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Commentaire stylistique sur l'acte III, scène 4 de la pièce de théâtre Le Cid de Pierre Corneille, 1637

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Par   •  15 Mai 2013  •  2 206 Mots (9 Pages)  •  12 470 Vues

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COMMENTAIRE STYLISTIQUE

Le Cid, P. Corneille, 1637, III, 4.

de "Ne diffère donc..." jusqu'à "Je ne puis."

Introduction:

Le Cid (1637) est une tragi-comédie de Corneille qui relate les exploits de Don Rodrigue, jeune noble espagnol. Amant de Chimène, il a dû combattre en duel et tuer son père, Don Gormas, pour laver l'honneur de son propre père, Don Diègue. Rodrigue qui a choisit l'honneur à l'amour, force la rencontre avec son amante, dans cette scène 4 de l'acte III, pour la première fois. Il vient lui demander de le tuer. Cela est inattendu mais concevable en tant que péripétie.

Si, pour Chimène, ce coup de théâtre est à double résonance: celle de l'amour et celle des convenances, pour le spectateur il ne l'est pas moins: Comment l'intrusion nocturne de l'amant meurtrier chez son amante, peut-il renforcer le romanesque, sans nuire aux bienséances?

Il convient, dans un premier temps, de concevoir que le dialogue est polysémique et fait écho à la double énonciation pour, dans un deuxième temps, définir un conflit et une entente entrelacés. Dans un temps ultime, nous étudierons une dramaturgie de la tragi-comédie, qui la complète.

I. Un dialogue théâtral polysémique

1. Un double langage par le sens et par la forme

L'ensemble du texte est constitué d'un dialogue qui présente un équilibre quantitatif des répliques. La structure de l'extrait postule une égalité des forces entre R. et Ch. mais la demande de R., sur le mode de la supplication, place Ch. en position de force. L'analyse du contenu sémantique (= du sens) de l'extrait tend à relativiser cette hypothèse.

R. combine dès la première réplique, le champ lexical de l'honneur (v.943) avec une métaphore filée de l'exécution capitale ("demande ma tête", "sacrifice", "coup", "arrêt"). Et Ch. de "suivr[e] [s]on exemple" (963) en prologeant le champ lexical ("je suis ta partie" v.950) ainsi que la métaphore ("bourreau", "m'offres ta tête", "punir"). Est-ce à dire que la reprise dans la continuité induit une entente entre interlocuteurs? Un jeu d'échos entre champs lexicaux apparentés par le sens, laisse plutôt entendre une dispute stylisée. Ch. prolonge la métaphore du sacrifice par celle du combat ("attaquer", "défendre" v.952), ce qui laisse à R. une chance de survie. Le sentiment amoureux modère l'application stricto sensu de la justice. Le propos de Ch. est plus nuancé. Au v.954, elle oppose "poursuivre" à "punir" et définit clairement la nouvelle nature de sa relation avec R.. Cela se justifie puisque la scène les fait se rencontrer pour la première fois. Du registre de la justice, le discours de Ch. passe à celui de la chasse. Aux champs lexicaux explicitement mêlés de la vengeance et de l'amour, que R. introduit au v.955, Ch. répond d'abord implicitement par celui de la traque qui peut, par ailleurs, être amoureuse. L'interprétation stylistique de l'impératif "va" (v.950), abonde en ce sens. Construit en parataxe, cet impératif est d'exhortation et nuance, de ce fait, la fonction conative du langage - c'est-à-dire adressée au destinataire du message ( cf. Jakobson) - grâce à une tonalité plus émotive. Il énonce moins une suggestion réelle qu'il n'est qu'une expression de la condition. L'émotivité culmine au v.973, où la répétition se double d'une litote (célèbre!) qui revêt la forme de la négation du contraire. Substituée à l'affirmation intensifiée, elle suggère la force de l'amour ressenti par Ch..

Le double langage (implicite / explicite) duplique le jeu des répliques des personnages. D'abord sur le principe de la répétition d'un mot dérivé (cf. les polyptotes "mourrai"/"mourant" v.949; "je dois"/"tu dois" v.952), la parole se fait comprendre en sens contraire (cf. les antithèses: v.946, 972). Un double langage pour un double sens. Ainsi, au v.972 "main" et "haine" sont appelés à faire sens. "Donner sa main" ce pourrait alors comprendre au sens de "donner la mort" la vengeance et l'amour comme attachés dos à dos. Ce double langage pose R. et Ch. en rivaux de principe, puisque Ch. oppose Don Sanche à R., si la rivalité menace de se transposer sur le plan de l'action. Au v.953 "autre que toi" fait allusion à son amoureux et à son champion. Le sous-entendu exclut définitivement l'idée de la vengeance physique. La métonymie "d'autres bras" (957) renvoie à un référent d'abord inconnu, dont l'identité, après une mise en attente, ne sera qu'implicitement identifiable aux v.959 et 960.

2. Renforcer l'expression lyrique

Le double langage du dialogue théâtral opère sur une tonalité éminemment lyrique. En témoignent les marqueurs énonciatifs tels les premières personnes, les exclamatives qui manifestent l'indignation du locuteur (962) et certaines formules lexicales « au nom d' » (969) exprimant un jurement dont la formule est renforcée par deux expansions compléments du nom. Au v. 971, le choix délibéré de Ch., du qualificatif « amant » plutôt qu' « amoureux », pour désigner R., induit explicitement l'idée que l'amour est partagé entre eux deux. Renforcé par le jeu des emplois d'adjectifs antéposé (« malheureux » v.971) et postposé (« mort » v.969), la charge émotionnelle attribuée à R. et au père, permet de clarifier la position que l'un et l'autre occupent dans le cœur de Ch. A la précision concrète de la situation du père, s'oppose l'évocation lyrique de l'amant en attente d'être aimé de retour. Si la situation du premier est immuable, celle du second est modifiable. R. est ici appelé à devenir un « amant heureux ». L'importance de l'expression lyrique est telle, qu'elle émerge aussi de l'absence des mots. Témoin l'ellipse du pronom « le » (975) qui participe à renforcer l'affirmation qui précède (974).

Des figures de toutes formes contribuent à l'effort lyrique. Ainsi le parallélisme métrique des vers 974 et 975, grâce à l'ellipse, concrétise un accord tacite et, apparemment, contradictoire, entre les interlocuteurs. L'honneur

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