LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Le Sonnet : Une Forme « Limitée » ?

Mémoire : Le Sonnet : Une Forme « Limitée » ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Juin 2014  •  3 696 Mots (15 Pages)  •  2 204 Vues

Page 1 sur 15

Introduction :

Le vers de Boileau « Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème » a statufié le sonnet comme le genre-roi de la poésie française. Une histoire du sonnet de langue française recouperait à peu près celle de la poésie (en laissant cependant de côté quelques grands réfractaires, comme Victor Hugo). Imposé par une longue tradition, il est devenu la forme fixe « naturelle » de la langue française, comme l'alexandrin en est le vers par excellence. Forme fixe parce que le sonnet, au même titre que le rondeau, le virelai ou la ballade, obéit à des règles d'organisation tant sur le plan de ses rimes que sur celui de sa disposition typographique. La limitation du sonnet due à un carcan formel qui le caractérise, donc, peut permettre d'étudier la contrainte, aussi sclérosante que stimulante, que peut constituer pour le poète une forme fixe. C'est d'ailleurs, selon Baudelaire, l'adaptation à cette contrainte formelle qui permet le jaillissement de la merveille.

Qu'est-ce qui dans ce poème fascine ? Est-ce le grand nombre de ses contraintes – et donc des transgressions possibles – ou la perfection d'une idée dont on n'attendrait jamais que des simulacres ? Qu'est-ce qui pousse notamment le poète à l'infraction et au détournement, comme si le sonnet, au même titre que le vers, ne devait qu'à son saccage de ne pas mirlitonner ? Il est probable que la norme n'existe – en poésie comme ailleurs – que parce qu'elle est transgressée, que pour être transgressée ; dans quelle mesure cela s'applique-t-il aussi au sonnet ? Le sonnet ne s'affirme-t-il pas comme genre d'autant qu'il est mis en péril comme forme ?

Ces kyrielles d'interrogations montrent bien que le sonnet est au centre d'un réseau de tensions inhérentes à la poésie : tradition et modernité, forme et sens, syntaxe et métrique, poétique et prosaïque, etc.

__________________________________________________________

Il est intéressant de retracer en quelques lignes l'histoire particulièrement riche de ce genre, histoire qui, malgré la structure originellement rigide du sonnet, en explique les nombreuses variations connues selon l'époque et le pays, tant dans sa construction strophique ou dans l'agencement des rimes que dans les thèmes évoqués : sonnet italien des origines, sonnet pétrarquiste, sonnet marotique, sonnet français, sonnet shakespearien et sonnets variés du XIXème siècle avec Baudelaire, Verlaine et Rimbaud.

Cette forme poétique est apparue en Italie au XIIIème siècle à la cour de Frédéric II de Hohenstaufen, ce serait Giacomo (Jacopo) da Lentini qui en serait le créateur. Le sonnet est issu de la poésie populaire et n'était alors destiné qu'à l'oralité. Puis, la forme a acquis ses lettres de noblesse au XIVème sous la plume de l'italien Pétrarque (Francesco Petrarca) dans les sonnets qui composent la célèbre élégie passionnée qu'il dédicaça à son amour intemporel : Laure de Sade. La forme a ensuite été très exploitée dans toute l'Europe. Dans les deux premiers siècles qui suivent son apparition, elle ne se pratique qu'en Italie, puis en France lors de la Renaissance, aux XVIème et XVIIème siècles, tout particulièrement chez les poètes de la Pléiade comme Pierre de Ronsard (Sonnets pour Hélène, 1578) ou Joachim du Bellay (Les Regrets, 1558), mais aussi chez Louise Labé dont les vingt-quatre sonnets chantent à la suite de Sappho la passion d'une femme.

Le sonnet reste la forme poétique la plus pratiquée durant toute la première moitié du XVIIème siècle, que ce soit par les baroques tels que Sponde (« Tout s'enfle contre moy ») ou Maynard (« Mon âme, il faut partir »), par le premier des poètes classiques qu'est Malherbe ( « Sonnet à Caliste »), ou par les Précieux, comme Voiture et Maleville qui l'utilisèrent lors de la célèbre joute poétique de « la Belle Matineuse » (1635). Néanmoins, le sonnet perd peu à peu de son prestige dans la seconde moitié du XVIIème siècle, jusqu'à ce que Boileau le condamne dans son Art poétique de 1674. Le sonnet tombe alors en désuétude puis dans l'oubli jusqu'à ce que le XIXème siècle le redécouvre et le revisite.

Bien qu'il ait subi de nombreuses altérations, le sonnet, comme tout poème à forme fixe qui se respecte, était à sa naissance un canevas imposé à ceux qui voulaient y recourir. Il permettait de discipliner la création poétique et en quelque sorte d'apporter une aide aux poètes délaissés par Calliope.

Dans sa codification originelle, il comprend invariablement quatorze vers, répartis en quatre strophes (deux quatrains, suivis de deux tercets), dont la séparation est ou n'est pas marquée par un blanc typographique : chez Ronsard, les quatre strophes sont soudées, elles seront distinctes chez Baudelaire.

Les mètres employés pour ces quatorze vers furent jusqu'au XIXème siècle, le décasyllabe, puis l'alexandrin. La disposition des rimes a été fixée au XVIème siècle et la formule des quatrains est théoriquement stricte ABBA / ABBA. Pour les tercets, deux formes codifiées sont admises. La formule canonique est celle de Du Bellay : CCD / EDE mais Marot en a proposé une autre : CCD / EED (on parle alors de sonnet marotique).

D'autres règles régissent l'organisation du sonnet , celles-ci ont principalement été établies par Ronsard comme la nécessaire alternance des rimes masculines et des rimes féminines dans les quatrains ( FMMF ou bien MFFM), la césure à l'hémistiche ( donc après la sixième mesure) comme coupe formelle et signifiante ou encore le refus de l'enjambement, contrainte ajoutée par Malherbe pour pousser le poète à faire des alexandrins qui sont et ont une complétude et pour faire coïncider syntaxe et sens. Cependant, les règles du sonnet ne concernent pas seulement sa forme, elles exigent une certaine discipline du contenu.

En effet, le sonnet revêtant une forme dissymétrique qui l'apparente « à une figure dont le buste serait trop long et les jambes trop grêles et trop courtes » (Petit traité sur le sonnet de Théodore de Banville, 1872), le poète doit faire preuve de dextérité et d'adresse pour rétablir un équilibre sémantique. Pour ce faire, Théodore de Banville préconise un artifice qui consiste « à grandir les tercets, à

...

Télécharger au format  txt (22.8 Kb)   pdf (209.1 Kb)   docx (19.4 Kb)  
Voir 14 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com