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Extrait du récit Aventure du pélerin de Jacques Cazotte

Mémoire : Extrait du récit Aventure du pélerin de Jacques Cazotte. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  26 Novembre 2012  •  1 698 Mots (7 Pages)  •  1 034 Vues

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Un Roi de Naples, il s'appelait Roger, étant à la chasse, s'écarta de sa suite et s'égara dans une forêt. Il y fit rencontre d'un pèlerin, homme d'assez bonne mine, qui ne le connaissant point pour ce qu'il était, l'aborde avec liberté, et lui demande le chemin de Naples.

« Compagnon, lui répond le Roi, il faut que vous veniez de bien loin; car vous avez le pied bien poudreux.

- II n'est cependant pas, répondit le pèlerin, couvert de toute la poussière qu'il a fait voler.

- Vous avez dû voir, poursuivit Roger, et apprendre bien des choses dans vos voyages ?

- J'ai vu, repartit le pèlerin, beaucoup de gens qui s'inquiétaient de peu. J'ai appris à ne pas me rebuter d'un premier refus. Je vous prie donc encore de vouloir m'enseigner la route qu'il faut que je prenne; car la nuit vient, et je dois penser à mon gîte.

- Connaissez-vous quelqu'un à Naples ? demanda le Roi. - Non, répondit le pèlerin. - Vous n'êtes donc pas sûr, poursuivit le Roi, d'y être bien reçu ? - Au moins suis-je sûr, dit le pèlerin, de pardonner le mauvais accueil à ceux qui me l'auront fait sans me connaître; mais la nuit vient, où est le chemin de Naples ?

- Si je suis égaré comme vous, dit Roger, comment pourrais-je vous l'indiquer ? Le mieux est que nous le cherchions de compagnie.

- Cela serait à merveille, dit le pèlerin, si vous n'étiez pas à cheval ; mais je retarderais trop votre marche ; ou vous presseriez trop la mienne.

- Vous avez raison, dit Roger, il faut que tout soit égal entre nous, puisque nous courons même fortune. » Sur ce propos il descend de cheval, et le voilà côte à côte avec le pèlerin. « Devineriez-vous avec qui vous êtes ? dit-il à son compagnon.

- A peu près, répondit celui-ci; je vois bien que je suis avec un homme.

- Mais, insista Roger, pensez-vous être en sûreté dans ma compagnie ?

- J'attends tout des honnêtes gens, reprit le pèlerin, et suis sans appréhension des voleurs.

- Croiriez-vous, ajouta Roger, que vous êtes avec le Roi de Naples ?

- J'en ai de la joie, reprit le pèlerin; je ne crains pas les rois; ce ne sont pas eux qui nous font du mal; mais puisque vous l'êtes, je vous félicite de m'avoir rencontré. Je suis, peut-être, le premier homme qui se soit montré devant vous à visage découvert.

- Eh bien, dit le Roi, il ne faut pas que je sois le seul qui tire avantage de notre entrevue : suivez-moi, je ferai quelque chose pour votre fortune.

- Elle est faite, Sire, répondit le pèlerin. Je la porte avec moi. J'ai là, dit-il, en montrant son bourdon1 et sa besace, deux bons amis qui ne me laisseront manquer de rien. Je souhaite que vous trouviez dans la possession de votre couronne toute la satisfaction que je goûte avec eux.

- Vous êtes donc heureux ? dit Roger. - Si l'homme peut l'être, répondit le pèlerin en tout cas, j'ai fait un vœu, c'est de m'aller pendre, si j'en trouve un plus heureux que moi.

- Mais, dit le Roi, comment se peut-il que vous viviez content de votre sort, ayant besoin de tout le monde ?

- Serais-je plus heureux, dit le pèlerin, si tout le monde avait besoin de moi ?

- Allez vous pendre, reprit Roger; car je pense être plus heureux que vous.

- Si ce mal devait m'arriver, répliqua le pèlerin, je croyais que quelque faquin2 plus désoeuvré que moi dût me porter le coup. Je ne l'attendais pas de la part dont il me vient; mais, comme le pas est dur à franchir, je pense qu'avant tout il serait bon que nous comptassions ensemble.

- Cela sera bientôt fait, dit Roger. J'ai en abondance les commodités de la vie. Quand je voyage, je le fais à mon aise, comme vous pouvez le voir; car je suis bien monté, et j'ai dans mes écuries trois cents chevaux qui valent au moins celui-ci; retourné-je à Naples, je suis sûr d'être parfaitement reçu.

- Je ne ferai qu'une question, dit le pèlerin. Jouissez-vous de tous ces biens avec une sorte de vivacité ? Seriez-vous sans affaires, sans ambition, sans inquiétude ?

- Vous en demandez trop, pèlerin, reprit Roger. - Votre Majesté me pardonnera, dit le pèlerin; mais comme l'affaire doit avoir des suites très sérieuses pour moi, je dois tout faire entrer en ligne de compte. Voici le mien.

« J'ai fait un honnête exercice. J'ai grand appétit, et je souperai fort bien de tout ce qui se trouvera : ensuite je dormirai d'un très bon somme jusqu'au matin. Je me lèverai frais et dispos. J'irai partout où me porteront la curiosité, la dévotion ou la fantaisie. Après-demain, si Naples m'ennuie, le reste du monde est à moi. » Convenez, Sire, que si je perds contre vous, je perds à beau jeu.

- Pèlerin, dit le Monarque, je m'aperçois que vous n'êtes pas las de vivre, et vous avez raison. Je me tiens pour vaincu; mais pour prix de l'aveu que je fais, j'exige

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