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Commentaire Composé D'un Extrait Des Confessions de Rousseau

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Par   •  3 Mars 2014  •  2 042 Mots (9 Pages)  •  1 347 Vues

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Considéré souvent comme le reflet d’un désir d’effusion et d’un plaisir d’épanchement, l’aveu repose essentiellement sur une extériorisation dont les sources sont diverses et multiples. L’exemple le plus signifiant nous est fourni à travers le souvenir constituant, au moins depuis Platon, l’une des portes d’accès les plus sûres à l’idéal. Toutefois, si la mémoire garde, dans une perspective platonicienne, des traces de l’Idée, à la fois pure et immuable, elle s’avère associée chez Rousseau à un paradis originel que nous devons reconquérir, après l’avoir perdu. Ce texte illustre, en effet, une manière de le retrouver prosopopée par l’auteur des Confessions. Il s’agit de l’enfance. Après un moment passé à Bossey marqué par l’épisode de la fessé et du peigne cassé, le narrateur revient sur ce séjour, tout en insistant sur le plaisir de la réminiscence, ses mécanismes et ses vertus. Voilà pourquoi, nous interrogerons ce retour aux origines, puis nous analyserons les spécificités du passé décrit et le plaisir qui va avec, avant d’examiner le type de relation entre l’auteur et son lecteur.

Hanté par la quête des origines, Rousseau s’interroge sur le surgissement des souvenirs, ses conditions et ses effets. Il part d’un constat et examine les motifs qui se cachent derrière ce passage de l’oubli au rappel. Aussi le narrateur n’oppose-t-il pas de manière schématique et sommaire la vieillesse à l’enfance. Car, paradoxalement, le déclin de l’âge revigore le souvenir. Pour décrire cette articulation, il emploie, dès le début, des structures temporelles parallèles. «depuis ma sortie de Bossey, depuis qu’ayant passé l’âge adule ». L’usage des compléments circonstanciels de temps traduisent, en effet, ce souci du temps, lequel souci mène inéluctablement à l’analyse de la situation actuelle. En témoigne l’omniprésence du présent de l’indicatif : « près de trente ans se sont passés, je décline vers la vieillesse, je sens que ces mêmes souvenirs renaissent… » De plus, les verbes de mouvement comme passer ou décliner rendent compte d’une certaine perception du temps considérée, non pas comme statique, mais plutôt comme dynamique, changeante, voire bouleversante. A vrai dire, le narrateur suit un processus évolutif où l’âge et la mémoire tiennent des relations extrêmement complexes.

L’emprise des souvenirs est tellement prégnante que Rousseau lui confère les attributs d’un être libre et autonome. Rappelons ce recours permanent aux verbes pronominaux, notamment « s’effacer et s’aggraver » mais surtout cette description anthropomorphique, où les souvenirs sont désormais pourvus de « traits dont le charme et la force augmentent de jour en jour ». La force que nous retire l’âge s’avère contrebalancée par celle que gagne le souvenir. Aussi la décrépitude mène-t-elle à la renaissance et la faiblesse à la vigueur. Toujours est-il que cette mémoire qui ne suit pas le temps s’inscrit dans le temps. Elle ne triomphe sur lui qu’en s’opposant non pas à son principe, puisqu’il est processus, mais à ses manifestations.

Ainsi, la conscience aigüe de l’état présent va de pair avec l’extrême sensibilité au souvenir renaissant. En d’autres termes, la conscientisation du narrateur de ses souvenirs par le biais du langage et de l’écriture se révèle précédée par l’émotion. Le rapport à la mémoire n’est pas autant réfléchi que senti. Rien n’est plus expressif à cet égard que l’usage du verbe sentir, à deux reprises dans le premier paragraphe : je sens, sentant déjà la vie qui s’échappe. C’est à la toute majesté de la raison discursive que l’auteur s’attaque, réconciliant ainsi l’être avec la sensation et la subjectivité avec ses affects. Aussi le sentiment n’est-il pas un pur produit spéculatif mais plutôt un grand moteur productif. D’où la gradation : « je sens que ces mêmes souvenirs renaissent…je me rappelle toutes les circonstances des lieux, ces personnes, des heures…je vois la servante ou le valet…je vois tout l’arrangement ». Générer des visions passe inéluctablement par la génération des sentiments, eux-mêmes soumis à une sensibilité plus grande et à un désir plus ample, à savoir la recherche des commencements. En témoigne cette phrase : « comme si, sentant déjà la vie qui s’échappe, je cherchais à la ressaisir par ses commencements. » Rousseau examine non seulement les raisons patentes, mais aussi celles qui semblent latentes derrière le surgissement du souvenir. En véritable généalogiste, il remonte à plus profonde de ses hantises qu’est la des origines et l’avance comme postulat à ce retour au passé. Rien n’est plus expressif à cet égard que la structure hypothétique « comme si » et l’opposition des verbes « s’échapper » et « ressaisir » créant une double articulation entre une perte apparente et un gain plus insaisissable et plus évident parce que réellement vécu et singulièrement senti.

De ce fait, cette quête des origines s’avère inséparable de la quête d’une connaissance de soi fondée sur ce retour au passé et aux souvenirs dont la représentation semble indispensable aux enjeux narratifs et spéculatifs du personnage.

Il est indéniable que Rousseau demeure conscient et des mécanismes de la mémoire et de ses limites. Il la conçoit comme autonome et la présente comme sélective. Au moment où certains souvenirs « renaissent », d’autres « s’effacent ». Toujours est-il que quelque soit le moment vécu, le narrateur le revit dans toute sa clarté. Soulignons le passage du verbe « se rappeler » au verbe « voir ». Sentir le passé, c’est le revoir, et le revoir, c’est le faire exister. A vrai dire, le moment passé est vécu comme s’il était présent et décrit comme s’il était immédiatement perçu. Ainsi le verbe « voir » abolie-t-il le temps « qui s’échappe » afin d’inscrire la subjectivité dans un autre retrouvé, celui des commencements. Soulignons le passage du général au particulier. L’adjectif « tout » associé à un effet d’accumulation créé par l’agencement de l’ensemble des éléments nécessaires à la reconstruction d’un décor, notamment « les circonstances des lieux, des personnes, des heures » prépare une description, d’où l’ensemble repose sur le passage du général au particulier. Les phrases sont relativement longues et leur symétrie mime ce flux de rappels ininterrompus. Voilà pourquoi la description oscille entre l’infiniment grand et l’infiniment petit.

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