LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Recension Droit administratif

Mémoires Gratuits : Recension Droit administratif. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  11 Mars 2014  •  2 025 Mots (9 Pages)  •  980 Vues

Page 1 sur 9

Recension Droit administratif

CE, Ass., 12/04/2002, Mr. Papon

Le rôle de l’Etat français dans les persécutions commises sous le régime de Vichy est longtemps resté tabou. Sa responsabilité ne pouvait être engagée par les victimes réclamant réparation. En effet, considérant que ces actes relevaient d’un gouvernement et non de l’Etat républicain, la jurisprudence du Conseil d’Etat se refusait à reconnaître la faute de service de l’Etat. En effet, le juge se basait sur l’article 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 qui consacrait la nullité de tous les actes du Gouvernement de Vichy établissant des discriminations fondées sur la qualité de juif. L’Etat républicain était irresponsable, la responsabilité en revenant au Gouvernement de Vichy. Cependant, l’arrêt Papon a mis fin à ce tabou juridique. Le 2 avril 1998, reconnu coupable de complicité de crime contre l’humanité pour la déportation de dizaines de juifs entre 1942 et 1944, M. Papon a été condamné à 10 ans de prison. Statuant au civil, la cour d’assise l’a également condamné à verser des dommages et intérêts aux victimes. Cependant, M. Papon réclame au ministère de l’intérieur de se charger de ces réparations invoquant le fait qu’il avait commis ces actes au nom de sa fonction et qu’ils relevaient d’une faute de service et non d’une faute personnelle. Le Conseil d’Etat statue alors suite au refus du ministre d’accéder à cette demande. Le 12 avril 2002, si M. Papon a commis une faute personnelle, le Conseil d’Etat reconnaît également une faute de service à la charge de l’Etat et le condamne à verser la moitié des réparations dus par Mr. Papon. Il est évident que le procès Papon a eu une résonnance médiatique et politique importante souvent qualifié de procès de l’Etat français. Pourtant c’est plutôt l’arrêt du Conseil d’Etat qui condamne juridiquement l’Etat.

Nous étudierons dans une première partie le raisonnement du Conseil d’Etat amenant à reconnaître plusieurs niveaux de faute, afin dans un second d’observer en quoi il implique le partage de la responsabilité.

I] Certes le Conseil d’Etat reconnaît une faute personnelle, mais aussi une faute de service de l’Etat.

A) La faute personnelle.

Il convient d’abords de remarquer l’indépendance du juge administratif au regard des décisions pénale. Ainsi, le juge considère qu’une infraction pénale n’est pas nécessairement constitutive d’une faute personnelle. Elle peut être une faute de service. Il en va de même pour la voie de fait. Par ailleurs, l’appréciation d’une juridiction judiciaire sur le caractère da faute personnelle d’un acte commis par un fonctionnaire ne s’impose pas au juge administratif. Celui-ci garde toute sa liberté pour qualifier l’acte en cause. Ainsi, le fait que la cour d’assises de la Gironde, statuant au civil, ait considéré que les faits reprochés à M. Papon constituaient une faute personnelle est sans influence sur l’appréciation porté par le juge administratif sur ces mêmes faits. Le jugement civil n’est revêtu que de l’autorité relative de la chose jugée. En revanche, la constatation des faits opérée par le juge pénal s’impose au juge administratif. Ainsi, si le juge administratif garde toute sa liberté pour la qualifier, il reste lié par le constat opéré par le juge pénal. C’est en fonction de ces faits que le juge choisira la qualification à retenir. Il importe, dès lors, d’analyser la qualification retenue par le juge administratif.

Il existe trois types de fautes personnelles (Cf Truchet). Le premier type de faute personnelle correspond aux fautes purement personnelle et dépourvues de tout lien avec le service. Le second correspond aux fautes commises en dehors de l’exercice des fonctions mais non dépourvues de tout lien avec elles. C’est, par exemple, le cas d’une faute commise en dehors du service mais avec des moyens que le service a mis à la disposition de l’agent, tel que le gardien de la paix qui tue accidentellement son collègue à son domicile avec son arme de service. Le troisième correspond aux fautes personnelles commises dans l’exercice des fonctions mais qui s’en détachent intellectuellement par leur particulière gravité et révèlent le comportement personnalisé d’un homme, par exemple des préoccupations d’ordre privé ou des excès de comportement. Le dernier cas correspond à l’arrêt Papon. Il s’agit des fautes qui ont entraîné des conséquences d’une extrême gravité et qui révèlent un comportement inexcusable. En l’espèce, le comportement de Mr. Papon s’est caractérisé par un concours actif à la politique de déportation qui dépassait ce qui était exigé par l’occupant. Ainsi, le Conseil d’Etat note que Mr. Papon a accepté que soit placé sous son autorité directe le service des questions juives, alors que ce rattachement ne découlait pas de la nature de ses fonctions. Ensuite, il a veillé « de sa propre initiative et en devançant les instructions venues de ses supérieurs, à mettre en œuvre avec le maximum d’efficacité et de rapidité les opérations nécessaires à la recherche, à l’arrestation et à l’internement des personnes en cause ». Enfin, il s’est attaché « personnellement à donner l’ampleur la plus grande possible aux quatre convois qui ont été retenus à sa charge par la cour d’assises de la Gironde, sur les onze qui sont partis de ce département entre juillet 1942 et juin 1944, en faisant notamment en sorte que les enfants placés dans des familles d’accueil à la suite de la déportation de leurs parents ne puissent être exclus ». Pour le Conseil d’Etat, ce comportement ne peut s’expliquer seulement par la pression exercée par l’occupant allemand. Ce comportement est inexcusable et revêt un caractère de gravité exceptionnelle. Il s’agit donc d’une faute personnelle

B) La faute de service

Si cet arrêt est important en tant qu’il reconnaît la faute personnelle de Mr. Papon, son intérêt majeur réside dans la reconnaissance d’une faute de service de l’Etat. La distinction faute personnelle / faute de service remonte à l’arrêt Pelletier du Tribunal des conflits du 30 juillet 1873 (Cf Truchet). Avant cette date, s’appliquait le système dit de la garantie des fonctionnaires. Engager la responsabilité des fonctionnaires requérait l’autorisation du Conseil d’Etat. Avec le décret-loi de 1870, il n’est plus nécessaire d’obtenir cette autorisation. L’arrêt Pelletier précise que les actes administratifs restent de la compétence du juge administratif et que le fonctionnaire

...

Télécharger au format  txt (13.3 Kb)   pdf (132.2 Kb)   docx (12.3 Kb)  
Voir 8 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com