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Dissertation de lettres

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Par   •  5 Novembre 2018  •  Dissertation  •  2 778 Mots (12 Pages)  •  560 Vues

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      Le critique Gaétan Picon écrit : « Les plus grands romans sont ceux qui sont les plus proches de l’archétype du roman même, élevant jusqu’au mythe la simple histoire d’une vie. Ces romans se rapprochent de l’origine même du roman, ils nous montrent comment celui-ci naît du besoin fondamental de retracer le mouvement de l’existence ; en eux, l’aventure du héros représente l’initiation de l’homme ». Par archétype, on entendrait ici la notion de type primitif, de roman premier, qui servirait de modèle pour les autres. Gaëtan Picon suggèrerait donc que le récit romanesque naît d’une sorte de besoin de raconter qui serait propre à l’homme, permettant ainsi son élévation morale à travers le parcours individuel d’un héros. On souscrirait aisément à la thèse de l’auteur selon laquelle le roman, le vrai, serait celui qui parle de la vie, et s’en fait la fidèle copie. Cependant, cette conception du roman avec ce rapport spécifique au réel se heurte à l’idée que le roman ne parle pas du monde. Il s’agira donc d’étudier le rapport qu’entretient le roman au réel, et de quelle façon il a une vocation collective au travers de la description d’un parcours individuel. On étudiera d’abord le rapport au personnage dans le roman, vecteur de la saisie d’une vision du monde. On nuancera ensuite le propos en démontrant que le roman n’a pas de comptes à rendre au réel, dans la mesure où il ne permet pas l’identification du lecteur. Enfin, on dépassera la conception mimétique ou anti mimétique de la littérature en proposant une autre définition de la mimésis.

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      Lorsque le critique Gaëtan Picon parle de « mythe », et de « simple histoire d’une vie », il entend par là que la description d’un parcours individuel peut porter un message à vocation universelle. Par exemple, les méandres de l’âme du personnage sont explorés dans le roman, et permettent une identification du lecteur, et pour certains chefs d’œuvre, celle-ci devient telle que les personnages crées deviennent eux-mêmes des mythes, sortes de types caractérisés par un état d’esprit particulier : on peut citer le bovarysme ou le donquichottisme, par exemple. Dans Madame Bovary, la mère de l’héroïne s’écrie dans un moment de colère : « Ah ! Elle s'occupe ! À quoi donc ? À lire des romans, de mauvais livres ». Dès lors, l'acte d'accusation est lancé, et les romans apparaissent comme des récits immoraux qui animent de mauvais désirs. Le bovarysme semble alors ici clairement né du romantisme et de son écrasement face à une réalité très éloignée de fantasmes et d'idéaux féminins. Le bovarysme aujourd’hui est un mot que l’on peut employer pour désigner un état d’insatisfaction, ou le fait de rêver à un destin plus romanesque, au sens positif du terme. Le mythe peut donc être défini, dans ce contexte, comme l’incarnation individuelle de traits de caractères universels. Le roman a donc vocation à parler du réel. Par ailleurs, le recours à des archétypes permet une acceptation plus aisée du personnage par le lecteur. Il reconnaît en lui (dans son caractère, ses aventures, etc.) des éléments de son contexte social, culturel, historique… Par mythe, il n’est donc pas question d’un personnage doté d’attributs surnaturels ou héroïques, mais d’un personnage capable de signifier une attitude, d’incarner des valeurs. Le mythe n’a donc pas forcément un sens positif, un personnage mythique peut être tout à fait médiocre, comme c’est le cas de Charles Bovary, ou il peut se faire le porte-drapeau de valeurs conservatrices et intolérantes. Le personnage d’Homais, pharmacien d’Yonville fait triompher avec lui les valeurs qu’il incarne : la sottise, la prétention, le scientisme, la couardise, et son rôle dans la chute finale de Madame Bovary montre bien à quel point cette médiocrité s’épanouit dans la société bourgeoise du XIXème siècle. Certains auteurs parviennent à créer des figures qui touchent l’inconscient collectif de manière si universelle qu’elles traversent les siècles et demeurent inchangés. On peut alors rapprocher le mythe littéraire du mythe religieux dans la mesure où ils ont tous deux une visée collective, poétique, et instructrice.

      Lorsque le critique G. Picon évoque le « besoin fondamental de retracer le mouvement de l’existence », il fait allusion ici au besoin de récit qui caractérise l’homme. Le récit est là, plus que jamais présent dans notre vie quotidienne, tout simplement parce que le langage est notre outil de compréhension, d’appréciation du monde. Ainsi, on voit bien dans l’œuvre de Michon le rôle déterminant de l’écriture dans l’affirmation de soi, et le rôle de la nomination dans le rapport aux choses. Par exemple, dans Mythologies d’hiver, Edouard Martel se saisit du sens du monde par le langage en donnant un nom à des stalagmites. D’abord, sa première réaction face à une nature abstraite qui ne semble rien exprimer est de perdre patience, mais lorsqu’il parvient à trouver des noms d’animaux à ses découvertes spéléologiques, il retrouve une certaine sérénité, et se dit que « c’est un beau métier que le métier de scribe ». Plus encore que la nomination, le roman permet de satisfaire notre « soif de récit », il est le lieu privilégié d'une réflexion anthropologique, sociale, culturelle, qui se poursuit au fil des époques : les auteurs s'interrogent, et se répondent d'un siècle à l'autre. On peut dire que le roman est la forme littéraire privilégiée pour cette « vision du monde » grâce aux personnages qui vont évoluer dans ce monde et percevoir le réel. Ainsi, par leur truchement, leur façon d'analyser le monde, de réagir par rapport à lui et d'interagir, grâce à leurs sentiments et leurs pensées (rapportées par le biais de la focalisation interne notamment), le lecteur va se faire une idée de la « vision du monde » élaborée par le roman. Le personnage joue ainsi le rôle d'un filtre, qui permet au lecteur d'ajuster sa vision. C'est au lecteur de tourner le kaléidoscope pour reconstituer le monde. Il ne faut donc perdre de vue le rôle déterminant du personnage et de l’individualité au service d’un message collectif. Le roman réaliste est plus que jamais l’exemple de cette volonté de comprendre le monde, ou du moins de l’approcher au plus près. Chez Zola, le prisme de l’hérédité génétique dicte l’écriture des Rougon-Macquart, mais il n’empêche qu’au-delà de la subjectivité de l’auteur, il a réalisé en amont un réel travail d’information afin de rendre compte au mieux de la réalité sociale de certains milieux. L’incipit de l’Assommoir par exemple est témoin de cette volonté de l’auteur de mettre en place la fiction (présenter les personnage, le lieu…) mais il dit aussi la volonté de l’écrire de la façon la plus authentique possible, en s’arrêtant à chaque détail, qui trahissent déjà l’origine ouvrière de Gervaise : « Et, lentement, de ses yeux voilés de larmes, elle faisait le tour de la misérable chambre garnie, meublée d'une commode de noyer dont un tiroir manquait, de trois chaises de paille et d'une petite table graisseuse, sur laquelle traînait un pot à eau ébréché. » .

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