Ecriture d'invention :Discours de Salomon afin d'empêcher Kean d'arrêter le théâtre.

OUVERTURE DU RIDEAU

KEAN, debout, dos au public et murmurant : C'est vrai, c'est vrai que je suis un homme fini : je ne suis plus un homme, je ne suis que le réceptacle de quelques grands personnages ... Je n'arrive pas à y croire. Parfois … J'ai le sentiment de tout comprendre et puis ... ce sentiment s'évanouit. Purement et simplement.

SALOMON, entrant sur scène et restant à 3 mètres de Kean : Que se passe t-il cher maître ? Vous voilà ici, dans votre chambre, souffrant de biens étranges maux.

KEAN, se retournant d'un coup : Quoi ? Salomon, tu oses me demander cela ? (Kean se met à rire) « La jalousie ! C'est le monstre aux yeux verts qui produit l'aliment dont il se nourrit ». (Kean se retourne, désabusé et se dirige vers un meuble) Tu vois Salomon, Othello s’immisce partout … Mais … (Les yeux de Kean s'éclaire) je dois arrêter le théâtre !

SALOMON, s'exclamant : Maître ! Vous ne pouvez pas ... (Kean sort un verre et une bouteille de vin et s'en sert allègrement) Monsieur, boire ne vous servira à ri ...

KEAN, coupant Salomon : Vois tu, Othello est encore ici (Kean se met à hurler, fou) « Le bon vin est une bonne et douce créature si on en use bien ! N'en dis pas tant de mal ! » (Kean boit un verre cul sec et se resserre un verre entier)

SALOMON : Monsieur, vous ne pouvez tout simplement pas arrêter le théâtre : le public est conquis par vos talents ! Priver le public de vos talents ne serait qu'un affreux crime !

KEAN, posant son verre avec violence : Quoi ? Tenir en compte l'avis de ces gueules d'assassins ?! Jamais ! Je priverai de mon talent toute cette populace ! Pourrais-je y croire ? (Kean singe Salomon) « Vous ne pouvez pas priver le public de vos talents ». Ils sifflent l'homme en moi et ne font qu'adorer mes diverses apparences : aujourd'hui, Othello ! Demain, Roméo : ces héroïques personnages (Kean débite ces deux dernières paroles d'un ton méprisant) ne sont que des parcelles de mon être ! Des simulacres de ma grandeur !

SALOMON, parlant comme à un enfant : Monsieur … Ne renoncer pas au théâtre, ne serait-ce que pour le saltimbanque que vous étiez. Enfant, vous avez connu la misère, adulte, vous êtes le roi de la scène ! Y renoncer serait presque négliger l'enfant que vous étiez …

KEAN, buvant un verre de plus : Négliger l'enfant que j'étais ?

SALOMON, continuant son argumentaire : Oui monsieur, vous rêviez de devenir acteur : vivre du théâtre n'est il donc pas un beau métier ? (Kean acquiesce, buvant les paroles de Salomon tel le vin se trouvant dan son verre). Et puis, tout comme il faut des acteurs pour incarner des personnages, il faut de grands acteurs, tels que vous, pour incarner de complexes personnages, tels qu'Othello …

KEAN, se relevant d'un coup, faisant tomber la bouteille de vin et son verre, à demi rempli : Othello ! Parlons en d'Othello ! N'ai-je pas jouer plus grande mascarade que lui dans ma vie ! Jouer Othello équivaut à moi-même éprouver ses sentiments ? Éprouver sa vie ? (Kean s'approche de Salomon soudainement, faisant sursauter ce dernier au passage) Je ne veux plus d'Othello, je veux l’ôter

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