Cours sur Claude Simon, l'Acacia

L’Acacia (1989) de Claude Simon (1913-2005)

Claude Simon naît en 1913 à Madagascar, dans une famille de militaires : son arrière- arrière- grand-père, le général Lacombe Saint-Michel, est membre de la Convention et officier de la Révolution, puis du Premier Empire. Simon fait de lui un personnage de l’un de ses plus célèbres romans, Les Géorgiques (1981). Son père meurt en août 1914 dans les premiers com- bats de la « Grande Guerre ». Sa mère décède en 1925 des suites d’un cancer. Élevé à Perpignan par un oncle maternel, puis à Paris, Claude Simon est notamment élève du collège Stanislas et du lycée Saint-Louis. Il s’essaie d’abord à la peinture et à la photographie. Après son service militaire, effectué dans un régiment de dragons, Claude Simon se rend en Espagne auprès des républicains engagés dans la guerre civile. Il découvre durant un autre voyage l’Allemagne, la Pologne et l’Union soviétique. Cette première période de la vie de l’écrivain est convoquée dans deux romans, Le Tricheur (1945) et Le Palace (1962). L’expérience de l’histoire s’incor- pore à l’œuvre littéraire par le biais de cette expérience directe, sensible, dont la prose de Claude Simon, qui se caractérise par la complexité de la phrase et la technique du flux de conscience, ressaisit le mouvement perpétuel.

Dans cette perspective, l’expérience déterminante est celle de la guerre de 1940, à la- quelle l’écrivain participe dans un régiment de cavalerie – comme Céline au début de la Pre- mière guerre mondiale. L’aspect anachronique et obsolète de cette arme inscrit la guerre totale dans la continuité des conflits traditionnels, de l’Antiquité (La Bataille de Pharsale, 1969) aux guerres napoléoniennes (voir le personnage du « général L.S.M » dans Les Géorgiques). L’Aca- cia (1989) et La Route des Flandres (1960) s’élaborent à partir de cette expérience fondamen- tale du printemps 1940. L’auteur est interné dans un camp de prisonniers de Saxe, dont il s’évade avant de se réfugier en zone sud.

L’œuvre de Claude Simon est majoritairement publiée aux éditions P.O.L, que l’on rat- tache habituellement au « Nouveau Roman ». Ce terme désigne moins une « école » consciente d’elle-même et organisée qu’une constellation d’auteurs de textes narratifs proches par la forme du flux de conscience (stream of consciousness). Cette notion forgée par le philosophe améri- cain William James dans ses Principes de psychologie (1890), associée en littérature à l’œuvre de Henry James (frère du philosophe) et à celle de James Joyce, se caractérise par une atténua- tion des normes syntaxiques et typographiques dans le texte littéraire : la complexité des phrases par la multiplicité des propositions, la disparition de certains signes de ponctuation, ou encore l’emploi de tournures familières perçues comme des marques d’oralité, visent à rapprocher la prose littéraire du mouvement spontané de l’esprit, qui procède notamment par association libre entre des souvenirs et accorde une place centrale aux sensations.

L’Acacia est l’un des textes le plus directement autobiographiques de Claude Simon. Le récit s’articule autour de dates mentionnées au début de chaque section, et couvre une période comprise entre 1919 et 1940. Un extrait significatif permet de mesurer l’importance de l’expé- rience historique dans ce récit, qui oscille entre l’importance donnée au sensible, l’attention aux marques vieillies de l’héroïsme militaire (les uniformes de cavalerie), l’importance des formes culturelles qui permettent d’organiser la perception (la peinture de Dürer et de Cranach) :

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