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Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Fiche de lecture : Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Mai 2014  •  Fiche de lecture  •  3 158 Mots (13 Pages)  •  902 Vues

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Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Correspondances : un art poétique idéaliste

Par Jean-Luc. | Version pdf.La Nature est un temple où de vivants piliersLaissent parfois sortir de confuses paroles ;L’homme y passe à travers des forêts de symbolesQui l’observent avec des regards familiers.Comme de longs échos qui de loin se confondentDans une ténébreuse et profonde unité,Vaste comme la nuit et comme la clarté,Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,Ayant l’expansion des choses infinies,Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.Baudelaire, Les Fleurs du Mal, IV.

Introduction

Charles Baudelaire, dans son recueil de poèmes Les Fleurs du mal, œuvre novatrice mais provocante publiée en 1857, confère au poète un rôle nouveau d’intermédiaire entre la Nature et l’homme. Le début du recueil expose la situation difficile de l’artiste dans le monde bourgeois positiviste et étriqué du Second Empire : ainsi est-il maudit dans « Bénédiction », exilé, rejeté par le monde dans « L’Albatros ». Mais dans le sonnet« Correspondances », le poète renoue avec la fonction romantique du mage. En effet, Baudelaire est persuadé que seul le poète peut percevoir intimement le monde sensible, sa première source d’inspiration. Ici, le poète ouvre dans la méditation sur la Nature une nouvelle voie de connaissance en même temps qu’il invente ou plutôt affine les expressions novatrices qui lui permettront de rendre compte de cette expérience mystique. Le poète livre une méthode, celle des synesthésies, c’est-à-dire des équivalences sensorielles. Les outils littéraires aptes à rendre compte de cette démarche sont essentiellement les figures d’images : comparaisons et métaphores. Le sonnet « Correspondances » est donc d’abord un poème didactique organisé selon la progression logique propre à ce type de texte : l’instauration de la relation, les correspondances dans la nature elle-même, enfin les parfums dont seul le poète peut discerner les significations. Baudelaire utilise habilement la structure du sonnet : les deux quatrains constituent le temps théorique, les deux tercets livrent le développement d’équivalences. Ainsi « Correspondances » se présente-t-il comme un véritable « art poétique », c’est-à-dire la formulation d’un projet esthétique en même temps que son illustration par l’exemple.

I. Une vision idéaliste du monde : le naturel et le surréel

La nature est présentée comme un lieu sacré. Il ne s’agit pas ici de la campagne même si la Nature est ensuite comparée à une forêt. Baudelaire envisage l’univers perceptible par nos sens. La Nature est évoquée sous la forme du temple, lieu de communication privilégié entre notre existence et l’au-delà. Baudelaire renvoie peut-être à la pythie de Delphes dont les propos obscurs pour le commun des mortels étaient compréhensibles seulement pour les prêtres (le poète) qui les traduisaient à destination des fidèles.Le premier quatrain est bâti sur la double métaphore filée du temple et de la forêt. La constitution de l’univers sensible est rendue par des références à l’enceinte sacrée de l’architecture grecque ou égyptienne. Notre existence terrestre constitue seulement le téménos, sa signification et sa réalité ultime ne peuvent être assumées que dans l’ombre propice et mystérieuse du sanctuaire où trône la divinité. De même la Nature sensible est évoquée par la forêt, lieu impénétrable par excellence, lui aussi marqué par l’ombre et la présence d’une vie secrète. Ce dernier thème invite également à l’élévation vers l’au delà. En effet l’arbre est le trait d’union entre la terre où s’implantent ses racines et le ciel vers lequel s’élancent ses branches. Les deux comparants sont réunis par l’analogie des « vivants piliers » en forme d’oxymoron. Les troncs rectilignes des arbres rappellent les fûts des colonnes. La forêt devient une cathédrale végétale. La Nature se définit par la symbiose des différents domaines antinomiques évoqués : la minéralité de l’architecture, le dynamisme du vivant, la vie secrète du mystère. La Nature est un Tout complexe, non réductible à ses aspects positivistes. Aussi l’artiste nous invite-t-il à entrer dans le lieu sacré en allant au-delà des apparences sensibles. Tout est « symboles », ce qui est renforcé par la rime sémantique « paroles ». Le poète est bien celui dont la mission est d’employer le langage au service du mystère indicible.Ce nouvel ordre du monde perçu intuitivement, cette continuité entre les états de la Nature sont évoqués par deux enjambements. La fluidité des alexandrins qui se succèdent par paires souligne cet équilibre subtil des deux versants du symbole. Aucun obstacle ne vient déranger l’équilibre de cette unité fondamentale. Les assonances en « I » de la fin du premier vers, les « vivants piliers », confèrent une énergie particulière à l’oxymore et soulignent la personnification du minéral.Si la nature semble un temple pérenne, l’homme en revanche ne fait que « passer ». L’homme appartient à un règne éphémère. La cadence des deux derniers alexandrins en forme de tétramètres souligne l’harmonie entre cette Nature éternelle et ce voyageur en escale. Les symboles sont curieusement des « regards familiers ». Cette expression mérite qu’on s’y attarde. Pour Baudelaire, la Nature est habitée par une présence intelligente qui parle à l’intelligence humaine. L’initiative n’appartient pas à l’homme, ce n’est pas l’homme qui, le premier, découvre la surréalité par son regard intérieur. Il est « observé », accompagné de manière bienveillante, et ainsi invité à entrer dans le mystère. Baudelaire rompt avec la tradition de l’effroi sacré. La patrie de l’artiste est l’invisible, l’indicible.

Les correspondances verticales

L’artiste est invité à décrypter les signes. Ce langage, comme les hiéroglyphes des temples égyptiens, est difficile à interpréter. La représentation en cache le sens. Ce sont les « confuses paroles ». Cette relation entre l’homme et le mystère de la Nature reste d’abord occasionnelle,

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