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Commentaire De Texte: Giraudoux, Ionesco, Montalbetti

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Par   •  12 Mai 2013  •  2 728 Mots (11 Pages)  •  855 Vues

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Sujet 1 : commentaire de texte

Introduction

Doté d'une solide culture classique, Jean Giraudoux est un familier des grands mythes de l'Antiquité et va en proposer une réécriture moderne, éclairée par les préoccupations des hommes du xxe siècle, à travers des pièces comme La guerre de Troie n'aura pas lieu, Électre ou encore Amphitryon 38. C'est en 1929 que Giraudoux publie cette dernière en trois actes, ainsi dénommée parce que l'auteur considérait qu'elle était la trente-huitième version de ce mythe thébain déjà repris par Molière, pour ne citer que la plus connue. Dans le récit légendaire, Jupiter, le maître des dieux, doit engrosser Alcmène, épouse du roi de Thèbes, Amphitryon, pour faire naître Hercule. Dans la comédie de Giraudoux, Jupiter aime en Alcmène l'amour humain qu'elle porte à son époux, et son indéfectible fidélité le trouble. Pour parvenir à ses fins et tromper Alcmène, il lui faut trouver un stratagème, et il s'y emploie en envoyant Amphitryon à la guerre et en prenant sa forme humaine. Il charge Mercure, incarné en Sosie, serviteur du général Amphitryon, d'annoncer à la reine que son mari reviendra secrètement passer la nuit auprès d'elle, ce qu'elle croit.

Au début de la scène 5 de l'acte I, Jupiter s'apprête à se présenter devant Alcmène, croyant avoir réussi une parfaite métamorphose, mais Mercure l'arrête : « On devine le Dieu à vingt pas », il lui faut donc peaufiner sa transformation avec l'aide de celui-ci, déjà entré dans la peau de Sosie, qui joue ici le rôle d'un serviteur dévoué et complice. Dans ce dialogue théâtral entre dieux, Mercure joue le rôle d'un guide qui doit aider Jupiter à s'humaniser, c'est-à-dire à condescendre à se glisser dans la peau d'un humain ordinaire avec toutes ses imperfections. C'est donc surtout l'occasion pour l'auteur de glisser quelques commentaires piquants et savoureux sur ce qui définit l'homme.

Nous nous demanderons comment Giraudoux parvient à tirer parti de cette situation pour nous faire sourire tout en nous invitant à une réflexion sur notre condition. Nous nous attacherons tout d'abord à voir dans cet échange une scène de comédie piquante et savoureuse, puis nous verrons en quoi il conduit à une réflexion profonde, tout en restant légère, sur la condition humaine.

I. Une scène de comédie savoureuse et piquante

1. Des dieux de l'Olympe… descendent sur Terre

Des dieux, habituellement affectés comme les nobles héros à l'univers tragique, deviennent ici des personnages de comédie. Jupiter, le maître des dieux, et Mercure, leur messager, s'apprêtent à vivre des aventures platement terrestres. Jupiter se prépare, en essayant laborieusement de s'incarner dans « un corps d'homme », sans se montrer d'emblée à la hauteur. On peut noter la reprise insistante du terme « homme » répété cinq fois par ces bouches divines, et en particulier au début de l'échange, où l'idée de s'incarner en « homme » apparaît comme un exploit, un défi compliqué que le maître des dieux a du mal à relever. En répondant « pas encore » à la question de Jupiter, Mercure lui signifie qu'il a des progrès à faire et qu'il va lui falloir mieux s'appliquer, ce à quoi il s'emploie en répétant consciencieusement : « […] je vais mourir, je vais mourir ». C'est d'autant plus compliqué qu'on travaille dans l'urgence comme le lui rappelle Mercure un peu plus loin et de manière impérative : « votre cerveau […] Il convient d'y remplacer d'urgence les notions divines par les humaines […] ». Autrement dit, il lui faut très vite se mettre d'autres idées dans le crâne ! Ce n'est qu'à la fin de l'échange, au terme d'un apprentissage laborieux, après avoir dû procéder à un certain nombre d'ajustements : apprendre à « vieillir », à trouver le bon rythme du cœur en ménageant ses « ventricules » (ce que l'on peut comprendre au sens purement physique ou au sens amoureux pour ce séducteur insatiable qu'il est) que Jupiter s'entend dire : « Alors vous voilà vraiment homme !… Allez-y. » Il peut enfin se présenter devant Alcmène et Mercure peut s'effacer comme l'indique la didascalie finale « Mercure disparaît ». On est là face à un comique de situation.

L'échange verbal est loin aussi d'être à la hauteur du langage des dieux, et du ton de la tragédie. On peut noter la trivialité des préoccupations, focalisées d'abord sur le corps et ses désagréments : cheveux qui poussent, ongles qui s'allongent, rides qui se creusent, ventricules qui s'affolent. À moins que ce soit le souci de coquetterie qui prime avec « le désir de séparer [les] cheveux par une raie et de les maintenir par un fixatif ? ». Cette question incongrue créant un comique de contraste, vient de fait s'intercaler entre deux questions existentielles et semble venir en ajouter une autre, après la question « c'est tout ? » de Jupiter. Et l'on tombe franchement dans la farce à imaginer l'allure de bellâtre gominé du pauvre Jupiter coiffé à la mode masculine des années vingt ! En outre, l'expression est volontiers empreinte de familiarité : Mercure, dieu du commerce et des voyages, il est vrai, utilise des interjections, comme un conducteur qui veut calmer son attelage : « Oh ! Oh ! Un peu vite ! […] Là, là, plus lentement… », ou encore des encouragements d'entremetteur : « Allez-y ! »

2. Maître et valet de comédie : un renversement comique des rôles

Ce face-à-face entre Jupiter et Mercure fait penser au couple de comédie, tel qu'on le rencontre dans les pièces de Molière, Marivaux ou Beaumarchais. Comme dom Juan avec Sganarelle, Jupiter recourt aux services de Mercure-Sosie pour qu'il serve ses desseins amoureux et, tout naturellement, ils reproduisent les rapports de classe de l'époque, puisque Jupiter tutoie Mercure, tandis que Mercure vouvoie Jupiter avec toute la distance due à un maître. Mais ce qui fait sourire, c'est l'inversion du rapport de force traditionnel : Jupiter, le maître des dieux, est ici en position de faiblesse et demande de l'aide à Mercure. Au début de l'échange, ses interrogations traduisent son ignorance de la condition humaine, ce qui est un comble pour un dieu tel que lui ! Leur formulation marque son souci de recueillir l'assentiment

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