Albert Camus Et La Mystique Naturelle

Camus et la mystique naturelle

Albert Camus a lui aussi sa place dans une étude sur la mystique naturelle. Certains ont parlé de sa « spiritualité sans Dieu » (Majault ), de son « panthéisme ». Gaëtan Picon insistait sur la part d’expérience chez Camus, en deçà de toute logique conceptuelle, allégorique ou moralisante, soulignant la présence d’« une expérience intérieure complexe, divisée, toujours en mouvement » . C’est aussi à cette expérience spécifique que Maurice Blanchot se montrait tout particulièrement sensible, à l’occasion de ses comptes rendus des livres du cycle de l’absurde de Camus . Récemment, André Comte-Sponville a inscrit explicitement l’écrivain dans le paradigme de la « spiritualité immanente », du mysticisme athée . Mais, dans Noces, Camus lui-même se place dans une filiation mystique lorsqu’il évoque « l’union que souhaitait Plotin », sauf qu’il la conçoit cette fois de façon strictement immanente, à retrouver « sur la terre » (ŒC I, 124). L’intérêt du parcours et de l’œuvre de Camus du point de vue de la mystique naturelle réside précisément dans cet immanentisme radical, qui est clairement revendiqué par l’écrivain.

En plus, la mystique naturelle propre à Camus peut également être située dans le le courant qui associe mystique et hasard, mystique et non-sens. C’est ce que permet d’éclairer le rapprochement de Camus (1913°) avec Sartre (1905°), dont il est d’ailleurs le quasi-contemporain, l’auteur de La Nausée n’étant que de quelques années son aîné. Avec Simone de Beauvoir, ces écrivains se situent dans le contexte de l’existentialisme français (même si Camus n’a jamais revendiqué cette étiquette, contrairement à Sartre). Mais ils ont partagé quelques décennies la même époque et ont été hantés par les mêmes problèmes, ontologiques, éthiques et politiques. Ils ont d’ailleurs mutuellement commentés leurs livres et, jusqu’au moment de leur brouille, se sont côtoyés pour des raisons essentiellement politiques. Le point de départ de leurs œuvres est en fait identique : il s’agit d’un expérience du non-sens qu’il partage avec ses contemporains, comme le remarque Sartre , qui distingue deux types de non-sens ou d’absurde : celui conçu comme contingence irréductible de notre ‘être-là’ (et c’est de cette manière que Roquentin éprouve l’absurde) et l’absurde envisagé comme conflit, contradiction insoluble. Sans aucun doute, Camus relève de ce second type d’absurde. Cette crise du sens est aussi une crise de l’humanisme, et les deux écrivains font la tentative de reconstruire ce dernier sur de nouvelles bases, strictement athées.

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