Pensez-vous que la révolution numérique offre un renouvellement de la conversation traditionnelle ?

Pensez-vous que la révolution numérique offre un renouvellement de la conversation traditionnelle ? Plan :

I) caractéristiques de la conversation traditionnelle : conventions formelles. L’idéal : esprit de répartie, savoir écouter (La Rochefoucauld). La conversation comme dialogue capable de faire jaillir les idées (dialogue socratique, heuristique : Platon), les salons et cafés au XVIII°, qui ont répandu les idées des Lumières.

II) Révolution numérique introduit trois modifications:

1) échanges + rapides, voire immédiats. Conséquences : réactions + rapides, irréflexion. Et plus de « bavardage ».

2) Echanges multipliés, dans le monde entier, qui peuvent être publics. (film : The social network). Conséquences : Facebook, exhibition de soi. (Tisseron, L’Intimité surexposée)

Autre conséquence : les conversations sont démultipliées, on peut s’y adjoindre. Blogs, forums, facebook, twitter : des « salons » à l’échelle planétaire. (Assouline, Nicolas Vanbremeersch) Le pouvoir de la parole est multiplié.

3) La conversation ne se fait plus toujours en face à face : perte des gestes, expressions du visage, inflexions de la voix. Conversation désincarnée, cela peut favoriser les confidences, cela rend aussi davantage possibles les malentendus. L’anonymat est possible (dossier : Assouline).Les « trolls », la méchanceté (dossier : Antonio Casilli, Les Liaisons numériques, cité par Erwan Desplanques, – mais la méchanceté et l’agressivité existaient avant aussi ! (Ridicule), la conversation même en face à face peut dégénérer (« Art », et Le Dieu du carnage, Yasmina Reza)

En conclusion : Deux caractéristiques de la révolution numérique offrent réellement un renouvellement de la conversation : le caractère public de la conversation et la possibilité d’anonymat. (ouverture : mais sait-on quelles nouvelles inventions technologiques peuvent encore intervenir et modifier davantage la conversation ?)

(INTRO) En ce début du XXI° siècle, les échanges se multiplient : le téléphone est devenu « mobile », il est aussi relayé par Skype. Internet permet les visioconférences. Aux mails, aux blogs et aux forums s’ajoutent maintenant twitter, facebook. On peut donc parler d’une véritable « révolution numérique ». Tous ces réseaux multiplient les échanges, devenus maintenant plus rapides, presque immédiats, et apparemment universels. Mais quelles évolutions les échanges numériques ont-ils entraînées ? Peut-on parler pour autant d’un renouvellement de la conversation traditionnelle ? Je définirai d’abord les caractéristiques de la conversation traditionnelle, pour envisager ensuite dans quels domaines la révolution numérique peut l’avoir modifiée.

(Rédaction du développement avec exemples):

La conversation traditionnelle obéissait à des normes de politesse, parfois très formelles. C’était aussi tout un « art », défini par La Rochefoucauld dans ses Maximes et réflexions morales: savoir converser, pour lui, c’est d’abord savoir écouter, savoir entrer dans les vues de son interlocuteur, et faire passer ses idées sans étaler son savoir. La vraie politesse n’était donc pas seulement formelle.

L’art de la conversation c’était aussi l’ «esprit », comme le montre le film Ridicule de Patrice Leconte : un art de faire de l’esprit en jouant sur les mots, une capacité de répartie qui suppose la rapidité, la vivacité. Les Lettres de Madame de Sévigné, correspondance écrite au XVII° siècle, montrent aussi cet art du choix des mots. Ces lettres sont « écrites », avec le temps de la réflexion, mais tout l’art est de montrer une apparente spontanéité, et elles visent à recréer l’illusion d’une conversation à bâtons rompus.

Enfin, la conversation a pu contribuer à trouver et à diffuser des idées nouvelles. Il faut rappeler l’importance du dialogue socratique en philosophie– la recherche de la vérité se fait, chez Platon, par le biais de dialogues, de conversations. Par ailleurs, certains lieux de conversation, les salons, puis les cafés, au XVIII° siècle, ont permis de formuler et de répandre les idées nouvelles des Lumières.

Aujourd’hui, la révolution numérique se caractérise par trois aspects : la rapidité quasi immédiate des échanges, la multiplicité des conversations et leur ouverture publique, et la possibilité de l’anonymat, liée à une communication virtuelle, désincarnée.

La rapidité, voire l’immédiateté des échanges, a contribué à des conversations, même écrites, « sur le vif », moins formelles. De ce point de vue, les règles se sont assouplies, la correspondance écrite se calque sur la conversation orale, les abréviations fleurissent, les formules de politesse se sont abrégées. Mais cela ne modifie pas vraiment la conversation. On peut y voir plutôt l’évolution d’une société qui récuse le formalisme, comme le montre l’extension du tutoiement et l’apparition des abréviations. Certes la facilité et la rapidité des échanges numériques peuvent entraîner des réactions trop rapides, irréfléchies, on a pu le constater avec des tweets qui ont défrayé la chronique. Cependant,

...