Commentaire de Médée, Corneille, Acte I, scène 3

Médée veut se venger de Jasons qui l'a répudié. Tout son monologue semble animé d'une frénésie criminelle.

Cette frénésie se traduit tout d'abord par des procédés exprimant l'indignation, la révolte ou la surprise : la première phrase exclamative "Jason me répudie" et les nombreuses interrogations "Me peut-il bien quitter après tant de bienfaits ?" " et qui l'aurait pu croire?" ont pour effet d'accentuer l'intensité de la surprise et de la révolte indignée du personnage de Médée. De même, la répétition du verbe "quitter" à la fin des deux premiers hémistiches des vers ("Me peut-il bien me quitter/ après tant de forfaits? M'ose-t-il bien quitter/ après tant de forfaits ?" ) met en valeur le motif de l'indignation de Médée : c'est parce que Médée est quittée qu'elle devient révoltée. L'anaphore du pronom objet de la première personne "Me peut-il bien.../ M'ose-t-il bien quitter..." met également en relief la parole de Médée comme si elle avait subi un affront.

Ces sentiments de révolte, d'indignation et de surprise sont également teintés de "rage", de "haine" et de "colère". C'est Médée qui qualifie ainsi elle-même son propre état. La progression de cette rage se traduit par l'emploie de termes de plus en plus violents et menaçants. Ainsi, le champ lexical du crime est associé aux actions de Médée : "sanglant divorce", "meurtres", "carnage", "crimes". Il évoque la folie sanguinaire du personnage.

La progression suit d'ailleurs deux mouvements distants dans le monologue : le premier mouvement a pour object l'indignation et la surprise de Médée. Et le second mouvement pourrait s'intituler "les projets de vengeances de Médée". Dans le premier mouvement du texte, Médée parle de Jason à la troisième personne et les verbes sont au présent de l'indicatif. Puis, elle s'adresse à Jason à la deuxième personne et emploie des verbes au futur, pour proférer sa menace. Le changement des sentiments se traduit également par les antithèses : "Tout ce qu'en ta faveur fit mon amour extrême/ je le ferais par haine".

Ces antonymes expriment le passage de l'amour à la haine.

Enfin, par ce monologue vengeur, le spectateur et le lecteur apprennent avec inquiétude que Médée emploie le mot "chef d'oeuvre" pour désigner sa vengeance. Elle peut provoquer sinon une certaine terreur du moins susciter de la crainte du spectateur. De plus, cette expression annonce la fin tragique de l'intrigue dans la mesure où Médée qualifie ses anciens crimes de "faible apprentissage". Cette première apparition du personnage est donc inquiétante : elle n'hésite pas à décrire les crimes qu'elle a déjà commis pour Jason. L'accumulation des crimes "Mon père trahi, les éléments forcés/ D'un frère dans la mer le membres dispersés,/ Lui font-ils présumer mon audace épuisées?" met en valeur l'abomination de son fratricide et annonce ses infanticides.

...