domestique.

En effet, le titre met en évidence l'enjeu de la pièce, le mariage, qui habituellement signe la fin heureuse de la comédie. D'ailleurs il souligne ce point important par le sous-titre, « La folle journée », qui indique un moment hors du commun avec des événements qui peuvent survenir à n'importe quel moment. Ce qui apparaît nouveau par ce titre, c'est l'intérêt porté à une personne d'un rang social inférieur, Figaro, simple valet, supposant que quelque soit son rang, la personne a le droit au bonheur. On pourrait, aussi, penser que Figaro est le personnage principal de la pièce, hors, ce sont quatre personnages qui tiennent le devant de la scène, Figaro, Suzanne et la Comtesse qui se liguent pour venir à bout des ambitions du Comte, quatrième personnage principal. Malgré ces quatre personnages principaux, c'est quand même Figaro qui tire les ficelles des intrigues.

Que ce soit la comédie ou la tragédie, leurs personnages sont décris à travers leurs caractères.

La comédie mettait en scène des personnages de basse condition et des bourgeois caricaturés, dans des scènes quotidiennes alors que la tragédie mettait en scène des personnages de haut rang en proie à des passions dont l'issue était la mort, représentant l'idéal héroïque.

Dans la comédie, les auteurs se servent, pour faire rire le spectateur, à travers leurs personnages, du comique de mots, avec ses nuances linguistiques selon le rang social, du comique de gestes, par les grimaces, les vêtements et les accessoires, du comique de situation, sous forme de quiproquos, cachettes, rebondissements inattendus, chutes, du comique de répétition d'une action, d'une phrase, d'un geste, le tout mis en valeur par le comique de caractère, procédé qui consiste à caricaturer des traits moraux, des vices tournés en ridicule en étant poussés à l'extrême. On retrouve le sot, le poltron, l’égoïste, le gourmand, l'avare, le naïf, le rusé, l'amoureux, le vantard, etc. Ce choix implicite de la dénonciation et de la critique des mœurs, a pour objectif de divertir et de corriger les vices des hommes.

Dans la tragédie, c'est surtout l'héroïsme du combat contre la fatalité, qui est mis en valeur, en montrant le courage et la témérité, la lucidité, mais aussi la lâcheté, l'angoisse, la compassion, la pitié, en insistant sur des supplications, des lamentations, des imprécations, face au dénouement malheureux.

Dans la tragédie domestique, on retrouve, bien-sûr, ces traits de caractères, mais ils sont moins mis en avant, on en perçoit juste une influence sur les personnages car c'est surtout les conditions sociales qui permettent de distinguer les personnages et d'expliquer leur relation. Dans « Le mariage de Figaro », Figaro, le valet cherche à s'affranchir du joug de son maître, qui, lui, veut faire valoir son droit de cuissage, pourtant aboli, en séduisant Suzanne, de classe sociale inférieure et future épouse de Figaro. Ce sont les inégalités sociales qui sont dénoncées à travers la représentation du rapport entre le maître et le valet, soulevant des questions politiques et sociales, d'autant plus que Figaro, comme on l'apprend dans la scène 3 de l'acte V, est un homme cultivé, qui a exercé un certain nombre de profession. On retrouve ici, les influences du siècle des lumières et les prémices de la Révolution française, sur le combat des privilèges de l'aristocratie et ses abus de pouvoir.

Comme Figaro et Suzanne sont des gens ordinaires ,ce sont les contraintes sociales qui vont être les malheurs.

Les intentions du Comte à l'égard de Suzanne, montre, par son statut social, le pouvoir libertin qu'il peut avoir et l'impuissance des femmes de basse condition sans défense face aux séducteurs, que l'on pourrait assimiler à du harcèlement hiérarchique, accentué par le lieux symbolique des appartements de Figaro et Suzanne, situé entre les appartements du Comte et de la Comtesse, décrit dans la scène d'exposition.

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