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Commentaire du roman L'Etranger d'Albert Camus: le meurtre de l'Arabe

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Par   •  27 Décembre 2014  •  2 472 Mots (10 Pages)  •  2 244 Vues

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Albert Camus, L’Etranger, Le meurtre de l’Arabe – Commentaire.

Ce texte constitue l’excipit de la Première partie de L’Etranger, et vient clore l’évocation de la vie somme toute insouciante que menait jusqu’alors le personnage principal, Meursault.

La scène se déroule sur une plage, peu de temps après qu’une violente altercation a opposé son ami Raymond à un groupe d’Arabes. Meursault a sur lui le revolver de son ami. Alors que ses compagnons s’apprêtent à prendre le chemin du retour, Meursault revient seul sur la plage, sans raison apparente, sinon la fatigue devant « l’effort qu’il fallait faire pour monter l’étage de bois [du cabanon] et aborder encore les femmes. » Retrouvant par hasard l’un des deux Arabes, Meursault va commettre un geste irréparable.

L’événement est capital et tout le destin du personnage s’y joue, en quelques instants.

Nous montrerons tout d’abord que la marche de Meursault à la rencontre de sa victime revêt un caractère fatidique . Nous soulignerons ensuite le rôle essentiel que jouent les éléments naturels dans ce cheminement vers le meurtre : plus « agi » qu’acteur, Meursault est d’abord victime de son hypersensibilité au monde. Nous montrerons enfin que ce meurtre s’apparente pour le personnage à une véritable apocalypse, à un effondrement définitif de son monde.

I Un personnage en marche vers son destin

A l’instar de l’ensemble du roman, le récit de ce meurtre est effectué sur le mode rétrospectif (il s’agit d’un récit au passé) et du point de vue interne du narrateur-personnage, comme le montrent les nombreux verbes d’opération de la pensée (par exemple : « je pensais », l.9, « j’ai pensé », l.25, « j’ai compris », l.43) et de perception qui émaillent le texte, notamment ceux qui relèvent du champ lexical de la vision (ex : « je voyais », l.8, « j’ai vu », l.11) . C’est avec une grande précision que Meursault rend compte ici des multiples sensations – visuelles, auditives, thermiques… - qu’il a éprouvées dans les minutes précédant le meurtre de l’Arabe : paradoxalement, le récit nous donne à lire ce qu’il sera précisément incapable de communiquer, d’expliquer, au Juge d’Instruction lors de son procès.

Le thème de la marche structure l’ensemble du récit et organise sa progression dramatique, comme le montrent les nombreux verbes de mouvement qui ponctuent le texte : « je marchais lentement » (l. 2), « J’ai marché longtemps » (l.7), « quand j’ai été plus près » (l.11), « j’étais assez loin de lui, à une dizaine de mètres » (l.18), « j’ai fait quelques pas vers la source » (l.26), « j’ai fait un mouvement en avant » (l.31), « j’ai fait un pas, un seul pas en avant » (l.32). Symboliquement, ce cheminement prend une dimension tragique, en ce sens qu’il le conduit inéluctablement vers l’accomplissement de son destin : c’est pour ainsi dire contre sa propre volonté que le personnage continue d’avancer sur la plage, comme le souligne la phrase « j’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire et ce serait fini » (l.25).

. Meursault semble d’ailleurs comme « étranger » à ses propres actes : à plusieurs reprises, le texte met en évidence une certaine forme de dissociation entre ses pensées et ses gestes ; ainsi, à la ligne 25 : « j’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire […] Mais toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi », ou à la ligne 31 : « Je savais que c’était stupide […] Mais j’ai fait un pas ». Aux deux verbes évoquant des opérations de la pensée (« j’ai pensé », « je savais ») fait écho la conjonction de coordination « Mais » : les pas fatidiques s’imposent à Meursault, indépendamment de sa volonté. De la même façon, le premier coup de feu tiré sur l’Arabe ne semble pas relever d’une décision prise en toute conscience : « la gâchette a cédé » (l.42) : la formulation, qui suggère un événement purement « mécanique », laisse entendre que le coup est involontaire.

Contrairement à l’acte d’accusation qui sera dressé contre lui lors du procès, le récit souligne enfin que la rencontre de l’Arabe relève du pur hasard, et en aucun cas d’une quelconque préméditation : « J’ai été un peu surpris. Pour moi, c’était une histoire finie et j’étais venu là sans y penser » (l. 15). La seule motivation de Meursault est liée à un pur besoin physique de fraîcheur et de quiétude : « j’avais envie de retrouver le murmure de son eau, envie de fuir le soleil, l’effort et les pleurs de la femme, envie enfin de retrouver l’ombre et son repos » (l. 10) : l’anaphore du terme « envie » et le rythme ternaire de la phrase renforcent l’intensité de ce besoin, décrit ici comme une sorte de pulsion irrépressible.

Comme Meursault tentera maladroitement de le faire comprendre lors de son procès, c’est son hypersensibilité aux éléments naturels - déjà évoquée à de multiples reprises dans le récit, comme lors de l’enterrement de sa mère, qui seule peut expliquer son acte.

II L’hostilité des éléments

Le soleil joue un rôle déterminant dans la scène. A la façon d’un leitmotiv lancinant, le terme revient à 11 reprises dans l’ensemble du texte (l. 3, 5,10, 14, 21, 26, 28, 29, 32, 37). Un double champ lexical lui est associé, celui de la chaleur, tout d’abord : « toute cette chaleur s’appuyait sur moi » (l.3), « je sentais son grand souffle chaud sur mon visage » (l.4) « son bleu de chauffe fumait dans la chaleur » (l.14) ; l’air est « enflammé » (l.20) et une métaphore compare, de façon hyperbolique, l’atmosphère surchauffée du lieu à un « océan de métal bouillant » (l. 23). Le second champ lexical est celui de la lumière : on peut ainsi relever, par exemple, l’évocation du « halo aveuglant de lumière » (l.8) qui dissout les formes et réduit le rocher à une « masse sombre», ou le petit vapeur à « une tache noire » (l.23) ; la plage est décrite comme « vibrante de soleil » (l. 25).

La relation qu’entretient à ce moment Meursault avec les éléments est placée sous le signe de la lutte, du combat, comme le montrent un certain nombre de métaphores guerrières : l’éclat d’un coquillage ou d’un débris de verre est ainsi évoqué comme une « épée de lumière jaillie du sable » (l.7), le reflet de la lumière sur le couteau de l’Arabe est assimilé à une « longue lame étincelante qui [l’] atteignait au front » (l.34), à un « glaive éclatant » ou une « épée brûlante » (l.38).

Souvent personnifiés, comme c’est

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