Commentaire Electre, Giraudoux, acte II, scène 9

Commentaire : Electre, Jean Giraudoux, acte II, scène 9 (1937)

La règle de la bienséance du théâtre classique veut que les meurtres et actes sanglants soient absents des scènes. Le XIX° siècle s'accompagne du mouvement romantique qui enfreint certaines règles littéraires trop strictes, notamment en présentant des morts sur scène. Cependant au XX° siècle, Giraudoux mélange traditions antiques et règles classiques avec sa réécriture du mythe d'Électre. Cette avant-dernière scène présente le mendiant qui prend la place du Choeur grec en racontant la vengeance des enfants de Clytemnestre, Oreste et Électre, au nom de leur père qui décide d'ôter la vie de leur mère. Nous nous demanderons dans quelle mesure cette scène répond-elle aux caractéristiques attendues pour un dénouement. Pour ceci, nous allons voir dans un premier temps l'efficacité du dénouement puis nous verrons que celui-ci est très complexe.

Cette scène de dénouement est très efficace grâce à différents procédés utilisés par Giraudoux montrant à quel point cette vengeance est flagrante.

Le mendiant possède le rôle de récitant, sa tirade s'effectue de manière diégétique, il raconte les faits au lieu de les voir joués. Il sert donc de messager pour expliquer au public ce qui se passe au même moment en coulisses, cette méthode de narration s'inscrit dans la tradition antique. Le choix du personnage comme narrateur est intéressant et dévoile un caractère de la modernisation, en effet le mendiant est à mi-chemin entre marginalité et oracle. «Il ne la touchera jamais plus» l.3 prend une connotation omnisciente, on peut se rendre compte que le mendiant connait le passé et le futur. Le personnage se fait moraliste en énonçant une maxime telle que «Tout est sensible et mortel chez une mère, même indigne» l.10. De même, il se permet de juger les autres personnages «Il a eu tort» l.3 en évoquant l'acte d'Oreste. «Elle avait raison» l.14 converge vers la même idée, le mendiant commente les gestes de Clytemnestre au nom du destin. On comprend que le mendiant a un rôle très important dans ce dénouement et modernise à tout point de vue le mythe.

Nous pouvons aussi remarquer que le récit est sanglant, cependant il respecte la bienséance. Dès le début de sa tirade, le mendiant compare Clytemnestre à une bête qu'on saigne, ce qui affecte une certaine attitude animale à la femme. Des verbes tels que «saigner», «crier» et «tuer» sont répétés sous forme de polyptote car ils possèdent la même forme. De plus, on note une épiphore qui provoque un effet de rythme à la tirade et souligne ces verbes utilisés. Ces termes forts sont mis en valeur et permettent d'insister sur la brutalité d'Oreste qui tue sa mère. La narration des actes d'Oreste se font avec énormément de détails ce qui propose des sensations visuelles et auditives.

De nombreux effets visuels se développent et accentuent la mort violente présentée dans cette scène. Le mendiant indique aux spectateurs des informations sur ce qui est entrain de se passer avec «voici» l.1, cela montre à niveau que c'est un narrateur interne et omniscient. Chaque détail est précisé afin que le spectateur se visualise la scène à travers le récit du mendiant sans la voir réellement devant lui. Tous ces éléments sollicitent la mort violente présentée ici, de surcroît «Il avait frappé au hasard sur le couple» l.9 montre la brutalité et la haine d'Oreste qui l'anime envers sa mère qui a tué, vingt ans auparavant, son père Agamemnon.

Nous avons vu à quel point cette scène est efficace dans son dénouement, cependant ce dernier est assez complexe.

On remarque un certain brouillage temporel dans le récit raconté par le mendiant. L'extrait étudié propose les temps du passé

...