Analyse de Spleen

Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

                                                        Charles Baudelaire, 1851.

Charles Baudelaire est né à Paris en 1821 et meurt en 1857 dans la même ville, probablement d’une forme terminale de syphilis.  Le poème Spleen est publié dans le recueil Les fleurs du mal, qui témoigne d’une volonté esthétique de faire cohabiter dans un poème la beauté du texte, l’idéal du poète (qui cherche dans l'art un remède à sa difficulté de vivre),  et des thèmes ordinairement peu traités en poésie : la mort, l’angoisse, l’horreur, la débauche, l’exotisme, les symboles, les « paradis artificiels» (d’où le titre, un oxymore). Baudelaire est considéré comme un précurseur  de la poésie moderne, mariant avec brio le classicisme de la forme et des thèmes novateurs et dérangeants pour le lecteur. On lui doit la théorie des « correspondances», qui inaugure le courant du symbolisme. C'est l'un des « poètes maudits » de la littérature française.

 FORME :

• poème constitué de 5 quatrains (strophe de 4 vers);
• Les vers sont des alexandrins (12 syllabes, ou « pieds »);
• Les rimes sont pour la plupart riches (humide/timide) ou suffisantes (trainées/araignées)
• Les rimes sont croisées sur l’ensemble du poème (ABBA)
• Les rimes féminines (couvercle/cercle) alternent avec les rimes masculines (ennuis/nuits).

Figures de styles, procédés d’écriture :

Comparaison (V. 1, V. 6, V.9-10, V.15-16)

Métaphore : (V.5, V.11-12, V.13, V.17-18, V.20)

Antithèse : (V.4)

Anaphore: (V. 1-5-9)

Personnification : (V. 18-19-20)

Contre-rejet : (V. 18)

Allitération : (V.12) : L

Assonance : ( V 6-7-8) : an

Champs lexicaux :

 L’enfermement : couvercle, pèse, le jour est comme la nuit, horizon bouché, cachot humide, se cogner la tête, aile timide, plafonds pourris, filets, prison, longs corbillards.

L’angoisse, le mal de vivre, la folie : spleen, esprits gémissants, infâmes araignées au fond de nos cerveaux, hurlement, geindre, espoir vaincu, pleure, angoisse despotique, crâne incliné, drapeau noir.

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