Abel et Caïn, Salomon Gessner

Commentaire de texte :

        Salomon Gessner est un poète suisse du 18e siècle. Il est d’abord reconnu en 1755 pour son « Daphnis », mais se fit davantage connaître grâce à ses idylles en 1756. Une idylle est un genre poétique de l’Antiquité sous forme de poème court et portant sur la vie rustique.  Parmi les idylles de Gessner se trouve le récit  « La Mort d’Abel », paru en 1760 et qui met en scène le discours de lamentation de Caïn après le meurtre de son frère Abel. Il semble désemparé et ne cesse de s’apitoyer sur son sort en s’exprimant sur sa culpabilité. Il s’agira donc de se poser la question suivante : Comment cette scène d’aveu pathétique permet-elle d’exprimer la culpabilité du personnage de Caïn ? Dans un premier temps, nous étudierons la scène d’aveu pathétique, puis dans un second temps, nous élaborerons l’expression de la culpabilité du personnage.

        En premier lieu, nous nous interrogerons sur les procédés de l’aspect pathétique du récit, c’est-à-dire sur la cause des exclamations employées, sur ses descriptions détaillées, ainsi que sur la souffrance exprimée par le personnage. Nous terminerons par l’effet de cet aspect pathétique sur le lecteur.

        L’aspect pathétique du récit est tout d’abord distingué par ses modalités exclamatives. En effet, dans son monologue, Caïn s’exclame plusieurs fois, dénonçant que c’est bien lui le coupable, le criminel : « et c’est moi, malheureux ! c’est moi qui l’ai abreuvée de ce sang, et du sang de mon propre frère ! » Les exclamations sont faites pour appuyer sur ses mots, mais également pour montrer que le personnage est énervé, frustré.

        L’aspect pathétique peut également être reconnu par ses descriptions détaillées. La description est assurément présente dans ce récit, mais n’est pas toujours positive : elle commence positivement « douce tranquillité », mais se dégrade au fur et à mesure « sombre obscurité », ce qui peut désigner la tournure que va prendre le récit. Nous pouvons remarquer que le choix des mots de description n’est pas anodin, étant donné que les mots « douce » et « tranquillité » ainsi que les mots « sombre » et « obscurité » signifient la même chose : la création d’un pléonasme marque dans ce cas une insistance sur le milieu qui l’entoure.

        Nous soulignons tout autant le pathétique de ce récit par la souffrance exprimée par le personnage ; effectivement, on le voit vouloir « traîner [sa] misère partout avec [lui] », qui est une indication au fait qu’il veuille éternellement souffrir pour son acte meurtrier. Nous le voyons finalement « abandonné à son affliction » , ceci implique que le personnage est seul et souffrant durant tout le récit, c’est d’ailleurs pour la cause de sa solitude qu’il en vient à personnifier la nature. Nous pouvons confirmer qu’il s’adresse aux étoiles lors de ses paroles « constellations qui m’entendez », ou lorsqu’il leur demande de lui refuser « [leur] influence favorable ».

        Par conséquent, c’est à la vue de l’aspect pathétique du récit que le lecteur va provoquer une émotion de pitié et de compassion pour le personnage. Tout d’abord pour la solitude du personnage, car en effet, tout au long de son monologue, Caïn se montre tellement seul qu’il en vient à parler aux constellations, qui sont les seuls spectatrices de ce macabre récit. De plus, le personnage insiste sur sa culpabilité, et de son envie de se faire venger durant tout son récit, ce qui va provoquer de la compassion chez le lecteur.

...