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Philinte et Alceste (Molière), extrait de leur dialoque.

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Par   •  11 Octobre 2013  •  4 264 Mots (18 Pages)  •  1 058 Vues

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PHILINTE, ALCESTE.

PHILINTE

Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ?

ALCESTE

Laissez-moi, je vous prie.

PHILINTE

Mais, encor, dites-moi, quelle bizarrerie...

ALCESTE

Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.

PHILINTE

Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.

ALCESTE

5 Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.

PHILINTE

Dans vos brusques chagrins, je ne puis vous comprendre ;

Et quoique amis, enfin, je suis tous des premiers...

ALCESTE

Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers.

J’ai fait jusques ici, profession de l’être ;

10 Mais après ce qu’en vous, je viens de voir paraître,

Je vous déclare net, que je ne le suis plus,

Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus.

PHILINTE

Je suis, donc, bien coupable, Alceste, à votre compte ?

ALCESTE

Allez, vous devriez mourir de pure honte,

15 Une telle action ne saurait s’excuser,

Et tout homme d’honneur s’en doit scandaliser.

Je vous vois accabler un homme de caresses,

Et témoigner, pour lui, les dernières tendresses ;

De protestations, d’offres, et de serments,

20 Vous chargez la fureur de vos embrassements :

Et quand je vous demande après, quel est cet homme,

À peine pouvez-vous dire comme il se nomme,

Votre chaleur, pour lui, tombe en vous séparant,

Et vous me le traitez, à moi, d’indifférent.

25 Morbleu, c’est une chose indigne, lâche, infâme,

De s’abaisser ainsi, jusqu’à trahir son âme :

Et si, par un malheur, j’en avais fait autant,

Je m’irais, de regret, pendre tout à l’instant.

PHILINTE

Je ne vois pas, pour moi, que le cas soit pendable ;

30 Et je vous supplierai d’avoir pour agréable,

Que je me fasse un peu, grâce sur votre arrêt,

Et ne me pende pas, pour cela, s’il vous plaît.

ALCESTE

Que la plaisanterie est de mauvaise grâce !

PHILINTE

Mais, sérieusement, que voulez-vous qu’on fasse ?

ALCESTE

35 Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur,

On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.

PHILINTE

Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie,

Il faut bien le payer de la même monnoie [1] ,

Répondre, comme on peut, à ses empressements,

40 Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.

ALCESTE

Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode

Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;

Et je ne hais rien tant, que les contorsions

De tous ces grands faiseurs de protestations,

45 Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,

Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,

Qui de civilités, avec tous, font combat,

Et traitent du même air, l’honnête homme, et le fat.

Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,

50 Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,

Et vous fasse de vous, un éloge éclatant,

Lorsque au premier faquin, il court en faire autant ?

Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située,

Qui veuille d’une estime, ainsi, prostituée ;

55 Et la plus glorieuse a des régals peu chers [2] ,

Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :

Sur quelque préférence, une estime se fonde,

Et c’est n’estimer rien, qu’estimer tout le monde.

Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,

60 Morbleu, vous n’êtes pas pour être de mes gens [3] ;

Je refuse d’un cœur la vaste complaisance,

Qui ne fait de mérite aucune différence :

Je veux qu’on me distingue, et pour le trancher net,

L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait [4] .

PHILINTE

65 Mais quand on est du monde, il faut bien que l’on rende

Quelques dehors civils [5] , que l’usage demande.

ALCESTE

Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié,

...

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