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Dissertation Sur la tragédie Phèdre de Racine: Un désir peut-il être coupable ?

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Par   •  28 Février 2015  •  1 849 Mots (8 Pages)  •  2 938 Vues

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Sujet : Un désir peut-il être coupable ?

Il arrive que nous ressentions un fort sentiment de culpabilité, c’est-à-dire le remords d’avoir commis une faute, lorsque nous sentons en nous le désir de commettre une mauvaise action. C’est le cas de la Phèdre (1677) de Racine (1639-1699) qui, dans la pièce éponyme, désire son beau-fils dès qu’elle le voit [cf. Phèdre, Acte I, scène 3]. La mauvaise conscience qui apparaît, ce remords, c’est-à-dire cette douleur morale qui accompagne la conscience d’avoir mal agi ou de ne pas avoir bien agi, semble impliquer qu’un désir puisse être coupable.

Et pourtant, le désir ne semble pas se commander de sorte que, ne dépendant pas du sujet, il ne pourrait jamais être coupable s’il est vrai que la culpabilité repose sur la transgression volontaire d’une faute, qu’elle soit juridique ou morale.

C’est la raison pour laquelle on peut se poser le problème de savoir si un désir peut être coupable. La culpabilité provient-elle de la seule conscience ? La conscience ne peut-elle pas se faire désir et donc culpabilité ? La culpabilité ne peut-elle pas plutôt provenir des interdits et non du désir lui-même ?

Le désir se distingue de la volonté par son caractère de nécessité. Lorsque je désire, l’objet qui m’apparaît comme désirable s’impose à moi. Par exemple, le chevalier des Grieux, lorsque apparaît pour la première fois Manon Lescaut, en tombe amoureux, dans le roman de l’Abbé Prévost (1697-1763) intitulé l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. Cet amour qui va le conduire aux pires turpitudes apparaît comme une sorte de fatalité.

À l’inverse, pour vouloir, il suffit de se décider même si la volonté ne va pas sans motif. On peut parler de la volonté du Cid, don Rodrigue, dans la pièce éponyme (1637) de Corneille (1606-1684). En effet, il décide de combattre son futur beau-père, don Gomès, qui a insulté son père, don Diègue, même s’il lui en coûte l’amour de sa Chimène. Je puis donc décider de ce que je veux mais non ce que je désire. Dès lors, on ne peut imputer la moindre faute au désir. Comment donc rendre compte du sentiment de culpabilité qu’on éprouve lorsqu’on a certains désirs ?

Un désir implique un engagement de tout l’être au moment du désir. C’est ce qui le distingue du simple souhait. Le désir implique donc qu’on commence en quelque sorte à agir ou en tout cas il implique l’impulsion à agir. Or, si un désir se porte sur un objet interdit ou implique une action immorale, il est l’équivalent d’un point de vue moral d’une action. C’est donc cette intention d’agir en quelque sorte bloquée qui explique le sentiment de culpabilité et l’illusion qu’il appartient au désir.

Pour se sentir coupable, il est en effet nécessaire de réfléchir sur soi : il faut prendre conscience de soi. Or, qui dit conscience de soi, dit question sur ce qu’on doit faire. En conséquence, la conscience comme dit Alain dans ses Définitions est toujours implicitement morale. Si donc l’immoralité est dans l’inconscience, c’est-à-dire dans la non réflexion, et comme le désir appartient au corps, le désir implique une sorte de faiblesse. Lorsque donc un désir va à l’encontre de la morale, il ne peut pas ne pas y avoir de sentiment de culpabilité parce que nous réfléchissons alors à la faiblesse qui nous a habités. Ainsi, désirer la mort d’un proche ne peut que donner lieu à un sentiment de culpabilité.

Toutefois, on pourrait à l’inverse penser que le désir n’étant pas coupable en lui-même, une simple illusion de culpabilité ne peut pas donner lieu à un sentiment de culpabilité. Il suffirait alors de réfléchir pour ne pas se sentir coupable. Or, lorsqu’un désir est immoral, le sentiment de culpabilité nous colle en quelque sorte à la peau. Dès lors, ne faut-il pas que ce soit en lui-même qu’un désir est coupable ? Comment est-ce possible ?

Pour qu’un désir puisse être coupable, il faudrait donc qu’il soit conçu à l’origine de la faute. Or, nous disions que le désir nous apparaît nécessaire, comme une sorte de fatalité. Ne faut-il pas penser alors que cette nécessité n’est qu’apparente ?

C’est qu’en réalité le désir est fondamentalement manque de son objet. Il ne peut donc pas être une réalité physique qui est tout ce qu’elle doit être. Attribué au corps le désir paraît alors absurde. Aussi Platon avait-il déjà raison de faire remarquer dans le Philèbe que le désir appartient à l’âme et non au corps. Or, s’il est manque, il ne peut qu’être conscience, c’est-à-dire intentionnalité. En effet, un manque n’est rien et une réalité physique ne manque de rien. Disons donc avec Sartre dans L’Être et le Néant, que le désir en tant que manque manifeste l’être de la conscience, à savoir d’être ce qu’elle n’est pas et de ne pas être ce qu’elle est. Autrement dit, seule une conscience peut être habitée par le manque.

Parce que le désir est fondamentalement conscience et même conscience du manque d’être, alors chaque désir implique un choix de son objet. Mais ce choix apparaît comme nécessaire seulement à la conscience réflexive qui est conscience seconde. Et même, il n’apparaît comme tel que lorsque la conscience réflexive se fait volonté, c’est-à-dire décision qui semble aller à l’encontre du choix qu’est le désir. C’est le comportement de mauvaise foi où le sujet se projette comme objet pour se décharger de sa responsabilité fondamentale d’avoir à être. Dire que je ne fais pas ce que je veux ou que le désir me pousse, c’est ainsi nier ma responsabilité.

Dès

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