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Étude d'un arrêt de la Cour D'appel De Douai 2008

Dissertation : Étude d'un arrêt de la Cour D'appel De Douai 2008. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  5 Avril 2012  •  2 202 Mots (9 Pages)  •  1 366 Vues

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Arrêt de la Cour d’appel de Douai, 1re chambre civile, 17 novembre 2008

Le mariage a traversé les époques et se retrouve dans la plupart des civilisations. À la base religieuse puis séculière par la suite, le mariage est considéré aujourd’hui comme un gage de stabilité du couple. Cet acte constitue à la fois une liberté fondamentale et un engagement. Une liberté puisqu’elle est affirmée à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à l’article 12 de la Convention EDH. Un engagement, puisque lors de sa conclusion il est promesse de fidélité, de vie ensemble, d’assistance morale et matérielle, pour le reste de la vie. Le Code civil énonce les qualités et les conditions requises pour pouvoir contracter un mariage valable, notamment, l’article 146 du code civil qui dispose : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ». Dans ce sens, un consentement n’est valable que s’il a été librement donné en connaissance de cause. La théorie des vices du consentement a trouvé à s’appliquer dans le mariage, même si on ne retient que l’erreur ou la violence. L’absence de la notion de dol est intentionnelle puisqu’elle reprend l’adage de l’Ancien droit énoncé par LOYSEL : « En mariage il trompe qui peut ». C’est justement sur la question de l’acceptation de l’erreur que la Cour d’appel de Douai a eu à se prononcer le 17 novembre 2008.

Dans cette affaire, un homme et une femme se sont mariés. Le soir de leur nuit de noces, la femme avoue à son mari qu’elle a déjà eu des relations intimes avec un homme et qu’elle n’est plus vierge. Suite à cette nouvelle, l’homme congédie immédiatement la jeune mariée, en arguant que celle-ci s’était présentée comme célibataire et chaste. Il va alors former devant le Tribunal de grande instance une demande d’annulation du mariage, sur le fondement de l’article 180 du Code civil.

Par un jugement de première instance, il est fait droit à sa demande et l’annulation du mariage est prononcée, en prenant en considération que la virginité de l’épouse et son mensonge sur ce point était perçue par les deux époux comme une qualité essentielle déterminante du consentement du mari. La jeune femme acquiesce le jugement, et renonce donc à son droit d’appel. Cependant, le Ministère public interjette appel, ce qui à la lecture de l’article 409 du code de procédure civile rouvre les droits de la jeune femme. Le Ministère public précise que son appel est recevable, puisque l’appréciation des qualités essentielles au sens de l’article 180 al. 2 du Code civil, relève du contrôle de l’ordre public. Dans ce sens, il demande à ce que soit infirmé le jugement de première instance tendant à l’annulation du mariage. La jeune femme quant à elle, met en avant un manquement aux obligations du mariage par son mari, tout en sollicitant le paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant du retentissement public du procès engagé par celui-ci.

La Cour d’appel doit donc répondre à deux questions :

• Le mensonge portant sur la virginité de la future épouse peut-il être considéré comme une qualité essentielle déterminante du consentement de l’époux ?

• L’appel du Ministère public relatif à un jugement faisant droit à une demande en nullité du mariage à raison d’un mensonge de l’épouse relatif à sa virginité, est-il recevable ?

Au-delà de ces questions précises relatives au cas d‘espèce, la Cour d’appel doit se prononcer sur une question bien plus complexe, à savoir le caractère contractuel ou institutionnel du mariage. Il convient donc de distinguer deux étapes ; la vision contractualise du mariage qui semble peu adapté à notre société (1), de la vision institutionnalisme plus conforme à l’ordre public (2).

1) LA CONTRACTUALISATION DU MARIAGE UNE VISION NON ADAPTÉE À LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE

Le juge de première instance reconnaît que la virginité de l’épouse peut constituer une qualité essentielle déterminante du consentement du mari (A). Ce raisonnement conduit inévitablement à une subjectivisation du mariage qui ne semble pas convenir au Ministère public (B).

A) La virginité une qualité essentielle déterminante du consentement du mari

La loi du 11 juillet 1975 est venue modifier l’article 180 alinéa 2 du Code civil, en ajoutant que la nullité du mariage peut être demandée s’il y a « erreur […] sur des qualités essentielles de la personne ». Avec l’apparition de cette nouvelle qualification, le juge civil est face à un véritable problème : qu’est-ce qui entre dans le champ d’application des « qualités essentielles de la personne » ?

Dès lors que le juriste fait face à une problématique, deux théories se développent en parallèle pour tenter de la résoudre : la théorie objective et la théorie subjective. La théorie objective va apprécier les qualités essentielles de la personne in abstracto, c'est-à-dire qu’on va se demander si dans l’esprit commun la qualité qui fait défaut est ou non une qualité déterminante. Alors que la théorie subjective, va apprécier les qualités essentielles in concreto, c'est-à-dire qu’on va se demander si pour le conjoint qui agit en justice la qualité est personnellement fondamentale. De ce fait, le conjoint qui agit en justice pour une demande en nullité du mariage préfère invoquer la théorie subjective, puisque toute erreur de son choix sur une qualité essentielle de la personne peut être déterminante de sa volonté matrimoniale.

En l’espèce, le juge fait une application de la théorie subjective, puisqu’il va apprécier les qualités essentielles in concreto. En effet, l’époux va mettre en avant que lui et son épouse appartiennent « à une communauté où une tradition demeure qui veut que l’épouse doit rester vierge jusqu’au mariage ». Dans ce sens, le juge prononce l’annulation du mariage en se basant sur le fait que le mensonge de l’épouse sur sa virginité était perçu par les deux époux comme une qualité essentielle déterminante du consentement du mari. En d’autres termes, la solution suggère que le mari aurait refusé d’épouser la jeune femme, s’il avait su qu’elle n’était plus vierge au jour du mariage.

Cette vision contractualiste du mariage du juge de première instance ne semble pas satisfaire le Ministère public.

B) Une vision subjective du mariage

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