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Étude de la comédie Le Mariage De Figaro de Beaumarchais

Mémoires Gratuits : Étude de la comédie Le Mariage De Figaro de Beaumarchais. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  21 Juin 2012  •  2 632 Mots (11 Pages)  •  2 620 Vues

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Après s'être fait lire Le Mariage de Figaro, Louis XVI se serait écrié : "Cela ne sera jamais joué [...] Cet homme déjoue (= tourne en dérision) tout ce qu'il faut respecter dans un gouvernement"; ainsi s'expliquerait la censure frappant la pièce de Beaumarchais. Tout au contraire, l'historien Robert Darnton estime que c'est la façon dont elle traite des réalités sexuelles qui aurait été jugée " inappropriée à la scène " et " contraire aux mours ".

On observera que les deux motifs d'interdiction ne s'excluent pas forcément, mais la difficulté à les départager invite à s'interroger sur l'interférence des thèmes sexuel et politique. Avant d'aborder cette question, on examinera d'abord l' immoralité supposée de la comédie, puis ses aspects revendicatifs.

        S'agissant de préciser en quoi réside l'éventuelle immoralité du Mariage de Figaro, faut se souvenir que le XVIIIe siècle est un siècle libertin, et que la pornographie vulgaire ou élégante - fournit une part importante de la production littéraire du temps, sans parler de la peinture. Par ailleurs, les philosophes du siècle des Lumières ont beaucoup prêché la vertu, et ce catéchisme vertueux imprègne le discours officiel sous Louis XVI, comme il imprégnera encore celui de la Révolution : qu'on pense, par exemple, à l'austérité de Robespierre. On cherchera donc dans Le Mariage ce qui a pu servir de prétexte à la censure monarchique pour en interdire la représentation.

        Beaumarchais écrit dans sa préface qu'il s'était proposé de " ramener au théâtre l'ancienne et franche gaieté ". C'est à ce type de comique qu'on rattachera la plaisanterie que Fanchette inspire à Bazile. " Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin [.] elle s'emplit " ( I.11 ) : gauloiserie ( " gaudriole ", selon le censeur ) mais scabreuse et en tout cas méprisant pour les femmes. Quant au "ton léger de notre plaisanterie actuelle ", selon Beaumarchais c'est le badinage galant du comte Almaviva qui le représente; mais ses sous-entendus frôlent parfois aussi le mauvais goût : ainsi à Suzanne qui proteste contre " l'affreux droit du seigneur ", il réplique : " Qui faisait bien de la peine aux filles" (I.8), laissant entendre par antiphrase qu'au contraire elles en étaient ravies (et peut-être même honorées...)

        Les premières versions du Mariage ont été corrigées par Beaumarchais de leurs aspects ouvertement licencieux ou suggestifs. Il reste néanmoins dans la version définitive des situations propres à scandaliser les censeurs, non par ce qu'elles montrent mais plutôt par ce qu'elles laissent entendre ou imaginer. Ainsi l'évocation par Chérubin de l'habillage et du déshabillage de la comtesse par Suzanne avec lui-même en position de voyeur (" ... ah Suzon ! je donnerais...", I-7). Le jeu de cache-cache et de poursuite joué par Suzanne et Chérubin autour du fauteuil à la même scène, les jeux auxquels ce dernier se livre dans "le quartier des femmes" : main chaude, colin-maillard (I.10), en dépit de leur apparence enfantine, prennent une connotation un peu trouble à cause de l'ardeur au plaisir dont Beaumarchais a doté le page.

        L'équivoque s'introduit aussi dans la pièce par la situation oedipienne que constituent aussi bien l'amour de Marceline pour Figaro que les relations de désir réciproques entre la marraine (la comtesse Almaviva) et son filleup- (Chérubin) qui se concrétiseront la nuit suivant la "folle journée" comme on l'apprend par La Mère coupable (II.1). Equivoque également est la scène où Chérubin déguisé en fille trouble et la comtesse et Suzanne par la blancheur de sa peau (II.6), l'effet produit étant redoublé pour le spectateur ou la spectatrice du temps du fait que le rôle était interprété par une actrice. L'équivoque va dans l'autre sens quand, à la scène 6 de l'acte V, le comte reçoit, de Chérubin, un baiser destiné à la comtesse, d'où ce commentaire satirique d'un pamphlet de 1784 désignant le page comme " greluchon de Madame et mignon du mari ". Signalons pourtant que, chez Molière, dans un jeu de scène bien plus appuyé, on voit un valet, Lubin, caresser et baiser par mégarde, à cause de l'obscurité, la main de son mettre en croyant que c'était celle de Claudine, sa promise ( George Dandin, III-3 ).

        Ces audaces ( relatives, à nos yeux ) ont pu heurter la sensibilité et la morale bourgeoises pour lesquelles l'amour doit trouver sa finalité dans le mariage, sans pour autant gêner le public de la haute société, infiniment plus libre de moeurs : ainsi le comte d'Artois, frère du roi, pour encourager celui-ci à l'indulgence, disait ne voir que "coucheries' dans la pièce et non une satire politique. Mais, on le sait, les régimes autoritaires peuvent couvrir d'un prétexte moral la censure des critiques dont ils sont l'objet.

        Que Le Mariage de Figaro soit critique et revendicatif, Beaumarchais le reconnaît lui-même dans sa préface : " l'auteur a profité d'une composition légère, ou plutôt a formé son plan de façon à y faire entrer la critique d'une foule d'abus qui désolent la société ". Reste à mesurer la portée de cette critique.

        Relevons d'abord les insolences pures tt simples, celles de Figaro, par exemple à la scène 5 de l'acte III : s' il a été long à s'habiller, dit-il au comte, c'est que les domestiques " n'ont point de valets pour les y aider ". Dans la même scène, assurant qu'il vaut mieux que sa réputation, il ajoute : " y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ? " Suzanne n'est pas en reste, jetant au comte : "Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc ? C'est un mal de condition, qu'on ne prend que dans les boudoirs" (III.9). Chez Molière, les domestiques souvent ont leur franc-parler, mais l'exemple de Nicole (Le Bourgeois gentilhomme) en montre les limites : elle se moque ouvertement de Monsieur Jourdain, son maître, qui veut jouer à la personne "de qualité", et cela au nom de l'ordre établi qui fixe les conditions sociales. Implicitement, les insolences de Figaro et de Suzanne protestent contre cet ordre, et même s'ils ne veulent ou ne pensent pas à le changer, ceci les constitue en adversaires potentiels des maîtres;

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