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Analyse linéaire de l'incipit de La Morte Amoureuse de Théophile Gautier

Commentaire de texte : Analyse linéaire de l'incipit de La Morte Amoureuse de Théophile Gautier. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Juillet 2017  •  Commentaire de texte  •  3 050 Mots (13 Pages)  •  5 745 Vues

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LA MORTE AMOUREUSE

Théophile Gautier

Nouvelles, 1897

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Incipit

Vous me demandez, frère, si j’ai aimé ; oui. — C’est une histoire singulière et terrible, et, quoique j’aie soixante-six ans, j’ose à peine remuer la cendre de ce souvenir. Je ne veux rien vous refuser, mais je ne ferais pas à une âme moins éprouvée un pareil récit. Ce sont des événements si étranges, que je ne puis croire qu’ils me soient arrivés. J’ai été pendant plus de trois ans le jouet d’une illusion singulière et diabolique. Moi, pauvre prêtre de campagne, j’ai mené en rêve toutes les nuits (Dieu veuille que ce soit un rêve !) une vie de damné, une vie de mondain et de Sardanapale. Un seul regard trop plein de complaisance jeté sur une femme pensa causer la perte de mon âme ; mais enfin, avec l’aide de Dieu et de mon saint patron, je suis parvenu à chasser l’esprit malin qui s’était emparé de moi. Mon existence s’était compliquée d’une existence nocturne entièrement différente. Le jour, j’étais un prêtre du Seigneur, chaste, occupé de la prière et des choses saintes ; la nuit, dès que j’avais fermé les yeux, je devenais un jeune seigneur, fin connaisseur en femmes, en chiens et en chevaux, jouant aux dés, buvant et blasphémant ; et lorsqu’au lever de l’aube je me réveillais, il me semblait au contraire que je m’endormais et que je rêvais que j’étais prêtre. De cette vie somnambulique il m’est resté des souvenirs d’objets et de mots dont je ne puis pas me défendre, et, quoique je ne sois jamais sorti des murs de mon presbytère, on dirait plutôt, à m’entendre, un homme ayant usé de tout et revenu du monde, qui est entré en religion et qui veut finir dans le sein de Dieu des jours trop agités, qu’un humble séminariste qui a vieilli dans une cure ignorée, au fond d’un bois et sans aucun rapport avec les choses du siècle.

Oui, j’ai aimé comme personne au monde n’a aimé, d’un amour insensé et furieux, si violent que je suis étonné qu’il n’ait pas fait éclater mon cœur. Ah ! quelles nuits ! quelles nuits !

Trois mouvements dans l'extrait :

I- La réponse du prêtre.

 

« Vous me demandez […] qu'il me soient arrivés »

II- Court récit de son aventure.

« J'ai été […] que j'étais prêtre. »

III- Paradoxe de la vie du prêtre.

« De cette vie […] quelles nuits ! »

Problématique :

Comment Théophile Gautier établit-il le pacte de lecture dès les premières pages ?

Introduction

La nouvelle est un un court récit qui naît en France dès le Moyen Age avec les fabliaux, les lais, les dits et qui les remplace rapidement.

En 1558, Marguerite de Navarre donne au genre de la nouvelle ses première lettres de noblesse avec l'Heptaméron.

Au XIX°siècle, rares sont les auteurs qui ne s'essayent pas à la nouvelle. Balzac, Flaubert, Stendhal, Barbey d'Aurevilly sont des auteurs parmi tant d'autres.

Parmi eux, Théophile Gautier, fondateur du Parnasse, écrit très jeune, dès 1831 ses premières nouvelles. Il développera une veine fantastique qui teintera la majorité de ses nouvelles. « La Morte Amoureuse » est extrait du recueil de conte Une larme du Diable, publié en 1839.

Paru en 1836 dans la Chronique de Paris, La morte Amoureuse est une nouvelle fantastique qui met en scène le récit du prêtre Romuald qui à la fin de sa vie revient sur un épisode étrange qui dura plus de trois ans quelque temps après son ordination. Clarimonde, courtisane s'éprend de Romuald le jour même de ses vœux. Il vivra à partir de là une existence bicéphale, homme d'église le jour et seigneur de Venise, amant de Clarimonde la nuit. Romuald se rendra compte que Clarimonde boit son sang lorsqu'il s'endort. Et avec l'aide du père Sérapion, il se rendra sur la tombe de son amante, qui gît, un mine filet de sang aux lèvres.  Le vampire sera exorcisé.

L'extrait que nous nous proposons d'étudier est l'incipit de la nouvelle. Comment le pacte de lecture est-il scellé entre le narrateur et le lecteur ? Comment le narrateur parvient-il à exciter le lecteur sur le récit d'un prêtre de soixante-six ans ?

Le titre est une périphrase pour qualifier Clarimonde. Il donne le ton de la nouvelle : fantastique. Théophile Gautier écrit cette nouvelle cinquante ans avant le Dracula de Bram Stocker. Le terme de vampire n'est pas employé même si c'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Ce qui semble étrange, c'est l'association de la Mort et de l'Amour. Dès le titre, on comprend que c'est une nouvelle fantastique et romantique que l'on s'apprête à lire, et la périphrase interpelle le lecteur, qui n'a plus qu'une envie, rencontrer cette « morte amoureuse ».

La nouvelle commence  par le pronom personnel de la deuxième personne du pluriel « vous » et par la reprise d'une question qui a été posé précédemment au narrateur.

« Vous me demandez, frère, si j'ai aimé ; ». Le pronom « vous » représente donc la personne qui a posé la question. On peut imaginer qu'il s'agit d'un autre homme de Dieu car frère est le terme religieux de l'appartenance à un ordre. On peut aussi y voir le terme qui désigne son lecteur, comme le fera en 1857 Charles Baudelaire dans le premier poème des Fleurs du Mal, par ailleurs dédicacé au poète impeccable qui n'est d'autre que Théophile Gautier », « Au lecteur »  qui se termine ainsi : « Hypocrite lecteur, mon semblable! mon frère ! ». Il est important de noter que ce mot est dans la première phrase de la nouvelle et au milieu de celle ci, comme pour lui donner de l'importance. On retrouvera ce dénominatif à la fin de la nouvelle, dans les dernières phrases : « Voilà, frère, l'histoire de ma jeunesse ».

L'autre mot important est l'affirmation du prêtre. Ce « oui », qui garde la place finale, répond à la question posée : « Avez vous aimé ? »

Le lecteur comprend dés lors que le titre de la nouvelle : le narrateur était aimé de la morte amoureuse, et il l'aimait en retour.

Romuald va ensuite présenter son aventure avec deux adjectifs qualificatifs : « singulier et terrible ». Ces deux adjectifs piquent la curiosité du lecteur, car le narrateur s'apprête à raconter une histoire unique, étrange, curieuse et dans le même temps une histoire qui inspire la terreur, la crainte. Il fut noter l'alitération en « r » : histoiRe, singulièRe, teRRible  qui renforce l'effet sur le lecteur : l'intriguer et peut être aussi introduire la crainte.

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