Corrigé Dissertation EAF 2011 Madagascar: Les nombreux mythes présents dans la poésie amoureuse et élégiaque de la Renaissance font-ils de cette poésie un art du mensonge ?
Rapports de Stage : Corrigé Dissertation EAF 2011 Madagascar: Les nombreux mythes présents dans la poésie amoureuse et élégiaque de la Renaissance font-ils de cette poésie un art du mensonge ?. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar nandsianina • 3 Juillet 2013 • 2 125 Mots (9 Pages) • 2 775 Vues
Corrigé de la dissertation proposée l’année dernière (2010/2011) aux élèves de Première
1
[Accroche] « La poésie ne raconte pas d’histoire », c’est
en tout cas ce qu’affirme Henri Meschonnic dans Les états
de la poétique (1985). Les pièces courtes de notre corpus –
sonnets et dizains amoureux ou élégiaques –, qui relèvent du
registre lyrique, semblent étayer cette affirmation : le
discours poétique y gravite autour d’une première personne
qui « s’exprime », au sens étymologique du terme : elle sort
d’elle-même ses émotions, sentiments et désirs, expose et
analyse son intériorité. La brièveté de la forme implique par
ailleurs une instantanéité incompatible avec le type narratif
(toute histoire se déroule dans le temps) et cette parole
poétique, d’où se dégagent des accents de sincérité, ne se
donne pas a priori comme une fiction.
[Analyse du sujet et définition de ses termes] On
constate pourtant que cette poésie recourt volontiers aux
mythes. Or les mythes, en tant que « fables, discours
fabuleux », « récits mettant en scène des dieux, demi-dieux,
héros » (définitions du Dictionnaire des termes littéraires)
relèvent du type narratif, et sont même, comme l’indique
l’utilisation péjorative du terme, des « histoires à ne pas
prendre au pied de la lettre » (ibid.), littéralement des
mensonges. D’où la question : « Les nombreux mythes
présents dans la poésie amoureuse et élégiaque de la
Renaissance font-ils de cette poésie un art du mensonge ? »
[Formulation de la problématique] Cette double tension
introduite par l’insertion du mythe, entre poésie lyrique et
poésie narrative d’une part, entre sincérité et fiction d’autre
part, nous invite à nous demander si ces récits de l’Antiquité
et du Moyen-Âge nous font sortir de l’authenticité
autobiographique que l’on prête, à tort ou à raison, à la
poésie amoureuse et élégiaque de la Renaissance.
[Annonce du plan] Nous verrons dans un premier temps
que le mythe est un détour qui nous écarte effectivement de
la réalité auquel le poème pourrait faire référence. On se
demandera ensuite dans quelle mesure cet écart par rapport à
la réalité peut être source de vérité. Nous verrons enfin que
le caractère central des mythes peut nous permettre de
reconsidérer cette poésie qui se dit amoureuse ou élégiaque.
[I. LE MYTHE : UN EXPÉDIENT QUI
ÉCARTE LA RÉALITÉ (OUI)]
[1.1. Mythe et analogie : un écran devant la réalité]
Le mythe est toujours intégré au poème par
l’intermédiaire d’une relation d’analogie, se traduisant sur le
plan stylistique par une métaphore ou une comparaison. La
figure mythique intervient dans cette relation à titre de
comparant, le comparé étant le plus souvent le sujet lyrique
lui-même. Dans les poèmes de Maurice Scève, ce procédé
est récurrent : le sujet est semblable à la licorne dans dizain
6, semblable au phénix dans le dizain 96, semblable au
miroir dans le dizain 186. Le sujet lyrique ne s’exprime
donc pas directement mais derrière un écran que constitue le
mythe : celui-ci, en nous donnant une idée générale de la
situation du sujet, nous empêche toutefois de cerner les
contours exacts de sa personnalité.
[1.2.Un temps réel suspendu dans l’atemporalité du mythe]
Nous avons vu en introduction que le mythe, en tant
qu’histoire, réintroduit le temps en mouvement de la fiction
dans une forme courte, a priori incompatible avec le type
narratif. C’est ainsi que dans le sonnet 19 des OEuvres de
Louise Labé, le sujet lyrique se rêve une nymphe de Diane
qui se serait séparée du cortège de la déesse, aurait rencontré
sur son chemin un homme dont elle serait tombée
amoureuse, lui aurait lancé les flèches de l’amour sans
succès, avec pour seul résultat d’accroître son amour. C’est
cette séquence narrative qui exprime le désarroi de
l’instance lyrique amoureuse mais méprisée. Que sait-on des
circonstances réelles de ce sentiment ? Rien. Au contraire, le
sonnet 9, dépourvu de références mythiques, replace avec
précision le sentiment dans le quotidien du sujet lyrique, au
moment du coucher et du sommeil qui suit : « Tout aussitôt
que je commence à prendre / Dans le mol lit
...