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Comparaison entre le Discours sur la misère et l'homme qui rit de Victor Hugo

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Par   •  9 Novembre 2020  •  Commentaire de texte  •  1 933 Mots (8 Pages)  •  1 123 Vues

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COEUGNET Charles                                                                                                          17/10/2020

Commentaire comparé : « Discours sur la misère » (Texte 1) et Gwynplaine à la chambre des Lords dans L’Homme qui rit (Texte 2) par Victor Hugo.

        Le 25 février 1830 est jouée pour la première fois la pièce très controversée tant sur le plan des idées que sur celui de la forme (on se souvient du combat de son auteur pour « disloquer » l’alexandrin) du grand romantique que fut Victor Hugo : Hernani. Cette représentation a intensifié la querelle entre classiques et romantiques, quelques années avant les feux de la révolution de 1848. Le 24 février 1848, la Seconde République est ainsi proclamée. Néanmoins, c’est une chambre réactionnaire qui est placée à la tête de l’Assemblée nationale où siège Hugo quand ce dernier prend la parole le 9 juillet 1849, pour dénoncer la misère qui sévit dans l’ensemble du pays malgré l’instauration d’un nouveau régime. Ce « Discours sur la misère », qui aspirait à appuyer la proposition d'Armand de Melun visant à constituer un comité destiné à « préparer les lois relatives à la prévoyance et à l'assistance publique », a été véritablement conspué par la droite et le centre bien qu’Hugo n’en rende que fébrilement compte dans la retranscription écrite soumise à notre étude. Vingt ans plus tard, une scène très semblable se joue non plus à l’Assemblée mais en Angleterre dans L’Homme qui rit lorsque Gwynplaine se présente à la chambre des Lords non comme un porte-parole de la misère, comme Hugo a pu l’être en 1849, mais comme l’incarnation même de celle-ci (« Qui je suis ? je suis la misère. »).

        Comment, dans ces deux textes, l’enquête littéraire, en faisant parler les faits, se met au service de la dénonciation de la misère ? Nous verrons que ces deux scènes ont des similitudes fortes ce qui laisse à penser que le discours de Gwynplaine est la réécriture du « Discours sur la misère » avec vingt années d’écart. Puis, nous verrons comment les deux enquêtes littéraires qui se dessinent dans ces extraits portent, avant tout, sur les faits qui résultent de la misère (Gwynplaine comme Hugo « [viennent] des profondeurs » (tx2)). Nous étudierons, en dernier lieu, la réflexion portée sur la rhétorique : le discours se présente aussi et surtout comme une mise en garde envers les représentants de l’Etat et comme un nouveau moyen d’action.

        Bien que les deux scènes se jouent dans des contextes différents (d’une part, Victor Hugo intervient à l’Assemblée pour dénoncer le manque d’aide apporté au peuple depuis l’instauration de la Deuxième République et d’autre part, Gwynplaine se retrouve subitement à siéger à la chambre des Lords après que son identité a été révélée), elles portent toutes deux sur le même thème : la misère (« on peut détruire la misère » (tx1), « je suis la misère » (tx2)). Dans les deux cas, l’orateur est vu comme une étrangeté : Victor Hugo, républicain, prend la parole devant une chambre réactionnaire (ses alliés sont minoritaires) et Gwynplaine répugne par son physique monstrueux (« cette tête mêlant hideusement l’ombre et la lumière »). Ce dernier semble presque être l’incarnation physique de la pensée d’Hugo, une pensée houspillée depuis longtemps (depuis Hernani) par la rumeur (« On avait eu beau parler de Gwynplaine, le voir fut formidable. »). De même, la réaction aux propos portés par les deux hommes est comparable, et si celle-ci est euphémisée dans le « Discours de la misère » (« Murmures à droite », « Rumeurs », « Mouvement »), elle semble extrapolée dans sa retranscription fictive (« Thomas, comte de Warton, se leva effrayé », « On cria de toutes parts autour de Gwynplaine », « son auditoire était un précipice »). Les sensations de Gwynplaine sont vraisemblablement semblables à celles qu’a ressenti Hugo le 9 juillet 1849, si bien que son rire qui entraîne par la suite ceux de la chambre des Lords, résonne comme le râle de l’humanité que cherchait déjà à exprimer Hugo dans son discours (« Détruire la misère ! oui, cela est possible. » (tx1), « Le genre humain est une bouche, et j’en suis le cri » (tx2)). On remarquera également des accointances dans le vocabulaire et les comparaisons employées par Hugo : La misère est comparée à une maladie de peau (« La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain » (tx1), « la peste, je l’ai eue » (tx2)), ce qui permet de dire que l’enquête littéraire a des vertus thérapeutiques, la chimère qui empoisonne le socialisme (« étouffer les chimères d’un certain socialisme sous les réalités de l’Evangile » (tx1)) se révèle être l’Etat (« Vous êtes la chimère, et je suis la réalité. ») et on retrouve également un éloge du droit (« [la] grandeur [du peuple] résultant du droit » (tx1), « Le soleil, c’est le droit » (tx2)).

        Par ailleurs, Hugo et Gwynplaine tiennent le même rôle, celui de l’enquêteur. D’une part, le « Discours sur la misère » débute par un compte rendu assez stérile des propos tenus par la chambre : Hugo veut rétablir la vérité et être honnête avec le peuple (cela constitue le mot d’ordre des deux discours : « En éclairant ce qui est faux, en satisfaisant ce qui est juste » (tx1), « je rapporte la perle, la vérité » (tx2)). Puis, le discours connaît une envolée lyrique (« Il y a dans Paris… ») où Hugo romancier réapparaît pour témoigner de la misère du peuple avec des exemples qu’il a lui-même vus et côtoyés : « un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre », « une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon ! ». On remarquera, d’ailleurs, que l’auteur oscille entre un point de vue général, macroscopique sur la misère (« des créatures humaines s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver ») et un point de vue beaucoup plus précis, microscopique (« des monceaux infects de chiffons en fermentation »). L’enquête est donc réalisée avec précision. D’autre part, Gwynplaine, lui aussi est témoin et relate des faits qui trouvent toute leur importance dans le discours (ces faits ne sont plus seulement des exemples à l’argumentation, ils sont l’argumentation). Mais Gwynplaine se dit issu de la misère (bien plus qu’Hugo qui a grandi au sein de la bourgeoisie nantaise) : « Je suis celui qui vient des profondeurs », et il n’hésite pas à y retourner : « Je suis un plongeur, et je rapporte la perle, la vérité ». Ainsi Gwynplaine comme Hugo dénonce la misère en la constatant : « La première chose que j’ai vue, c’est la loi, sous la forme d’un gibet ; la deuxième, c’est la richesse, c’est votre richesse, sous la forme d’une femme morte de froid et de faim ; la troisième, c’est l’avenir, sous la forme d’un enfant agonisant ; la quatrième, c’est le bon, le vrai et le juste, sous la figure d’un vagabond n’ayant pour compagnon et pour ami qu’un loup. ». Les deux discours sont ainsi mus par une visée pragmatique (« Donner à cette assemblée pour objet principal l’étude du sort des classes souffrantes »). C’est donc l’enquête littéraire très précise et documentée qui permet de dénoncer la misère (on notera que les exemples utilisés par Gwynplaine sont d’autant plus frappants puisque lui-même est un enfant de cette misère).

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