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Analyse du roman: Enfance de Nathalie Sarraute

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Par   •  5 Février 2015  •  3 947 Mots (16 Pages)  •  6 618 Vues

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Nathalie Sarraute, Enfance

p 12-13, l'incipit

Situation :

Notre extrait est intégré à là première séquence du roman, cette première séquence constitue l'incipit. La séquence est composée de deux parties. La première partie met en place un dialogue d'ordre méta littéraire entre deux voix qui procèdent à une remise en question du genre autobiographique. Ces deux voix discutent autour de la difficulté du projet autobiographique de l'enfance. Sarraute procède a un démantèlement de son processus d'écriture et pose les bases de son esthétique. La deuxième partie de la séquence constitue le versant pratique : Sarraute se lance dans la narration du premier souvenir d'enfance et met en mot l'irruption du premier tropisme. Les indications concernant le contexte de se premier souvenir ne sont pas très précis : on apprend que la petite Nathalie âgée de « cinq ou six ans » passe ses vacances en Suisse, « à Interlaken ou Beatenberg », seule avec son père. « Une jeune femme » est chargée de s'occuper d'elle et de lui apprendre l'allemand. C'est une scène de transgression, malgré les interdictions en allemand de la jeune femme, le petite Nathalie plonge des ciseaux dans la soie d'un fauteuil. Sarraute revient en détail sur les émotions et les impressions qui ont précédé l'acte libérateur.

Mouvements :

1er mouvement : du début à « dans la corbeille » : Avertissement de l'enfant / de la narratrice.

2eme mouvement : de « Mais elle redresse la tête » à « Si, je le ferai... » : Explicitation de la narratrice des effets de l'interdiction sur l'enfant avec un effet de gradation.

3eme mouvement : de «  Voilà, je me libère... » jusqu'à la fin : Apothéose de la tension dramatique, geste libérateur de l'enfant.

Axes de lecture :

« Ich werde es zerreissen » « Je vais le déchirer » … je vous en avertis, je vais franchir le pas, sauter hors de ce monde décent, habité, tiède et doux, je vais m'en arracher, tomber, choir dans l'inhabité, dans le vide...

Parole de Sarraute enfant sont intégré à l’énoncé, elles sont retranscrites au discours direct, isolé par des guillemets.

La phrase est dite en allemand dans un premier temps, puis traduite en français. Pourquoi avoir garder l'allemand ? C'est la langue dans laquelle s'est exprimée l'enfant, il y la volonté de retranscrire fidèlement la scène. Selon Gosselin, l'utilisation de l'allemand « présentifie le passé », c'est à dire qu'il permet de revivre au présent une scène passé. En prononçant ces mots, Sarraute les restitue dans le présent de l’énonciation.

Plus tôt dans le texte, Sarraute précise qu'elle n'a jamais prononcé ces paroles depuis la scène en question, la voix critique est surprise qu'elle puisse encore s'en souvenir et surtout qu'elle ai pu apprendre ces mots. Cette précision redonne toute leur importances à ces mots allemand : ils semblent renaître avec toute leur puissance, le temps n'a pas effacé leur impacte et leur force.

D'ailleurs comme nous le précise la narratrice, le mot « zerreissen » rend un son sifflant, féroce. Il semble reproduire le son de la déchirure (harmonie imitative)

: il est plus violent et il a plus d'impact que le français. Le verbe allemand se veut libérateur et transgressif, il s'oppose nous le verrons plus tard aux paroles oppressantes de la gouvernante.

Tout notre extrait mêle passage en allemand et passage en français : les passages en allemand ( et leur traduction fr) constituent donc les paroles échangées entre Nathalie et sa gouvernante. En revanche, l'étude des passages en français se révèle plus complexe. Tout les passages en français relève de la narration à posteriori, c'est à dire que c'est Nathalie Sarraute, adulte, autobiographe, qui tente de retranscrire et d’expliciter les sentiments qui ont animé la conscience de l'enfant qu'elle a été lors de cette scène. La scène est réactualisé, l'explicitation de la narratrice âgée s'intègre dans la continuité du dialogue et de la narration. Cela nous donne l'impression de revivre la scène du point de vue interne de l'enfant.

Si l'on s’intéresse de plus près à ce passage :

On remarque un effet de parataxe : les adjectifs et les verbes d'action s’enchaînent rapidement sans aucun mots de liaison, seul les virgules permettent d'organiser le récit. Cette parataxe permet de rendre compte au lecteur des sentiments qui ont animé l'enfant lors de cette scène. L'absence de mot de liaison procure un effet d’immédiateté, cela nous donne l'impression d'être projeter à l'intérieur de la conscience de l'enfant et de revivre la scène de son point de vue.

Il y a un accumulation de verbes d'action : «  Franchir le pas », « sauter hors de ce monde », « m'en arracher », « tomber », « choir ». Ces verbes dénotent une certaine violence, une prise de risque, une transgression. La parataxe participe aussi à cet effet de violence.

« Tomber » et « choir » sont synonyme : on relève là une caractéristique de l’écriture sarrautienne. Sarraute accumule des mots dont les sens sont très proche afin de chercher le mot juste et de toucher avec précision à la perception de l'enfant.

On relève une accumulation d'adjectifs : aux adjectifs « décent », « habité », « tiède » et « doux » s’opposent les noms « l'inhabité » et « le vide ». La série d’adjectifs révèle un endroit chaleureux, une sorte de cocon où l'enfant serait à l’abri du monde, une endroit connu et sécurisant. En revanche, « l'inhabité » et « le vide » sont les parfaites antithèses de l'adjectif « habité ». Il s'agit donc ici de quitter un monde sécurisant pour se laisser aller dans un monde inconnue dépourvu de repères. Ce monde sécurisant c'est donc le monde de l'enfance.

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