Commentaire du chapitre 14 du roman Nana: La Mort De Nana d'Emile Zola

Nana (Chapitre 14 ), d’Emile Zola. 1881

[Nana, comédienne et prostituée, a contracté la variole, une maladie défigurante. Elle meurt dans une chambre du Grand Hôtel, entourée des différentes femmes qui ont croisé sa route, et notamment de Rose Mignon, une ancienne rivale. Dans le quartier, la déclaration de guerre de la France contre la Prusse ( le 19 juillet 1870) suscite l’enthousiasme de la foule.]

Mais, comme Lucy, Blanche et Caroline étaient encore là, Rose donna un dernier coup d'œil pour laisser la pièce en ordre. Elle tira un rideau devant la fenêtre ; puis, elle songea que cette lampe n'était pas convenable, il fallait un cierge; et, après avoir allumé l'un des flambeaux de cuivre de la cheminée, elle le posa sur la table de nuit, à côté du corps. Une lumière vive éclaira brusquement le visage de la morte. Ce fut une horreur. Toutes frémirent et se sauvèrent.

— Ah ! elle est changée, elle est changée, murmurait Rose Mignon, demeurée la dernière.

Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l’air, dans la clarté de la bougie. C’était un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l’autre ; et, flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits. Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence ; l’autre, à demi ouvert, s’enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche, qu’elle tirait dans un rire abominable. Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or. Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l’avait pourri.

La chambre était vide. Un grand souffle désespéré monta du boulevard et gonfla le rideau.

A Berlin ! à Berlin ! à Berlin !

PLAN PROPOSE

I. Une description naturaliste

1 ) ancrage dans le réel

2 ) description ordonnée

3 ) aspect pictural II. la "dérive" fantastique

1 ) le choc

2 ) portrait effroyable

3 ) la dimension

fantastique III. une leçon moraliste

1 ) leçon de vanité : retour au néant (ou grandeur et décadence )

2 ) solitude et abandon

3 ) fin d'un symbole et d'une

époque

Le naturalisme, mouvement fondé par Zola , est un prolongement du réalisme et se propose de montrer la réalité telle qu'elle est et non telle qu’elle devrait être . La description a donc une place importante dans l'œuvre des naturalistes . (amener le sujet ) Si Nana , le personnage principal du roman éponyme est au début de l'œuvre une jeune femme séduisante, l'extrait proposé constitue la fin du roman et est une description d'un cadavre en décomposition , le cadavre de Nana ! Nous étudierons ce tableau réaliste et sinistre et nous demanderons si la description n'est dans le récit qu'une simple pause illustrative . (présenter le texte et proposer une problématique ) Nous verrons dans un premier temps que la description est construite avec réalisme , Zola se proposant selon la méthode expérimentale qu'il prône, un examen précis et technique du réel . Pourtant nous verrons dans une deuxième partie que la description naturaliste peut dériver vers une dimension quasi fantastique . Enfin nous nous interrogerons sur la fonction de ce tableau et sa dimension symbolique . (annonce du plan )

Pour Zola « le roman expérimental est une conséquence de l'évolution scientifique du siècle [...] il substitue à l'étude de l'homme abstrait, de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel, soumis aux lois physico-chimiques .» Et c'est bien cet esprit scientifique que l'on retrouve dans cette description que l'on pourrait croire faite par un médecin légiste . Ordre, précision et vocabulaire médical constituent les principes de ce portrait réaliste loin de tout idéalisme romanesque .(annoncer l'idée directrice clairement dès le début du paragraphe )

En effet ce texte suit toutes les règles du texte descriptif réaliste : inséré entre deux passages narratifs au passé simple ,les gestes de Rose dans la chambre au début, la présence de la foule dans la rue à la fin , il est amené par le regard de Rose . Inséré également entre deux paroles au discours direct , les murmures de Rose "ah elle est changée" et les cris de la foule "a Berlin " , cela permet d'ancrer la description dans le réel . Le contexte est en même temps spatial et historique : la description de la chambre avec tout le vocabulaire des objets qui en constituent l'ameublement comme " la pièce", la fenêtre", le "rideau", la lampe " , la cheminée", "la table de nuit", donne de la réalité à cette chambre qui nous parait familière et la présence de la foule à l'extérieur nous donne le contexte historique, celui de la déclaration de guerre contre le Prusse en 1870 qui justifie les cris répétés "A Berlin!" . On observe également que la description est ordonnée : on part d'une vue globale sur le visage soulignée par l'adjectif "entière" dans "la figure entière" pour ensuite parcourir le visage de haut en bas, commençant par les "yeux" pour continuer avec "le nez" ",la joue" et enfin la "bouche". Ensuite le point de vue

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