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Commentaire sur le poème Etranges étrangers de Jacques Prévert

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Par   •  3 Août 2013  •  Commentaire d'oeuvre  •  4 960 Mots (20 Pages)  •  1 781 Vues

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Commentaire du poème « Etranges étrangers »

Introduction

[premier alinéa : situer l'œuvre dans son contexte]

Porte-parole des sans-voix et des laissés pour compte, Jacques Prévert rejoint le cortège des écrivains et poètes comme Tolstoï ou Apollinaire qui prirent cause en faveur des minorités opprimées par les empires. Souvenons-nous du poète mal-aimé, Guillaume Apollinaire*, qui fut le chantre de l'errance, la sienne d'abord, mais aussi celle des pauvres migrants.

[deuxième alinéa : on évoque le thème abordé par l'auteur]

« Etranges étrangers » est un « poème-conversation », un texte poétique qui s'offre à nous sous la forme d'un entretien sonore, obligeant ainsi le lecteur à prendre une part active au dialogue, à une interprétation simultanée. Prévert nous replonge dans les épisodes assez précis du colonialisme, du métissage, des flux migratoires. En peu de mots, il nous livre les clés d'écoute et nous invite à une réflexion sur le statut d'étranger.

[annonce du plan du commentaire littéraire]

Dans un premier temps, nous montrerons que le poète se fait l'avocat des minorités, des victimes de l'immigration du travail, qui intente avec un regard glaçant un procès contre les préjugés. Dans un deuxième temps, nous verrons que ce plaidoyer en faveur des plus démunis dénonce le racisme, mais aussi les archaïsmes politiques à l'origine des fractures sociales et économiques.

I. Un poème rebus, un jeu d'incrustation d'ombres chinoises...

A. Un clafoutis langagier reposant sur le jeu des répétitions; l'étranger, l'autre mal aimé...

Peu de mots à la chaîne et en même temps tout un monde qui surgit sous nos yeux. Retrouver la mémoire des victimes, des “hommes des pays loin”, des “cobayes des colonies”, ainsi s'énonce le projet du poète.

Le poète différencie les catégories d'étrangers pour mieux nouer entre eux une relation. Ces personnes qui vivent en reclus, aux marges de frontières, de nos périphériques et banlieues... Il nous raconte la déshérence de cette diaspora des mal-aimés. La porte d'Italie à Paris est un symbole, puisqu'elle porte de le nom de l'avenue qui conduisait à la route de Fontainebleau et, au-delà, jusqu'à l'Italie.... Les formes de discrimination, qu'elle soit sociale, raciale, institutionnelle, et surtout économique, sont indissociables du contexte historique de l'après-guerre. Avec une franchise presqu'enfantine, Prévert dresse le portrait des perdants, et sans enrobage lyrique: des étrangers pauvres, maltraités, ligotés à leur destin frappé d'opprobre. Avec une langue sans artifice inutile, sans excès ou forfanterie. Le lecteur avance à tâtons dans le matériau brut d'une existence précaire et sordide. Chaque vers progresse à pas comptés dans le cul-de-sac de la paupérisation. Paupérisme économique qui ne peut s'évaluer qu'au regard de la la rapacité des oligarchies rentières. Tous les lieux cites (micro-espaces de la morphologie urbaine de Paris) correspondent peu ou prou à des territoires ouvriers. Des forteresses ouvrières à l'aube de la production en masse, de cette période économique qu'on appellera plus tard les “Trente Glorieuses”. Les “Kabyles” du Maghreb s'enracinent dans les quartiers de Javel, rejoignant les populations pauvres de la ruche ouvrière sur les rives de la Seine. Dans ce grand bassin industriel de la région parisienne, les usines Citroën symbolisent le triomphe de l'industrie mécanique. Pas étonnant que Prévert cite les ouvriers spécialisés algériens, figures emblématiques du “travailleur immigré”. Une main d'oeuvre coloniale employée dans les fonderies, dans les forges de Simca, Panhard ouRenault (Panhard se trouve à proximité de la Porte d'Italie). D'emblée, Prévert pointe du doigt l'écart culturel, “civilisationnel”, entre le vacarme des presses d'emboutissage ou chaînes de montage et les accents mélodieux de la musique berbère de Kabylie (évocation des “doux petits musiciens” dès la première strophe). Les ouvriers auraient-ils besoin de chanter pour mieux travailler ou pour échapper à l'ordre productif? Ces immigrés kabyles fournissent la main d'oeuvre des terrassiers, des maçons, des travailleurs de rue, dans le quartier “de la Chapelle” à Paris, jadis décrit par Zola dans son roman “L'Assommoir”. Puis viennent les “Boumians”, ce peuple voyageur qu'on appelle aujourd'hui les gens du voyage. Autrement dit, les manouches, gitans, romanichels, ceux qu'on surnomme “les voleurs de poules”. Habitués des séjours interdits, condamnés aux poussiéreuses besognes, ils stationnent dans les arrondissements populaires de La Plaine Saint-Denis, d'Aubervilliers, ou de Saint-Ouen, exerçant des professions itinérantes ou des emplois minables. Soumis aux vexations, le nomadisme tzigane est depuis toujours l'objet d'assignations identitaires contestables (internés dans les camps deVichy, les tziganes furent exterminés dans les camps de concentration nazis). Prévert retrace pêle-mêle les épisodes de l'histoire coloniale, au risque d'un tête-à-queue. Toutes les professions sont passées en revue. Tout d'abord, les éboueurs, un métier que l'écrivain résume par un tour périphrastique assez épique d'ailleurs : “brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris”. Puis les taxidermistes ou tanneurs (métiers de la ganterie, de la sellerie, ou de la mégisserie). Là encore, un déroulement périphrastique débordant l'alexandrin nous dessille les yeux (“ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied”). Prévert s'exprime volontiers par périphrases descriptives pour mieux éprouver ses lecteurs. Ces forçats de la faim travaillent dans la puanteur et l'insalubrité. Autres déclassés, les réfugiés issus des populations balkaniques, et tout particulièrement les Polonais, les “Polacks du Marais du Temple des Rosiers”. Les quartiers du Marais furent des lieux

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