Discours à Madame De La Sablière
Compte Rendu : Discours à Madame De La Sablière. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar dissertation • 2 Novembre 2013 • 1 069 Mots (5 Pages) • 1 851 Vues
Iris, je vous louerais: il n'est que trop aisé;
Mais vous avez cent fois notre encens refusé,
En cela peu semblable au reste des mortelles,
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
Pas une ne s'endort à ce bruit si flatteur.
Je ne les blame point; je souffre cette humeur:
Elle est commune aux dieux, aux monarques aux belles.
Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,
Le nectar que l'on sert au maître du tonnerre,
Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre,
C'est la louange, Iris. Vous ne la goûtez point;
D'autres propos chez vous récompensent ce point:
Propos, agréables commerces,
Où le hasard fournit cent matières diverses,
Jusque là qu'en votre entretien
La bagatelle a part: le monde n'en croit rien.
Laissons le monde et sa croyance.
La bagatelle, la science,
Les chimères, le rien, tout est bon; je soutiens
Qu'il faut de tout aux entretiens:
C'est un parterre où Flore épand ses biens;
Sur différentes fleurs l'abeille s'y repose,
Et fait du miel de toute chose.
Ce fondement posé, ne trouvez pas mauvais
Qu'en ces fables aussi j'entremêle des traits
De certaine philosophie, Subtile, engageante et hardie.
On l'appelle nouvelle: en avez-vous ou non
Ouï parler? Ils disent donc
Que la bête est une machine;
Qu'en elle tout se fait sans choix et par ressorts:
Nul sentiment, point d'âme; en elle tout est corps.
Telle est la montre qui chemine
A pas toujours égaux, aveugle et sans dessein.
Ouvez-la, lisez dans son sein:
Mainte roue y tient lieu de tout l'esprit du monde;
La première y meut la seconde;
Une troisième suit: elle sonne à la fin.
Au dire de ces gens, la bête est toute telle:
" L'objet la frappe en un endroit;
Ce lieu frappé s'en va tout droit,
Selon nous, au voisin en porter la nouvelle.
Le sens de proche en proche aussitôt la reçoit.
L'impression se fait." Mais comment se fait-elle?
Selon eux, par nécessité,
Sans passion, sans volonté:
L'animal se sent agité
De mouvements que le vulgaire appelle
Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle,
Ou quelque autre de ces états.
Mais ce n'est point cela: ne vous y trompez pas.
Qu'est-ce donc? Une montre. Et nous? C'est autre chose.
Voici de la façon que Descartes l'expose;
Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Chez les païens, et qui tient le milieu
Entre l'homme et l'esprit; comme entre l'huître et l'homme
Le tient tel de nos gens, franche bête de somme;
Voici, dis-je, comment raisonne cet auteur:
Sur tous les animaux, enfants du Créateur,
J'ai le don de penser; et je sais que je pense.
Or, vous savez, Iris, de certaine science,
Que, quand la bête penserait,
La bête ne réfléchirait,
Sur l'objet ni sur sa pensée.
Descartes va plus loin, et soutient nettement
Qu'elle ne pense nullement.
Vous n'êtes point embarrassée
De le croire; ni moi.
Cependant, quand aux bois
Le bruit des cors, celui des voix,
N'a donné nul relâche à la fuyante proie,
Qu'en vain elle a mis ses efforts
A confondre et brouiller la voie,
L'animal chargé d'ans, vieux cerf, et de dix cors,
En suppose un plus jeune, et l'oblige, par force,
A présenter aux chiens une nouvelle amorce.
Que de raisonnements pour conserver ses jours!
Le retour sur ses pas, les malices, les tours,
Et le change, et cent stratagèmes
Dignes des plus grands chefs, dignes d'un meilleur sort.
On le déchire après sa mort:
Ce sont tous ses honneurs suprêmes.
Quand la perdrix
Voit ses petits
En danger, et n'ayant qu'une plume nouvelle
Qui ne peut fuir encor par les airs le trépas
Elle fait la blessée, et va traînant de l'aile,
Attirant le chasseur
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