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Commentaire sur la Préface de Contemplations de Victor Hugo

Dissertation : Commentaire sur la Préface de Contemplations de Victor Hugo. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  4 Juin 2013  •  3 201 Mots (13 Pages)  •  22 310 Vues

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Préface de Contemplations de V. Hugo

Victor Hugo, auteur du XIXème siècle est le chef de fil du mouvement romantique qui consiste à exalter les sentiments personnels. Conçu comme une rupture avec les règles, le gout et le beau classique, ce mouvement littéraire et culturel européen s'écrit d'abord à la première personne. La poésie lyrique exalte un "je" qui s'exprimerait au nom de tous. Des genres naissent ( comme le journal intime, récit au jour le jour de ce qui se passe dans la vie de l’auteur ), se développent ( comme l'autobiographie, définie comme une « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence en mettant l’accent sur sa vie individuelle et la construction de sa personnalité) et exaltent le désir de la connaissance de soi. C'est souvent un "moi" douloureux atteint par le "Mal du siècle" que met en scène les auteurs de cette époque. A la fois romancier (Les Misérables, Notre Dame de Paris), dramaturge (Hernani, Ruy Blas), homme politique , Victor Hugo se distingue surtout par une très grande productivité poétique. Il se bat contre l’oppression politique dans les Châtiments et clame sa douleur de père éploré ayant perdu sa fille dans Les Contemplations. C’est un ouvrage imposant de plus de dix mille vers, qui a nécessité une publication en deux volumes. Victor Hugo le fait éditer en 1856 alors qu’il se trouve en exil dans les îles anglo-normandes (depuis le début de 1852). Il en rédige lui-même la préface dans laquelle il présente son œuvre. En quoi cette préface nous donne-t-elle la des clefs pour aborder l’œuvre ? Si nous lisons cette Préface comme une introduction à l’œuvre qu’elle précède, nous y trouvons en effet un grand nombre d’informations : sur le genre du livre que nous abordons, sur certains de ses thèmes, sur son plan, et sur ce qu’on pourrait appeler le « protocole de lecture » que l’auteur propose au lecteur.

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Concernant le genre, notons d’abord l’absence de toute référence explicite à la poésie. Il importe davantage à l’auteur d’indiquer la particularité de ce recueil poétique qui est d’être une sorte d’autobiographie.

Tout le texte s’organise autour de la notion de autobiographie. « Qu’est-ce que Les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention, Les Mémoires d’une âme » (l.8/9). La référence aux « mémoires » (récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence en mettant l’accent sur sa vie sociale et politique) renvoie aux Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand et place l’œuvre dans une dimension historique. Cependant, tout le texte est articulé autour de l’idée directrice d’une vie personnelle : « Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui » (l.18), idée encore reprise en conclusion : « Nous venons de le dire, c’est une âme qui se raconte dans ces deux volumes. » (l.32). La dimension personnelle est soulignée par l’utilisation de l’article indéfini « un/une » qui pose ici l’unicité du scripteur. Le lecteur est donc en droit de supposer qu’il va trouver dans ce livre un recueil de souvenirs, ou un récit rétrospectif de la vie de l’auteur. Il convient notamment de remarquer le champ lexical de la « mémoire » dans le nom « souvenir », les verbes « revenir » et « rappeler » présents dans la phrase « Ce sont en effet toutes les impressions, tous les souvenirs (…) revenus et rappelés» (l1-13). Par ailleurs, l’insistance de l’auteur sur le mot « âme » répété 3 fois (l. 8/9/32), sur le mot « cœur » (l.6) et l’omniprésence d’un vocabulaire des sentiments : « amour », « solitude », « espérance », « désespoir », « triste », « riant », « funèbre » … indiquent le caractère intime de l’inspiration de l’œuvre : si mémoires il y a, ce seront des mémoires intérieures ; si poésie il y a ce sera une poésie lyrique, c’est à dire une poésie exprimant les sentiments personnels du poète.

Mais certaines formulations du texte indiquent une écriture au jour le jour, qui ferait davantage penser au genre du « journal intime » plutôt qu’à celui des « Mémoires » : « Une destinée est écrite là jour à jour » (l.17). Ou encore, l.4/5 : « L’auteur a laissé pour ainsi dire ce livre se faire en lui. La vie, en filtrant goutte à goutte à travers les événements et les souffrances, l’a déposé dans son cœur ». La répétition d’un même substantif dans les compléments circonstanciels de manière « jour à jour », « goutte à goutte » suggère une lente accumulation. Ces exemples ne sont d’ailleurs pas isolés ; voir : « rayon à rayon » (l.12), « soupir à soupir » (l.12), « de lueur en lueur »(l.14), « nuance à nuance » (l.28), « page à page » (l.29/30). La série de locutions adverbiales similaires donne un relief particulier à ce modèle syntaxique. D’autre part, les verbes « a laissé se faire en lui » suggèrent une non intervention de l’auteur (laissé) qui ne se présente que comme réceptacle (en lui). L’allusion géologique du « dépôt » dans « l’a déposé dans son cœur » renvoie de la même façon à la lente accumulation des strates successives qui finissent pas former la terre (un matériau). Si Hugo ne nous indique pas clairement comment il a écrit ce livre, il suggère dans ces phrases qu’il en a rassemblé le matériau de façon progressive, au fil des événements de sa vie. Ce mode d’écriture, s’il est conforme à l’image traditionnelle du poète lyrique, composant sous la dictée de l’émotion, de l’inspiration, est sensiblement différent de celui de l’autobiographie traditionnelle, qui consiste en un récit rétrospectif (qui suppose une réorganisation) accompli à la fin de la vie de l’auteur. Ici, au contraire, nous pouvons supposer une lente accumulation répartie sur une longue période : « Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes ». « Vingt-cinq années » dont il fait le sujet de son œuvre et du verbe d’état « sont », donnant ainsi une sorte de définition du recueil qu’il place entre nos mains. Vingt-cinq années de vie et d’écriture, sans doute !

La lecture de cette Préface, donc, apporte sur le genre du livre une information capitale : c’est une œuvre de caractère autobiographique, nous y trouverons une forme de récit de la vie de l’auteur. Mais elle fait naître aussi une interrogation sur le mode d’écriture du recueil : s’agit-il d’une évocation rétrospective, ce qui implique un récit organisé, une méthode de reconstruction après coup de la vie de l’auteur?

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