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En quoi la guerre est-elle au cœur de la nouvelle de Mme de Lafayette et du film de B. Tavernier ?

Commentaire d'oeuvre : En quoi la guerre est-elle au cœur de la nouvelle de Mme de Lafayette et du film de B. Tavernier ?. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  15 Novembre 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 589 Mots (7 Pages)  •  5 321 Vues

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En quoi la guerre est-elle au cœur de la nouvelle de Mme de Lafayette et du film de B. Tavernier ?

La nouvelle de Mme de Lafayette, Histoire de la princesse de Montpensier (1662), et le film de B.Tavernier qui en est l'adaptation cinématographique, La Princesse de Montpensier (2O1O), sont deux œuvres historiques qui se déroulent en France dans la deuxième moitié du XVIe siècle, sous le règne de Charles IX, période marquée par les guerres civiles qui opposent catholiques et protestants. Cette dimension historique, à laquelle vient s’ajouter une dimension symbolique, inscrit la guerre au cœur des deux œuvres.

« Guerre » est le premier substantif de la nouvelle, dont l'incipit développe d'emblée un réseau sémantique de la violence ; « déchirait », « désordres ». La première image évoquée est celle de la France ravagée par « la guerre civile ». De nombreuses batailles ou faits marquants des guerres de religion jalonnent la nouvelle : siège de Paris et bataille de Saint-Denis, mort du prince de Condé à la bataille de Jarnac ; massacre de la Saint-Barthélemy... Dans le film, l'intertitre initial qui présente rapidement au spectateur le contexte historique et situe l'action indique exclusivement où en est la guerre à l'« automne 1567 ». Les premières images sont également celles de la guerre. Pour traduire cinématographiquement la violence exprimée dans l'incipit de la nouvelle, Tavernier choisit d'ouvrir le film sur un champ de bataille jonché de cadavres. Cependant, dans un souci d'authenticité, les événements historiques ne sont jamais nommés. Ainsi, la première scène renvoie probablement, vu la date mentionnée dans l'intertitre initial, à la bataille de Saint-Denis (10 novembre 1567), mais elle n'est jamais désignée comme telle ; de même les massacres du 24 août 1572 sont montrés mais il n'est pas fait référence à ces événements comme à « la nuit de la Saint-Barthélemy », appellation donnée a posteriori par les historiens. Le spectateur appréhende donc les événements comme les personnages qui les vivent, sans recul historique, ce qui renforce l’impression d’une plongée au cœur du XVIe siècle et des guerres de religion.

La guerre joue également un rôle dans l'intrigue des deux œuvres. Dans la nouvelle, elle détermine en grande partie les allées et venues des personnages : la princesse est emmenée par son mari à Champigny « pour l'ôter de Paris où apparemment tout l'effort de la guerre allait tomber » (p.37) ; le prince part à la guerre et revient « après deux années d'absence » (p.40) pour repartir presque aussitôt (« La paix ne fit que paraître » p.41); le prince rappelle ensuite sa femme à Paris car les conflits se sont déplacés (p. 47)... La guerre sépare les époux Montpensier pendant de longues années, contribuant à la désunion du couple. Dans le film, une scène montre ainsi le prince dire simplement «Adieu» à sa jeune épouse qu’il connaît à peine alors qu’il étreint son vieil ami Chabannes, avant de partir à la guerre. Quand il revient après une longue absence passée à faire la guerre, le prince questionne Chabannes sur Marie dont il constate avec amertume que « de tout le château », il est celui qui la connaît le moins.

La violence et l’horreur de la guerre sont mises en avant dans les deux œuvres, mais de manière très différente. Tout d'abord, la guerre reste évidemment plus abstraite dans la nouvelle, qui ne comporte ni récit de bataille ni description sanglante, que dans le film où la guerre est représentée, et où Tavernier met précisément l'accent, pour les scènes de bataille, sur la violence meurtrière des combattants. Dans la nouvelle, la guerre n'est jamais dénoncée en tant que telle. Sa légitimité n'est ni soutenue ni remise en cause. D'ailleurs, elle permet aux hommes qui y prennent part de se couvrir de « gloire » : le terme est utilisé aussi bien à propos du prince de Montpensier (p.40) que du duc d’Anjou (p.41) ou du duc de Guise (p.42 ; 47). Cependant, la violence de la guerre n'est pas occultée, comme nous l'avons montré à propos de l'incipit, et le massacre de la Saint-Barthélemy est explicitement condamné à deux reprises par la narratrice (« cet horrible dessein que l'on exécuta le jour de la Saint-Barthélemy », p.61 ; « cet horrible massacre si renommé par toute l'Europe », p.68)  Né en 1941, pendant la seconde Guerre mondiale, contemporain des mouvements pacifistes du XXe siècle, B.Tavernier porte sur la guerre un regard différent de celui de Mme de Lafayette - ne serait-ce que pour des raisons historiques. La dénonciation de la guerre, plus virulente dans le film, s'incarne essentiellement dans le personnage de Chabannes, d'abord enrôlé dans le camp protestant, et qui se retire du conflit après avoir tué par accident une femme enceinte  au cours d’un assaut contre des catholiques. Le comte devient ainsi un farouche opposant à la guerre, dénonçant notamment le caractère fratricide d’un conflit qui oppose « des êtres du même sang, issus de la même foi » et qui s'entretuent « au nom du même Dieu ». Si elle correspond aux valeurs modernes du réalisateur, cette position idéologique de Chabannes n’est pas pour autant anachronique, bien au contraire, puisqu’elle est exprimée par les écrivains et penseurs humanistes du XVIIe siècle, comme Montaigne qui écrit dans les Essais que la guerre est « la science de nous entredéfaire et entre-tuer, de ruiner et perdre notre propre espèce ».

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