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Commentaire sur la pièce de théâtre Les Bonnes de Jean Genet

Mémoire : Commentaire sur la pièce de théâtre Les Bonnes de Jean Genet. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Janvier 2014  •  3 724 Mots (15 Pages)  •  2 553 Vues

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Le théâtre des années 1950 connait une grande vitalité. En effet, les metteurs en scène accroissent leur influence, il y a un développement des théâtres de province. Cette effervescence est accompagnée d'un désir de renouvellement des formes théâtrales. Antonin Artaud contribue beaucoup à cette réflexion puisqu'il propose de revenir à un théâtre plus pur en supprimant les thèmes classiques et en faisant primer la violence, le langage du corps et la parole. Les praticiens du théâtre semblent alors avoir le désir de redonner au théâtre sa dimension de spectacle en tant que fête et que célébration. L'un d'eux, Jean Genet, invente la pièce Les Bonnes qui est mise en scène en 1947 par Louis Jouvet au théâtre de l’Athénée. Elle retrace l’histoire de deux femmes qui se plaisent à jouer la cérémonie du meurtre de leur maîtresse. C’est pourquoi on peut parfois distinguer au sein de cette œuvre, un jeu sur la théâtralité qui peut rappeler le motif du théâtre dans le théâtre. Le Dictionnaire du théâtre de Patrice Pavis définit cette notion comme étant : « une forme ludique par excellence où la représentation est consciente d’elle-même et s’auto-représente (…) » Il serait donc intéressant de se demander comment Genet utilise ce motif du théâtre dans le théâtre dans un but de redéfinition de l’esthétique théâtrale. Il s’agira donc pour répondre à cette question d’étudier dans un premier temps comment l’esthétique du jeu de rôles présente dans Les Bonnes tend vers le théâtre dans le théâtre. Puis nous analyserons dans un second temps la façon dont le jeu sur la théâtralité entraine une esthétique du décalage. Enfin, nous montrerons comment cela crée une esthétique de la perte de repères.

La double identité à l’œuvre dans Les Bonnes est un premier élément qui permet d’expliquer comment l’esthétique du jeu de rôles tend vers le motif du théâtre dans le théâtre. La pièce démarre et se termine sur ce que les deux sœurs appellent « la cérémonie ». Claire et Solange sont au premier abord deux bonnes au service de Madame. Cependant, à chaque sortie de cette dernière, les deux actrices jouant les bonnes, vont devenir actrices d’un nouveau rôle, incarnant ainsi une autre identité. Solange endosse le rôle de Claire, Claire endosse le rôle de Madame. Tout au long de la pièce, des éléments renseignent le lecteur comme le spectateur sur le jeu de Claire et Solange. C’est un jeu pour lequel elles ont elles-mêmes inventé les règles et les codes. Ce changement de rôles s’observe notamment par les pronoms personnels. On peut constater que de la 2ème personne du singulier, on passe à la 2ème personne du pluriel lorsque Claire incarne Madame : « Mais moi si je m’étais chargée de votre exécution, je jure que je l’aurais conduite jusqu’au bout ». De même Claire apparaît comme un personnage soumis à sa sœur Solange. Pourtant lorsqu’elle devient « Madame », elle ose prendre le dessus sur « Claire ». Cela rend bien compte de la différence de classe. On peut relever des passages dans Les Bonnes où Claire s'exprime de manière soutenue comme par exemple lorsqu'elle dit: «Disposez mes toilettes,» alors que très souvent, elle tient des propos violents. Lorsque Claire dit à Solange: «Tout, mais tout! ce qui vient de la cuisine est crachat. Sors. Et remporte tes crachats!», elle utilise un langage familier. A travers la personne de Claire, s’opposent deux classes sociales : la bonne représentant la classe inférieure et « Madame » représentant la classe mondaine. En endossant un rôle différent de leur personne, Claire et Solange ont pour objectif de purger à la fois la haine et l’adoration qu’elles éprouvent pour leur maîtresse. Dès lors le jeu de rôles auquel se livrent les deux sœurs peut être perçu comme une source de libération. Incarner un rôle est un moyen de devenir une autre personnalité, c’est une manière d’agir contre ses habitudes. Le jeu théâtral est assimilé à une vertu thérapeutique, de par son effet de catharsis. Claire et Solange peuvent donc laisser leur colère éclater librement.

Ceci est d’autant plus visible lorsque Solange dit: « Et moi, si je n’ai plus à cracher sur quelqu’un qui m’appelle Claire, mes crachats vont m’étouffer ». Pour Solange ce jeu de rôles prend même le statut de cérémonie vitale.

Le double jeu peut exister dans Les Bonnes notamment grâce aux accessoires présents tout au long de la pièce.

Les perruques que portent Solange et Claire représentent leur statut de bonnes. Dans la mise en scène de Jacques Vincey, le jeu sur l’habillage met particulièrement en avant la double identité, notamment lorsqu’un projecteur de lumière rouge vient donner sa couleur à la robe blanche transparente que porte Claire par-dessus son habit de bonne. L’habillage semble pouvoir être comparé à un rituel dans le sens où l’on peut noter des oppositions dans les symboliques des vêtements. Les robes noires que portent les deux bonnes s’opposent à la robe blanche de Madame. Le noir symbolisant la soumission des bonnes, la domesticité s’oppose clairement à la couleur blanche représentant la noblesse de cœur, la pureté. Claire en revêtant la robe de Madame et en se fardant du maquillage de cette dernière, s’élève socialement le temps d’un instant. De la même façon les gants en caoutchouc que portent les bonnes s’opposent aux gants en dentelle que l’on peut imaginer sur Madame. Au-delà des accessoires vestimentaires, le miroir et le réveil jouent également un rôle considérable pour la mise en œuvre du procédé du théâtre dans le théâtre. Jacques Vincey, dans sa mise en scène accorde une place importante au miroir. C’est un objet symbolisant le dédoublement, ainsi Solange en tendant un miroir à Claire, propose à sa sœur de se contempler, tout en contemplant « Madame ». Claire ne semble voir que « Madame » lorsqu’elle annonce : « Le danger m’auréole Claire, et toi tu n’es que ténèbres ». Le miroir permet la vue de la réalité et de l’illusion. Le réveil a une fonction similaire à celle du miroir. Il sonne pour marquer la fin d’une illusion ou le début d’une représentation, s’assimilant ainsi aux trois coups. Les fleurs sont également un accessoire ambivalent. Elles symbolisent au premier abord la beauté et le luxe, mais peuvent aussi servir à annoncer l’inévitable fin tragique de la pièce : la mort de Claire.

Ces accessoires sont autant d’éléments participant à une démultiplication des mises en scène.

Au sein même de la mise en scène générale des Bonnes par Jacques Vincey, il est possible de percevoir plusieurs mises

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