Étude du roman Suppléments au voyage de Bougainville de Denis Diderot

Bougainville était un explorateur. En 1769 il rentre d'un voyage autour du monde et en publie le récit dans Voyage autour du monde. Son retour et son récit vont faire grand bruit à Paris dans le monde des savants, des intellectuels, des salons. C'est un récit exotique qui nous revient de Tahiti, enrichit de réflexions scientifiques, qui fait connaître la vie sauvage et le XVIIIème siècle va développer « le mythe du bon sauvage » (personne qui dans sa civilisation n'a pas les mêmes vices que la notre). De plus quand Bougainville revient, il ramène avec lui un Tahitien qui va susciter beaucoup d'intérêt et de curiosité. L'expérience de ce voyage exotique va engendrer beaucoup d'interrogations dans le milieu intellectuel dont celle de Diderot sur la notion de liberté personnelle dans un cadre où les contraintes sociales et morales sont nombreuses. Du coup Diderot écrit un Supplément au voyage de Bougainville. Un Diderot qui va être partagé entre l'éloge de la vie naturelle, la vie sauvage, une vie qui semble égalitaire et non-hiérarchisée, et son admiration pour l'homme civil et policé qui est l'incarnation de la civilisation. L'extrait dont il s'agit est celui du discours d'un vieux Tahitien s'adressant à Bougainville, qui prend la forme d'un réquisitoire (contre Bougainville) et d'un plaidoyer (en faveur de Tahitiens). Ce texte va souligner la vie du bon sauvage et la vie des européens. Nous nous demanderons donc en quoi ce texte est à la fois un réquisitoire et un plaidoyer. Pour cela, nous étudierons dans une première partie les différentes formes de situations de communication, puis dans une seconde partie l'opposition entre civilisation et vie sauvage.

I. Les différentes formes de situations de communication

C'est un discours très vivant dans lequel les marques d'oralité sont très présentes. On entre dans un discours déjà entreprit, aves des variations, le discours au style direct est signalé par « il ajouta », les deux points ( : ) et les guillemets (« »). La communication est également directe, les marques de la deuxième personne, explicite ou implicite, marqué par l'impératif, l'interpellation (→interrogation ligne 19), nous le montre bien. Le texte est émaillé par de nombreuses questions qui vont donner l'oralité au texte. La première phrase nous montre à qui ce discours s'adresse : Bougainville. Ce discours s'adresse également à d'autres personnes : les brigands (les européens), Orou (l'interprète, le traducteur).

Le Tahitien prend Orou à témoin « dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi même ». On passe du « je » à « tu », du « nous » à « vous », on remarque que quand « tu » est utilisé, il est souvent suivi d'un présent ou d'un passé composé. On remarque également qu'il y a des verbes d'actions et d'états pour expliquer le comportement des européens et par leur emplois, le locuteur retrace leur arrivée, leurs actes comme s'il récapitulait tout ce qu'ils ont fait. Quand le Tahitien parle en son nom et qu'il s'agit du « nous », le « nous » est souvent suivi d'un verbe d'état au présent et attire l'attention sur l'état des Tahitiens « nous sommes innocents ... nous sommes heureux ... nous sont communes ». Par contre quand « nous » est suivi d'un verbe au passé, on a à faire à des questions rhétoriques. Dans cette situation on voit une constante relation entre dominant et dominé, les acteurs et les victimes, de manière à bien faire apparaître les mérites des uns et des autres et les comportements négatifs du groupe antagoniste, d'un côté les bienfaits de la vie sauvage, de l'autre la civilisation corrompue et donc les colonisateurs corrupteurs.

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