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Fiche de lecture de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand

Dissertation : Fiche de lecture de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  28 Mars 2015  •  1 858 Mots (8 Pages)  •  1 378 Vues

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Le soir étend ses ombres. Roxane brode une tapisserie dans le parc du couvent où elle s’est réfugiée depuis la mort de Christian. Cyrano, qui lui rend visite chaque semaine, est en retard, « pour la première fois » depuis quatorze ans, mais lui seul et le spectateur savent pourquoi : il a été mortellement blessé à la tête par la chute intentionnelle d’une poutre.

L’activité de Roxane a une dimension symbolique, elle fait à la fois penser à Pénélope, la fidèle épouse d’Ulysse qui défaisait la nuit la tapisserie qu’elle avait tissée le jour pour échapper à ses « prétendants » (la tapisserie symbolise sa fidélité à la mémoire de Christian) et à Decima, la Parque qui tisse le fil de la vie, en l’occurrence celle de Cyrano.

L’atmosphère de la scène est chargée de symboles : la tombée du soir, l’automne… Le pathétique de la situation réside dans le quiproquo, signalé dès la didascalie initiale : Elle brode. Cyrano, très pâle, le feutre enfoncé sur les yeux, paraît. La sœur qui l’a introduit rentre. Il se met à descendre le perron lentement avec un effort visible pour se tenir debout, et en s’appuyant sur sa canne. Roxane travaille à sa tapisserie. »

Le quiproquo - presque chaque mot, chaque phrase, dans cette scène, a un double sens, débute avec le reproche de Roxane : « Depuis quatorze années, pour la première fois, en retard ! » à quoi Cyrano répond qu’il a été retardé par la « visite assez inopportune » d’une « fâcheuse ». Roxane comprend qu’il s’agit d’une femme, alors qu’il s’agit de la mort. Remarquer le jeu de mot sur le verbe « partir » : Roxane : « Eh bien ! Cette personne attendra pour vous voir : Je ne vous laisse pas partir avant ce soir. » Cyrano : « Peut-être un peu plus tôt faudra-t-il que je parte. »

Le quiproquo, procédé comique, est mis au service du pathétique, du tragique comme figure de la pudeur (partir = euphémisme de mourir)

Le dialogue entre Roxane et Cyrano est interrompu par le passage de Sœur Marthe : « Vous ne taquinez pas sœur Marthe ? » L’apparition de la sœur, la remarque de Roxane et le court dialogue qui s’engage donne à la scène une épaisseur temporelle et un éclairage psychologique : Cyrano est un habitué des lieux ; ses « défauts » sont connus, mais il est aimé et apprécié..

« Tenez, je vous permets… Ah ? La chose est nouvelle ? De… prier pour moi, ce soir, à la chapelle. » Sœur Marthe : « Je n’ai pas attendu votre permission. » (Elle rentre) ; là encore, seul le spectateur, à ce moment de la scène peut comprendre le sens de la réplique de Cyrano : boutade d’un libre-penseur qui taquine une religieuse et évocation de la prière pour les défunts : Cyrano sait que dans quelques heures, la religieuse se chargera de le veiller.

« Du diable si je peux jamais, tapisserie,

Voir ta fin ! »

Ce n’est sans doute pas la première fois que Cyrano fait cette plaisanterie ; la fin de la tapisserie, c’est l’abandon de la fidélité à la mémoire de Christian, le moment où Cyrano va cesser de « faire tapisserie » pour se faire enfin aimer de Roxane, mais c’est aussi la fin de la tapisserie qu’est sa vie.

Cyrano : Les feuilles !

Roxane : levant la tête, et regardant au loin, dans les allées. Elles sont d’un blond vénitien. Regardez-les tomber.

Cyrano : Comme elles tombent bien !

Dans ce trajet si court de la branche à la terre,

Et malgré la terreur de pourrir sur le sol,

Veulent que cette chute ait la grâce d’un vol !

La feuille qui tombe est évidemment une métaphore (in absentia) de la mort et une mise en abyme des derniers instants de Cyrano, ceux précisément que Cyrano vit auprès de Roxane.

« Allons, laissez tomber les feuilles de platane…

Et racontez-moi un peu ce qu’il y a de neuf.

Ma gazette ? » (notez l'inconsciente cruauté de la métonymie "Ma Gazette" pour désigner Cyrano)

Souvenons-nous que Roxane est une « Précieuse » qui aime le beau langage et les jeux de mots ingénieux. « Laissez tomber » : laissez-les tomber, mais aussi laissez tomber ce sujet, passez à autre chose (syllepse de sens) ; le thème de la chute des feuilles est un « cliché » aussi banal que les platanes (ou les marronniers) et Roxane n’aime ni les clichés, ni ce qui est banal et elle ne veut pas non plus entendre parler "gravement" de la mort ; mais le spectateur sait, lui, que Cyrano s’identifie à la feuille et veut que ses derniers instants aient « la grâce d’un vol » et entend, derrière le verbe « tomber », le mot « tombe ».

On retrouve ici l'isotopie de la "gravité" et de la "légèreté" (monter/tomber) qui traverse toute la pièce : tomber de la lune/monter au balcon - la chute de la poutre/la chute de la feuille/la chute du jour/la chute de la pièce/le silence - graviter autour de Roxane/l'aveu/ - obscurité/clair de lune - assis/debout/ - se battre/affronter les "vieux ennemis" - mourir/monter dans la lune opaline.

Cette "lune opaline" qui ne brille, comme Christian, que de recevoir sa lumière d'un Autre.

L'héroïsme de Cyrano ne consiste pas à affronter une armée entière, mais à dissimuler sa souffrance, à tomber légèrement, comme la feuille, avec élégance ("Moi, c'est moralement que j'ai mes élégances.") et "panache",

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