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Voltaire, Dictionnaire Philosophique Article « Liberté De Penser »

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Par   •  4 Avril 2014  •  608 Mots (3 Pages)  •  2 009 Vues

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Voltaire, Dictionnaire philosophique Article « Liberté de penser »

Vers l’an 1707, temps où les Anglais gagnèrent la bataille de Saragosse, protégèrent le Portugal, et donnèrent pour quelque temps un roi à l’Espagne, milord Boldmind, officier général, qui avait été blessé, était aux eaux de Barège. Il y rencontra le comte Médroso, qui, étant tombé de cheval derrière le bagage, à une lieue et demie du champ de bataille, venait prendre les eaux aussi. Il était familier de l’inquisition; milord Boldmind n’était familier que dans la conversation: un jour, après boire, il eut avec Médroso cet entretien :

Boldmind. — Vous êtes donc sergent des dominicains? Vous faites là un vilain métier.

Médroso. — Il est vrai; mais j’ai mieux aimé être leur valet que leur victime, et j’ai préféré le malheur de brûler mon

prochain à celui d’être cuit moi-même.

Boldmind. — Quelle horrible alternative! Vous étiez cent fois plus heureux sous le joug des Maures, qui vous laissaient croupir librement dans toutes vos superstitions, et qui, tout vainqueurs qu’ils étaient, ne s’arrogeaient pas le droit inouï de tenir les âmes dans les fers.

Médroso. — Que voulez-vous? Il ne nous est permis ni d’écrire, ni de parler, ni même de penser. Si nous parlons, il

est aisé d’interpréter nos paroles, encore plus nos écrits. Enfin, comme on ne peut nous condamner dans un auto-da-

fé pour nos pensées secrètes, on nous menace d’être brûlés éternellement par l’ordre de Dieu même, si nous ne pensons pas comme les jacobins. Ils ont persuadé au gouvernement que si nous avions le sens commun, tout l’État serait en combustion, et que la nation deviendrait la plus malheureuse de la terre.

Boldmind. — Trouvez-vous que nous soyons si malheureux, nous autres Anglais qui couvrons les mers de vaisseaux, et qui venons gagner pour vous des batailles au bout de l’Europe? Voyez-vous que les Hollandais, qui vous ont ravi presque toutes vos découvertes dans l’Inde, et qui aujourd’hui sont au rang de vos protecteurs, soient maudits de Dieu pour avoir donné une entière liberté à la presse, et pour faire le commerce des pensées des hommes? [...] Il ne tient qu’à vous d’apprendre à penser; vous êtes né avec de l’esprit; vous êtes un oiseau dans la cage de l’inquisition; le saint-office vous a rogné les ailes; mais elles peuvent revenir. Celui qui ne sait pas la géométrie peut l’apprendre; tout homme peut s’instruire: il est honteux de mettre son âme entre les mains de ceux à qui vous ne confieriez pas votre argent ; osez penser par vous-même !

Médroso. — On dit que si tout le monde pensait par soi-même, ce serait une étrange confusion.

Boldmind. — C’est tout le contraire. Quand on assiste à un spectacle, chacun en dit librement son avis, et la paix n’est point troublée; mais si quelque protecteur insolent d’un mauvais poète voulait forcer tous les gens de goût à trouver bon ce qui leur paraît mauvais, alors les sifflets se feraient entendre, et les deux partis pourraient se jeter des pommes à la tête, comme il arriva une fois à Londres. Ce sont ces tyrans des esprits

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