Analyse de la scène 2 Acte I de la tragédie Andromaque de Jean Racine

Racine, Andromaque, 1667.

Texte 1 : Acte I scène 2, du début de la scène au vers 220.

Andromaque est la tragédie des vaincus, la tragédie du mal historique. A. Ubersfeld.

Introduction.

Racine naît en 1639 dans une famille aisée. Il perd ses parents jeune, et suit sa scolarité au monastère janséniste de Port-Royal. Il est en contact direct avec les textes antiques. Il hésite entre le clergé et une carrière littéraire. Un de ses poèmes est remarqué et lui vaut une gratification royale.

Andromaque est jouée à la cour, devant le roi, avec la Du Parc, actrice qui a quitté pour lui la troupe de Molière. C’est un triomphe dès la 1ere représentation. Corneille, qui dominait jusqu’alors la scène, vient de trouver son égal.

Andromaque est une tragédie classique (sujet antique, règles de composition) qui propose des personnages à deux faces et les thèmes croisés de l’amour et de la raison d’état.

Notre scène, extrait de l’acte I scène 2 met en scène Oreste et Pyrrhus, elle complète l’exposition, et en respecte les fonctions : informer le spectateur et lancer l’action.

Problématique : comment introduire la référence antique et renouveler l’intérêt du spectateur ?

I. Informer le spectateur : de la connivence à la nouveauté.

1. Les références antiques.

- Racine avait un accès direct aux textes grecs et latins. A l’âge classique, l’Antiquité est la source d’inspiration. Il s’agit pour les artistes d’égaler la perfection des grands auteurs de l’Antiquité.

- Homère, l’Illiade (Illion autre nom de Troie)

- Euripide, poète grec : Les Troyennes Vème s AC, v 186 à 190.

- Virgile, poète latin, L’Enéide 1er s AC : Enée, survivant de Troie, devient roi du Latium, ancêtre de Romulus et Remus, fondateurs de Rome (extrait cité dans la Préface à Andromaque).

- Ronsard, La Franciade : Francus, fils supposé d’Andromaque, ancêtre des rois francs, cité lui aussi par Racine dans sa Préface.

- On remarque que Racine prend appui sur des grandes épopées, qui font de la chute de Troie un moment fondateur, jusqu’à Ronsard qui fait le lien entre la mythologie et l’histoire de France.

2. Le passé conditionne la scène.

- Au niveau généalogique, Oreste appartient à la famille maudite des Atrides, fils d’Agamemnon. Pyrrhus, fils du héros épique de l’Illiade, Achille. Hector, fils de Priam.

- Tous ces personnages sont donc des héritiers, des « fils de », et inscrivent l’enjeu dramatique dans un rapport à la mémoire historique et collective. Le passé ici est une des formes du destin puisqu’il conditionne les personnages : ceux-ci ne sont pas libres.

- Au niveau historique : la guerre de Troie, rapportée par Oreste pour flatter Pyrrhus, puis pour en montrer les conséquences : nos veuves, nos peuples affaiblis s’en souviennent encore.

3. Comment renouveler l’enjeu ?

- Racine imagine donc ici l’ambassade d’Oreste, venu réclamer Astyanax, enfant d’Andromaque, survivant au massacre (enfant tué par les grecs chez les auteurs antiques).

- On remarque que Astyanax n’est pas nommé : il est le reste, puis ce fils, ce serpent, un enfant.

-Après la flatterie, la requête de Oreste se fait plus menaçante : hypothèse Peut être (…) embrasera nos vaisseaux, emploi d’impératifs : craignez, punisse. Puis pression collective : tous les grecs.

- Le spectateur de l’époque, à la cour de Louis XIV, est parfaitement à l’aise avec les références, et Racine joue de cette complicité culturelle en imaginant une sorte de « suite » aux grandes épopées antiques.

Au théâtre la fonction informative des scènes d’exposition doit immédiatement entraîner une amorce dramatique. Nous allons voir maintenant comment la scène lance le drame (l’action).

II. La tension dramatique et tragique.

1. Le drame : un dialogue conflictuel.

- La scène est constituée de deux tirades, où chacun des personnages expose ses arguments : Oreste sa requête au nom des grecs, et Pyrrhus son système de défense.

- La relation hiérarchique entre les deux personnages est

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