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Malheur à La Ville Dont Le Prince Est Un Enfant

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Par   •  6 Décembre 2011  •  2 267 Mots (10 Pages)  •  3 809 Vues

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« Malheur à la ville dont le Prince est un enfant » L’Ecclésiaste

Analyse du sujet et problématique :

-Phrase de malédiction dont la formulation est assez violente et recoupe le ton de la phrase étudiée en cours (Saint-Augustin : « Qui ne reculerait d’horreur et ne choisirait la mort, si on lui donnait le choix entre mourir et redevenir enfant ? » Les Confessions) Elle correspond sans doute 1) à la vision moralisatrice du livre de la Bible d’où est extraite la citation ( à savoir l’Ecclésiaste et non l’Ecclésiastique – vous avez le droit de ne pas connaître le texte mais évitez de changer le nom proposé en suggérant qu’il y a une erreur dans le sujet !- qui signifie étymologiquement « celui qui s’adresse à la foule » et qui se compose d’aphorismes et de mises en garde morales concernant le comportement que les hommes doivent avoir notamment dans un cadre politique) 2) à l’image que l’antiquité (de façon globale) se fait de l’enfant (voir sur ce point le numéro spécial des Collections de l’Histoire consacré à l’Enfant et la famille –n°32- puis l’ouvrage de P Ariès Sur l’enfant et la vie familiale sous l’ancien régime). Autre source possible : la pièce de théâtre à dominante autobiographique de Montherlant (La ville dont le prince est un enfant jouée en 1951) qui suggère comment un lieu clos (un collège et internat religieux) peut être bouleversé par les exigences du désir et singulièrement la figure ambivalente de l’adolescent. Une version plus actuelle de cette idée est développée dans le film d’Oshima intitulé Tabou

- Dans le détail : idée 1 selon laquelle la ville est pour l’essentiel le lieu et le siège du pouvoir (par extension la ville recouvre le royaume et le territoire sur lequel s’exerce le pouvoir du prince). La ville comme siège du pouvoir et du gouvernement des hommes est dirigée par un roi/ prince qui, unique et c’est un point essentiel dans le sujet, préside à la destinée de tous. Elle serait vouée au malheur (idée 2) c'est-à-dire dans la Bible à la perdition, la punition qui peut aller jusqu’à la destruction (voir Sodome et Gomorrhe), la corruption. Plus simplement le malheur revoie à l’échec du gouvernement et à la faillite de la société (dislocation, dissolution). Ce malheur est lié au statut du monarque (idée 3) qui serait un enfant. Encore faut-il s’entendre sur le mot « enfant » :

* il s’agit tout d’abord d’un âge, d’une période de la vie humaine : dans l’antiquité elle va de la sortie de la petite enfance (6 ans ?) à l’âge adulte (20 ans ?) sachant qu’un des éléments de la modernité est d’avoir précisément et de plus en plus minutieusement distingué les âges de la vie : Rousseau suggère que l’adolescence est une invention du XVIII, aujourd’hui est fréquent d’entendre parler de petite enfance, de pré-adolescence, d’adolescence, de jeunes adultes… L’enfance pour la citation biblique c’est cette période de dépendance, d’inexistence sociale, d’irresponsabilité et d’animalité (du moins au tout début) qui va de la naissance à l’âge d’être soldat. On rappellera que l’état d’enfance reste longtemps celui des femmes adultes ou des vieillards : dans tous les cas l’enfant est mineur, faible et dangereux par sa prise à la nature et à l’envers de la raison. L’enfant ne se maîtrise pas : il est dépendant de ses passions et du principe de plaisir (pervers polymorphe chez Freud). Il est la figure même de l’aléatoire (cf. Héraclite et le fragment où il compare la logique du cosmos à celle d’un jeu d’enfant ; idée reprise chez Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra) Dans l’antiquité, l’enfant a donc un statut singulier : il n’a pas de droit, pas de reconnaissance du « sentiment d’enfance » ( Ariès), peu d’affection même si cette idée se discute aujourd’hui, pas droit à la parole (cf. étymologie du mot infans) Enfin l’enfance et la jeunesse sont exclues du pouvoir ce que montrent les analyses de Bourdieu et de Duby : « La jeunesse n’est qu’un mot », les générations d’adultes ont fixé de façon arbitraire et intéressée l’âge de la maturité pour pouvoir exclure les jeunes de l’exercice du pouvoir.

Mais l’enfance c’est aussi un imaginaire et des représentations dont la valorisation évolue au fil de l’histoire : le temps de l’enfance est celui de la dépendance physique, intellectuelle et financière, de la croyance, de l’absence d’autonomie, c’est aussi celui de l’apprentissage. Symbolise le péché originel (cf. Saint Augustin) pour les chrétiens, le jeu, la gratuité, la perte de temps peut-être. En même temps, l’enfant c’est l’avenir, la promesse du futur, la richesse des adultes (cf. Arendt in La crise de l’éducation), l’invention et le génie (Baudelaire, Rimbaud)

L’enfance est aussi par ces caractéristiques ce qui sert à désigner le comportement dévoyé d’adultes qui se refusent à grandir : esclaves de leurs pulsions et de leurs désirs corporels (allusion à l’heure du repas dans le texte biblique), les adultes enfants (ou adulescents dit on aujourd’hui) sont ceux qui régressent, refusent la responsabilité du monde (Arendt), retombent par caprice, folie ou dégénérescence dans l’enfance. Le prince enfant est alors celui qui se laisse guider par le plaisir immédiat (société hédoniste, « tentation de l’innocence » chez Bruckner), refuse les principes directeurs de la morale ou du droit (bon plaisir), celui qui est immature. Le prince de la maxime est sans doute un homme qui a le comportement d’un enfant : égoïste, autocentré, ignorant autrui (cf. Piaget qui montre que la conscience de l’autre intervient tard chez l’enfant soit vers 7 ans), dominé par ses passions (on retrouve ici Montherlant de façon lointaine).

- La malédiction s’inscrit dans un contexte qu’il faut actualiser :

• le pouvoir est donné à un seul (monarchie) et adulte (voire âgé car sage et expérimenté = image du roi philosophe ou sage chez Platon par ex)

• le prince doit être éduqué : l’enfance est ce temps incomplet où l’exercice du pouvoir est voué à l’échec et source de danger. Le « vrai » prince est sorti de cette période : il est sinon vieux du moins expérimenté (on songe au rôle structurant de l’exemple historique dans les traités d’éducation des princes de Montaigne livre I chap 26 au Prince de Machiavel) ; il est sage et raisonnable ; probablement fort et rusé (Machiavel)

• L’image du pouvoir est enfin urbaine et fonctionne sur l’idée tenace depuis l’antiquité selon laquelle, un homme qui se maîtrise, maîtrise des autres

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