LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Commentaire, Les Etats et Empires du Soleil, Cyrano de Bergerac

Commentaire de texte : Commentaire, Les Etats et Empires du Soleil, Cyrano de Bergerac. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  18 Janvier 2017  •  Commentaire de texte  •  3 264 Mots (14 Pages)  •  7 171 Vues

Page 1 sur 14

Commentaire littéraire sur un extrait des Etats et Empires du Soleil de Cyrano de Bergerac

        Les Etats et Empires du Soleil, ouvrage posthume de Cyrano de Bergerac publié en 1662, constituent le second volet d’un dytique de récits ayant pour trame commune un voyage imaginaire au delà de la Terre. Le premier volet étant intitulé L’Autre monde ou Etats et Empires de la Lune. L’extrait qui sera étudié ici se situe après l’arrestation et le jugement de Dyrcona, le personnage principal, au Royaume des Oiseaux. Condamné à mort sur le simple fait d’être Homme, Dyrcona est pour autant sauvé de son supplice par le perroquet de sa cousine, César, implorant la pitié du roi Colombe et prouvant la bonté de cet homme. Relâché, le Narrateur-personnage se trouve emporté à dos d’Autruche blanche jusqu’à  l’orée d’un bois quelque peu fantastique. Ici, Dyrcona est pris de surprise en entendant d’étranges voix provenant de nulle part.

        En quoi cet extrait est-il révélateur d’une vision nouvelle du règne végétal et de l’aveuglement des hommes face à une nature beaucoup plus riche et complexe qu’elle n’y paraît ?

        Dyrcona fait ici une nouvelle rencontre étonnante qui bouleverse ses aprioris sur la nature du règne végétal dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler un topos récurrent de la littérature fantastique et de la poésie : la nature humanisée. Cette entrevue révèle les liens tenus et les ressemblances entre l’homme et le végétal qui semblent au delà de toute conception scientifique rationnelle. Toutefois, ce dialogue, qui n’est pas sans rappeler les précédents avec le petit homme de la Macule, le roi-grenade ou encore les oiseaux, n’est pas anodin et se pose comme une preuve de l’incapacité des hommes à écouter et comprendre la nature. A travers le personnage de Dyrcona, toute l’humanité voit ses préjugés remis en cause et de nouvelles théories se poser comme nouveaux jalons essentiels dans la conception de la nature.

        Au premier coup d’oeil, cet extrait des Etats et Empires du Soleil n’est pas sans rappeler les contes fantastiques au topos récurrent de l’anthropomorphisme chez les végétaux, très prisés des enfants. En effet, la littérature enfantine raffole de ce procédé qui transforme le monde réel en un espace onirique simplement en conférant la parole à des être qui, par nature, n’en sont pas doués. Très courant avec les animaux, qui semblent plus proches de l’homme de par leur motricité, le sang qui coule dans leurs veines et la capacité certaine qu’ils ont à se faire comprendre et à transmettre des émotions à travers leur corps, l’anthropomorphisme semble plus rare chez végétaux bien que tout de même présent. Des ouvrages comme Alice's Adventures in Wonderland de Lewis Carroll ne se privent pas d’utiliser ce procédé pour rendre l’univers encore plus magique et onirique. Dans ce récit à la première personne et donc très immersif, le lecteur se retrouve plongé dans une atmosphère dépaysante, à la frontière de l’inquiétant et du surnaturel tout en gardant une certaine légèreté et un humour bonhomme. La façon de parler des deux chênes est très vivante et expressive grâce à de petites exclamations telles que « Holà » (ligne 4) et  un « Mon Dieu » (ligne 14) assez ironique lorsque l’on considère la conception de la religion monothéiste dans l’ensemble de l’oeuvre de Cyrano. Nous pouvons également rattacher cet extrait au mythe puisque l’explication de la parole des arbres apparaît comme impossible et pourtant logique.

        En plus de cette légèreté liée à la présence d’arbres doués de parole au coeur d’une forêt énigmatique, le texte arbore véritablement une dimension poétique. L’omniprésence de la nature avec l’énumération de différentes essences d’arbres à la fin de l’extrait comme « Le Bouleau », « L’Erable », « Le Hêtre » et « Le Cerisier » est significative d’un aspect bucolique souvent utilisé dans la poésie. Le vocabulaire relatif aux arbres est également présent (gland, rameaux, écorce). L’élément naturel de l’air et plus précisément le vent, est dans cet extrait, lourd de significations. Plus qu’un simple aléa météorologique, celui-ci prend une forme poétique de par sa fonction de communication entre les arbres. Il devient « l’haleine de leur parole », le « bruit délicat dont ils rompent le sacré silence de leur solitude ». Cette  dernière périphrase peu aisément être considérée comme poétique : le travail de la langue avec ces allitération de sifflantes et le rythme musical coulant confèrent à ce court passage une portée métaphorique. Le vent qualifié plus haut de « doux et subtil » apparaît comme un moyen délicat, noble et évanescent par le biais duquel les végétaux se confient. De même, l’évocation des « Oracles » et des « Prophéties » (lignes 37 et 40) nous plonge dans un surnaturel à l’aide d’une communication d’ampleur divine propre aux religieux et aux poètes.

        Cette entrevue, est de toute évidence étonnante de par son caractère fantastique, magique et quelque peu poétique mais on peut aussi l’affirmer grâce aux réactions du Dyrcona qui reste complètement stupéfait face à la situation qu’il est en train de vivre. Entre stupeur, frayeur et mutisme, l’ancien condamné à mort semble réagir de manière assez négative à la découverte de cette étrange forêt et de ses habitants. L’extrait commence sur un lourd silence d’un quart d’heure : « je n’entendis plus le moindre bruit », ce qui paraît assez inquiétant dans un lieu inconnu où la vie est sensée se manifester par des bruits d’animaux par exemple. Ici, le calme règne, créant une atmosphère initiale angoissante qui va être d’autant plus renforcée par l’apparition de voix non-identifiées perçue comme un danger possible pour le seul Homme de ce globe solaire. En effet, Dyrcona avoue s’être abandonné à l’emprise de « l’horreur » (ligne 23) de manière prompte mais effective. Il ajoute ensuite avoir été « consterné » par l’évènement. Il semble être passif et subir la situation, les voix « parvin(rent) à (son) oreille » de manière soudaine et il ne perçoit pas la provenance de celles-ci. La source de son angoisse est donc évidente : il ne parvient pas à identifier la nature des voix et à qui elles appartiennent : « J'avais beau distribuer ma vue de tous les côtés, je ne découvrait point d’où pouvait provenir cette parole ». Le personnage est donc effrayé face à l’inconnu qu’il perçoit malgré lui comme dangereux. Sa seule intervention orale ne sera que de supplier les entités parlantes pour qu’elles lui révèlent où elles se trouvent et ainsi lever ce mystère angoissant. Dyrcona se met en retrait après cette demande, la parole est entièrement laissée aux arbres et l’homme s’efface ainsi devant la nature.

...

Télécharger au format  txt (19.6 Kb)   pdf (96.8 Kb)   docx (301.6 Kb)  
Voir 13 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com