Apollinaire « Eau de vie ». Dans quelle mesure ce titre vous parait-il convenir à Alcools ?

DISSERTATION

Le premier titre choisi par Apollinaire pour son recueil était « Eau de vie ». Dans quelle mesure ce titre vous parait-il convenir à Alcools ?

Dans le poème « Zone », Guillaume Apollinaire écrit "Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie / Ta vie que tu bois comme une eau de vie", ces deux vers font écho avec le titre choisi initialement pour son recueil : « Eau de vie ». Au Moyen-Age l’eau-de-vie était considérée comme l’eau qui redonne la vie aux malades. Avec ce titre, le poète fait un jeu de mot entre l’alcool et la vie qui s’écoule, ce qui peut d’ailleurs nous rappeler « Le pont Mirabeau ». Cependant peut-on dire que Alcools représente la vie de Guillaume Apollinaire ? Nous verrons tout d’abord comment la vie de Guillaume Apollinaire est retracée à travers ses poèmes, puis en quoi il serait restrictif de qualifier cette œuvre d’autobiographique, pour enfin se demander si nous devons nécessairement catégoriser une œuvre.

Le recueil Alcools est fait de poèmes écrits entre 1898 et 1913, c’est donc 15 années d’écriture qui sont réunis dans cet ouvrage, des 18 ans jusqu’aux 33 ans du poète. Apollinaire a choisi de ne pas disposer ses poèmes dans un ordre chronologique mais à l’intérieur de chacun d’eux on retrouve, à travers les vers, une période de sa vie, un voyage, une déception amoureuse, ou encore son incarcération… Sa principale inspiration est donc en réalité lui-même puisque ses poèmes sont tous basés sur ses sentiments, ses ressentis. Certains critiques ont qualifié le recueil Alcools de « fourre-tout » mais il est aussi possible de voir cette lecture fragmentée comme un miroir brisé ou chaque éclat de verre serait en réalité un extrait de sa vie, une pièce du puzzle pour comprendre qui était Apollinaire.

On peut d’ailleurs remarquer la présence des deux femmes de sa vie dans la section « Rhénanes ». Au cours de son voyage en Allemagne, il devient précepteur dans une grande famille allemande et tombe amoureux de Annie Playden ; il considère cette période comme l’une des meilleures de sa vie. Puis, son anéantissement après leur rupture sera terrible, il la poursuivra à Londres pour tenter de la retrouver. Il écrit à ce sujet « La chanson du Mal-Aimé » dans laquelle il prend conscience de l’aspect illusoire de la relation « Au moment où je reconnus/La fausseté de l’amour même ». Pour Marie Laurencin le deuxième amour de sa vie, il écrira aussi un poème en son honneur : « Marie » dans lequel il déclare ses sentiments à son égard : « Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine ».

D’autres moments plus difficiles sont aussi évoqués tel que son incarcération à la prison de la Santé pour complicité de vol. Cet condamnation lui inspire la section « A la santé » composé de 6 poèmes représentant ces 6 jours enfermés. On y retrouve le déroulement de cette période traumatisante : « Il a fallu me mettre nu » (poème I) « Chaque matin je me promène/Tournons tournons tournons toujours » (poème III), « Que je m’ennuie entre ces murs nus » (poème IV) … Il aborde également quelques souvenirs de sa jeunesse, comme dans « La porte » écrit en 1899 lorsque sa mère est ruinée et qu’il est alors portier : « La porte de l’hôtel sourit terriblement / Qu’est-ce que cela peut me faire ô maman ».

Alcools retranscrit effectivement la vie d’Apollinaire néanmoins peut-on vraiment dire que l’écriture du poète était autobiographique ? Ne serait-il pas réducteur que de renfermer Alcools dans ce genre ?

Alcools évoque avant tout des thèmes bien plus généraux tel que le désir de consommer la vie, ou encore les différentes formes d’ivresse. Pour cela, Apollinaire cherche tout d’abord à traiter des sujets pouvant résonner chez chacun, tel que l’amour dans des poèmes comme « L’adieu » dans lequel on retrouve une forme d’espoir : « Et souviens-toi que je t’attends ». Dans ses poèmes les plus connus, on distingue « Le pont Mirabeau » ou « La chanson du Mal Aimé » qui illustrent le désespoir après une fin de relation. Ces poèmes-ci montrent alors la capacité de l’auteur à utiliser ses sentiments pour faire raisonner la

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