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Dissertation Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé : L'implicite

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Par   •  28 Mars 2019  •  Dissertation  •  5 389 Mots (22 Pages)  •  2 020 Vues

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Littérature du XIXe siècle : dissertation

        Sujet : «Rimbaud fait partie d’une génération de poètes que la lecture de Baudelaire a poussée vers cet implicite revendiqué par Mallarmé (dans l’enquête sur l’évolution littéraire de Jules Huret en 1891) : «Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu; le suggérer, voilà le rêve.»».

        Steve Murphy, dans «La Poésie en effet(s)-Transitivités de Rimbaud», Revue Europe, n°966, octobre 2009.

        La poésie doit, selon Mallarmé, «peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit». C’est l’idée même du symbolisme : l’analogie entre l’Idée abstraite et l’image chargée de l’exprimer. Le monde ne saurait se limiter à une apparence concrète réductible à la connaissance rationnelle : il est un mystère à déchiffrer dans les correspondances : sons, couleurs, visions participent d’une même intention qui fait du Poète, un mage. Le sujet proposé participe de cette même idée de poésie suggestive, puisque Steve Murphy, dans «La Poésie en effet(s)-Transitivités de Rimbaud» écrit en se référant à Jules Huret et aux propos de Mallarmé, «Rimbaud fait partie d’une génération de poètes que la lecture de Baudelaire a poussée vers cet implicite revendiqué par Mallarmé : «Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu; le suggérer, voilà le rêve.»». Le symbolisme oscille ainsi entre des formes capables à la fois d’évoquer une réalité supérieure et d’inviter le lecteur à un véritable déchiffrement : d’abord voué à créer des impressions, un souci de rigueur l’infléchira bientôt vers la recherche d’un langage inédit. Il sera intéressant de savoir si la poésie symboliste, guidée par Baudelaire et continuée par Rimbaud et Mallarmé est seulement le miroir de la suggestion des idées. Il sera question des enjeux portés par le sujet étudié, des limites de compréhension et parfois d’implicite, ainsi que de la réelle importance de la poésie : l’esthétisme de la forme.

        Il semble bien que Baudelaire ait inspiré Rimbaud. Rimbaud suit une continuité qu’a commencée Baudelaire, sur le modèle du symbolisme. On remarque que lorsque Baudelaire écrit «Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !», Rimbaud lui, prône le changement et le bouleversement des règles. On retrouve d’ailleurs beaucoup de similitudes entre les œuvres des poètes, par exemple entre le poème «Le bateau ivre» de Rimbaud et «Le Voyage» de Baudelaire, les deux poèmes évoquant ainsi le voyage comme évasion hors du réel étriqué et comme une aventure poétique. Mais ces similitudes s’étendent, si nous prenons compte seulement des œuvres au programme, sur presque tous les poèmes de Rimbaud. On retrouve des tirets à la façon baudelairienne, l’usage fréquent du mot «azur», des allégories comme celle de la beauté, des exclamations et invocations, ainsi que l’évocation d’une mendiante par exemple. Plus que des références à Baudelaire, ce sont plutôt des marques d'admiration de la part de Rimbaud que l’on trouve dans ses œuvres. Et ces marques, nous pouvons les relever dès la première production poétique de Rimbaud qui nous soit parvenue, c'est-à-dire les «Étrennes des orphelins», publiées au début de 1870. C'est un poème où le jeune Rimbaud marque, volontairement ou non, son admiration pour plusieurs poètes, mais en particulier pour Baudelaire, lorsqu'il écrit par exemple : «Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse,/Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,/Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant» Il est difficile de ne pas y voir un souvenir vague, une réminiscence du sonnet «Recueillement» : «[...] Vois se pencher/Ses défuntes Années,/Sur les balcons du ciel, en robes surannées». Il y a aussi un hémistiche complet de Rimbaud : «[...] en se frottant les yeux», qui est emprunté purement et simplement au «Crépuscule du matin» de Baudelaire : «Et le sombre Paris, en se frottant les yeux [...]». Dans une des Illuminations donc, «Enfance I», on trouve cette phrase un peu énigmatique : «Quel ennui, l'heure du « cher corps » et « cher cœur » !». Énigmatique parce que Rimbaud a mis des guillemets à «cher corps» et à «cher cœur». Il semble qu'il fasse une citation, et elle ne peut être qu'une citation de Baudelaire empruntée au «Balcon» : «Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses/Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton cœur si doux ?». Il y a un dernier point, capital celui-là, du point de vue de l'histoire de la poésie tout au moins, où Baudelaire et Rimbaud se rejoignent complètement. C'est que, pour l'un comme pour l'autre, la poésie n'est pas une fin en elle-même. La poésie ne vaut que par l'action qu'elle exerce. Elle a une fonction, un rôle; ce n'est pas un objet d'art, ni pour Baudelaire ni pour Rimbaud. C'est un acte du poète, de l'artiste, et c'est en même temps une action exercée sur le lecteur. On retrouve également des références à Baudelaire chez Mallarmé avec l’abondance du mot «azur» jusqu’à en faire un poème dédié, les multiples allégories, un poème portant le même nom que l’un de ceux de Baudelaire, «Les fenêtres», les exclamations, ainsi que l’envie d’ailleurs, le voyage, la mer. De là, les poèmes «Élévation» de Baudelaire et «L’Azur» de Mallarmé représentent bien le désir de s’évader et de fuir l’ennui qu’ont en commun ces deux poètes. Baudelaire, d’une manière plus générale a inspiré le mouvement symboliste pour la recherche de l’idéal. En effet, dans le sonnet L’ennemi, on voit combien Baudelaire annonce le symbolisme. La jeunesse est un «orage», d’ailleurs on remarque l’abondance de métaphores et d’images, il refuse également la banalité de la vie, «fleurs nouvelles», «mystique» et il évoque le rêve. S'ajoute la notion essentielle de Baudelaire, en opposition à l'Idéal : le Spleen, identifié ici à l’«Ennemi».

        Les trois auteurs se rejoignent sur une chose essentielle : l’implicite. Chez Mallarmé on peut donner l’exemple de «Brise marine», même si l’implicite fait partie intégrante de son œuvre. «Brise marine» est un des plus célèbres poèmes de Mallarmé. Il y met en scène son désir de fuite. Il rêve de s’échapper, d’être libre. Les oiseaux symbolisent la liberté, le voyage, qui permet de découvrir le monde, de nourrir l’inspiration du créateur. Cette volonté d’invasion paraît irréversible. On ne peut y échapper. Le voyage forme, il modèle. Il permet de façonner l’âme. Ainsi, la mer et la vie maritime deviennent sources de savoir, d’inspiration. Le poète rêve d’apprendre, de comprendre. La fuite semble être nécessaire, le poète doit partir, il doit s’en aller, il doit voyager. Dans le poème «Le Cygne», Mallarmé met en scène la mort d’un cygne. L’oiseau représente la page blanche. Il faut ici comparer le mot «cygne» et son homonyme «signe». La couleur blanche est liée au plumage de l’animal, mais aussi à la page vierge. Le poète est mélancolique devant le cygne, devant la page blanche. Il s’ennuie, il n’est pas inspiré, il angoisse. A la fin, le cygne meurt. C’est comme si le poète essayait sans cesse de dire quelque chose, mais qu’il n’y arrivait pas. Chaque tentative d’écriture est inutile, avortée. Toujours, la page blanche revient. La mort peut aussi signifier le mépris du lecteur, qui n’aime pas ce que fait l’artiste, ou qui ne comprend pas. Ainsi, l’implicite demande d’aller chercher les significations à l’intérieur des poèmes. Dans «Aube» de Rimbaud, l'octosyllabe qui ouvre le poème, "J'ai embrassé l'aube d'été", suggère la métaphore amoureuse qui, au milieu du texte, va convertir la nature exaltée en une créature mythique : "je reconnus la déesse." En face du Moi-enfant, tel que se décrit Rimbaud, et qui finira le poème, la Nature dans son éveil va prendre l'apparence d'un désir. La Nature apparaît alors au narrateur sous les traits d'une séductrice qui d'entrée devient un danger "je l'ai dénoncée au coq", "elle fuyait". Féerie du "promeneur solitaire", «Aube» devient alors le récit fantasmagorique d'un amant esseulé. L’implicite passe alors surtout par des métaphores, ici celle de l’amour, lié à la Nature. Le «Spleen LXXVI» des Fleurs du Mal abonde de métaphores. Par exemple, l’évocation de la mort se fait par l’euphémisme, «roses fanées», «flacon débouché» et l’image du sphinx, aux vers 22 et suivants est l’ultime image de soi, cette image rappelle la lourdeur, la vieillesse, la mort. Le terme «vers» au vers 9, fait référence à l’animal qui ronge le cadavre et, bien sûr, à la poésie. Il y a un jeu sur l’homonymie qui prépare la dernière image du vers 24 : la figure de l’Antiquité (Égypte) chante au coucher du soleil (le chant du spleen). Il s’agit donc d’une poésie crépusculaire, malade. Ce poème repose essentiellement sur les figures et c’est ce qui rattache Baudelaire à la tradition rhétorique. Le texte présente un empilement de métaphores dont la construction ne semble pas rationnelle. Il s’agit d’une projection de soi dans un univers énigmatique avec une disparition du réel. Dans «L’albatros», selon Baudelaire, la place du poète dans la société est comparée à un albatros : majestueux dans le ciel, son élément mais ridicule sur terre et au contact des hommes. De même, le poète se situe au-dessus du commun des hommes pour ses poèmes, mais mêlé à la foule, il n'est rien et devient ridicule. Une analogie est donc faite entre le poète et l’albatros. L’implicite est important, car, seul le poète est capable de déchiffrer les mystères du monde.

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