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Commentaire sur l'acte I, scène 5 de la pièce de théâtre Phèdre de Racine

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Par   •  8 Janvier 2014  •  1 760 Mots (8 Pages)  •  1 018 Vues

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II- Un amour interdit

L’aveu de Phèdre n’est pas une libération pour elle, mais un moment où elle expose sa honte. Son amour est interdit, et doit rester secret parce qu’il est un crime ; la nature criminelle de ce sentiment justifie que Phèdre lui livre un combat.

A- L’amour comme crime

A aucun moment, Phèdre ne se réfère clairement aux liens familiaux qui l’unissent à Hippolyte, mais les v.294 à 296 insistent sur ce lien de parenté : Phèdre « affecte » l’attitude que pourrait adopter une « marâtre » ; or, sa relation n’est précisément pas celle d’une belle-mère envers son fils et le seul fait qu’elle doive « affecter » révèle en creux cette dénaturation des rapports familiaux. Le fait que le terme de « marâtre » finisse le vers, tout comme celui de « paternels » au vers 296, les deux époux encadrant, voire enserrant ainsi l’exil du fils insiste sur ce triangle amoureux et familial. De même, le vers 290, précédé de l’exclamation pathétique « ô comble de misère » insiste sur la ressemblance du père et du fils, et donc, sur le crime que commet Phèdre, ce qui annonce la scène de l’aveu à Hippolyte, acte II scène 5 dans laquelle elle se sert de Thésée pour avouer son amour à son bien-aimé.

Phèdre a conscience du caractère criminel de son acte ; elle confie : « J’ai conçu pour mon crime une juste terreur » v.307. Ce terme de « crime » renvoie à l’idée que son amour est un amour coupable et que sa révélation la fait souffrir ; le fait que la terreur qu’elle ressent soit qualifiée par l’adjectif « juste » oppose au caractère impie et illégal de son amour la justice de son châtiment moral.

Or, cette « terreur » dont elle parle, ce n’est pas seulement elle qui la ressent, mais aussi le spectateur de la pièce. La terreur est, rappelons-le, l’une des deux émotions que doit susciter la tragédie, avec la pitié. Ici, le fait que Phèdre souligne elle-même l’horreur de son sentiment éveille chez le lecteur ces deux émotions à la fois. Phèdre s’inspire à elle-même de l’« horreur » v.308. Au lieu de succomber à son amour, elle essaie de s’en défaire et le caractère dénaturé de son sentiment la pousse même à la rébellion contre elle-même : « Contre moi-même enfin, j’osai me révolter » v.291, la saturation des pronoms de la première personne, « moi-même », « j’ », « me », indique cette révolte de Phèdre contre elle-même. Le spectateur éprouve des sentiments contradictoires envers Phèdre qui recouvre deux personnalités : il y a deux Phèdre, celle qui aime et celle qui est horrifiée par son amour, et deux réactions aux deux facettes de ce personnage : la terreur et la pitié. Terreur face à un personnage aux sentiments monstrueux, et pitié pour celle qui souffre et tente de se dégager de sa faute.

Et, en effet, Phèdre n’est pas passive face à son amour mais tente de s’en libérer, l’amour étant alors assimilé à une lutte.

B- L’amour comme combat

Trois fois, Hippolyte est désigné par l’expression « mon ennemi » et dans tout le texte, l’amour est présenté comme une bataille livrée contre celui qu’aime Phèdre. Son amour est qualifié au v.269 de « mal » et est d’emblée associé à la rupture du « repos » et du « bonheur » v271, deux termes qui évoquent la stabilité troublée par l’irruption brutale d’un élément perturbateur vite qualifié de « tourment » au vers 278.

La guerre contre Hippolyte fait écho à celle que Vénus livre à la jeune femme. Ne l’oublions pas, Vénus est proche de Mars, le dieu de la guerre et endosse souvent son habit pour assouvir sa vengeance. Or, Phèdre est de ce « sang que [Vénus] poursuit » (v.278) et la lutte contre Hippolyte est parallèle à la lutte que mène Vénus contre la famille de Phèdre compromise par la faute originelle de Pasiphaé.

D’ailleurs, le seul moyen que trouve Phèdre pour se délivrer de cet amour consiste à s’en prendre à Hippolyte, telle une « injuste marâtre » v.294 : elle cherche à le « bannir » v.293 et à « l’arracher » v.296 du sein paternel. De même qu’avant un combat, Phèdre essaie d’obtenir la protection divine. Toutes ses interventions auprès de la divinité figurent cette lutte contre son sentiment : elle cherche des « remèdes », voyant ainsi dans son amour « incurable » une maladie contre laquelle elle essaie pourtant de se battre.

Mais c’est surtout contre elle-même que Phèdre lutte : alors que jusqu’au vers 278, elle tombe « passivement » amoureuse, à partir du vers 278, elle cherche à tout prix à se défaire de cet amour. Les marques de la première personne sont omniprésentes ; les pronoms possessif et les pronoms personnels de cette personne saturent le texte et Phèdre, ou des parties de son corps, par métonymie, sont le sujet de nombreux verbes d’action : « bâtis », « cherchais », « implorait », « brûlait ». A partir du vers 291, elle en arrive même à la rébellion : « contre moi-même enfin j’osai me révolter / j’excitai mon courage à le persécuter » : chaque fois, le sujet du verbe à la première personne entreprend l’action du verbe contre cette même première personne, figurant une psychomachie chez la jeune femme, qui souligne le double visage,

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