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Analyse linéaire d'un passage des Mémoires de Beauvoir

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Par   •  2 Février 2019  •  Commentaire de texte  •  1 783 Mots (8 Pages)  •  741 Vues

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Maraval Maude

TD Genre Narratif

COMMENTAIRE LINEAIRE SUR L’EXTRAIT

Des Mémoires D’une Jeune Fille Rangée :

L’extrait se situe dans la troisième partie des Mémoires, dans laquelle Simone entre dans les études supérieurs, et se détache peu à peu de sa famille ; la relation avec ses parents se détériorent, elle ne supporte plus le cercle familial très fermé et a l’impression d’étouffer au sein du foyer. Cette atmosphère entraine son mal à être et sa grande solitude. Dans l’extrait, elle se confie sur son malheur à son cousin Jacques avec qui elle entretient une forte amitié ambiguë puisqu’elle s’interroge sur ses sentiments pour lui et même sur un futur projet de mariage avec lui. On peut distinguer trois mouvements dans le texte : le premier mouvement s’étend du début à « brutale rechute », ligne 8, dans lequel Simone conte le retour de Jacques à Paris, et son appréhension de le voir qui traduit une certaine angoisse affective. Cependant, dans le deuxième mouvement, qui va de « Notre entrevue me ravie » à « nous nous marierons », son angoisse disparait, elle trouve du réconfort auprès de Jacques, qui prend le rôle de confident ; elle s’enthousiasme même sur leur potentiel projet de mariage. Mais ce sentiment ne dure pas, et dans le troisième mouvement, qui commence par « Mais décidément quelque chose clochait » et se termine à la fin de l’extrait, Simone doute à nouveau, remet en question la véracité de ses sentiments pour son cousin, et son avenir avec lui qui devrait se conditionner par un mariage. En écrivant sur angoisses personnelles, Simone dépeint alors un aspect social de la société bourgeoise du XXème, la réalité d’une femme bourgeoise, qui doit se marier pour entrer dans la norme, et qui doit remplir le rôle d’épouse afin d’être en accord avec les codes de la classe sociale à laquelle elle appartient. En quoi cet extrait est-il révélateur de l’angoisse affective de Simone de Beauvoir, qui témoigne en fait d’une angoisse plus profonde, celle de ne pas se sentir rangée dans sa condition féminine bourgeoise ?

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L’extrait étudié débute par un nouveau paragraphe et souligne ainsi qu’un nouveau élément va apparaitre dans le récit : il s’agit ici du retour de Jacques à Paris, qui semble ébranler Simone. Nous savons que Simone éprouve pour lui une grande affection, et cette affection la submerge quelque peu. En effet, l’importance du marquage temporel est présent : « fin de janvier » ; « dès le lendemain », ce qui montre que le quotidien est modifié par ces évènements. Jacques « sonna à la maison », il est donc très proche du cercle familial, et n’hésite pas à s’inviter, il fait une intrusion dans le quotidien de Simone. Par la suite, on apprend qu’il veut une photo de Simone, et témoigne ainsi son attention à son égard. Nous avons la confirmation que les sentiments sont réciproques pour les deux personnages, Simone aussi en est consciente. Elle ajoute que « jamais sa voix n’avait eu des inflexions aussi caressantes » quand il lui demande la photo, ce souvenir avait donc marqué ses sens, et devait la charmer. Le terme « caressante » a un caractère sensuel  et participe à une synesthésie puisque le touché est allié à l’ouïe, ce qui montre bien l’ambiguïté de leur relation. Enfin, une partie du récit du quotidien est écarté après l’invitation de Jacques chez elle, Simone passe tout de suite à un évènement qui se déroule huit jours plus tard : « Je tremblais lorsque huit jours plus tard », dans lequel elle va chez lui, cette fois-ci. Ce changement de rôle – « je sonnai à sa porte » -  la rend nerveuse, elle a l’impression que ses sentiments vont se modifier. En effet, elle écrit qu’elle « redoutait une brutale rechute », mais ne s’exprime pas sur ce qui va exactement chuter : cela laisse à penser qu’elle croit que son affection pour lui va être transformée quand elle va le voir, elle éprouve une instabilité affective. Par ailleurs, « brutale rechute » est une expression très violente, qui a un caractère un peu bestial de par l’étymologie du mot « brutal » est dérivé du latin « brutalis » qui signifie « bête », apposé  au terme de la chute, qui est synonyme de noirceur et d’angoisse tout au long de l’ouvrage. Cette angoisse est traduite physiquement par Simone, qui « tremblait ».

Ainsi, ce premier mouvement manifeste l’angoisse de Simone. Elle-même très attachée à Jacques, elle ressent la réciprocité des sentiments de ce dernier, mais n’arrive pas à effacer les doutes qui concernent cette relation, ce qui l’amène à une forte instabilité émotionnelle et affective.

Dans le second mouvement, l’angoisse de Simone s’est soudainement effacée, le personnage retrouve sa gaieté avec le terme « ravit », qui est déclenché par l’entrevue avec Jacques, qui s’est bien déroulée : « notre entrevue me ravit ». Il est possible de voir une  asyndète, car des coordonnants manquent pour la compréhension totale de l’évènement, le lecteur doit faire des liens implicites. Alors, l’intrusion de cette phrase courte, qui semble être presque posée dans le texte, marque le soulagement, l’arrêt de l’angoisse. Ensuite, Simone enchaîne avec ce qu’il s’est passé lors de sa visite : Jacques a écrit un livre en pensant à elle, ce qui ne fait que grossir le ravissement de Simone, qui semble se gonfler de positivité. Ces souvenirs sont présentés comme marquants dans la mesure où elle rapporte les paroles exactes de Jacques avec l’insertion du discours direct : « il me dit : « c’est beaucoup pour toi que je l’écris ». Cette attention met Simone dans un état de joie intense : « je vécus dans l’exaltation », ce dernier terme a plusieurs connotations ; il peut être vu comme un terme positif dans le sens où il signifie s’enthousiasmer mais il peut aussi avoir une connotation presque négative car il peut signifier être transporter dans une sorte de délire. La limite semble fine pour Simone, surtout qu’elle insiste sur le fait que cette exaltation ne dure que quelques jours : « Pendant quelques jours, je vécus dans l’exaltation ». Cette temporalité rapportée par l’auteur est importante car elle montre véritablement l’instabilité émotionnelle, et le transport des émotions, qui viennent empêcher la tranquillité du quotidien. Par la suite, Simone, dans un élan d’exaltation, se confie à Jacques et lui parle de son malheur « je lui racontai mon ennui […] aucun sens à la vie », il prend alors le rôle de confident et l’accompagne dans sa douleur. Un dialogue se forme entre eux, il tente de lui donner des solutions, des conseils pour l’apaiser : « c’est plus facile de vivre pour quelqu’un d’autre » ; « la solution c’est de faire de l’égoïsme à deux ». Ces solutions présentent une idée du mariage plus ou moins implicite, et semble servir cette idée dans laquelle ils vont finir par se marier ensemble. Cette solution prend un caractère obsédant pour Simone : « je me répétai cette phrase ». Le discours de Jacques la rassure dans un premier temps, et efface ses doutes sur leur relation. Simone écrit de façon catégorique et certaine, comme une vérité générale : « Jacques m’aimait ; nous nous marierons ».

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